Note de l’oublié
Passé à la trappe de ton dédain, je m’attelle à un projet récurrent : récurer le blanc de ta mémoire.
Et toi, si propre de ta personne, ne trouveras dans les coulisses de tes souvenirs ni coulisse ni trace dégoulinante qui te laisseraient à deux doigts d’une énième moue.
Je peux maintenant squatter un recoin de cette amnésie d’où je t’aperçois, de loin en loin, javellisant tout sur ton passage.
Je suis l’oblitéré, qui n’oublie rien, laissé en rade à la poste restante, lettre morte sur laquelle la poussière retombe lentement.
Il flotte ici une sorte de fadeur, et elle s’applique en transparence sur nos regards vitreux.
***
Symétrie
Dans la symétrie des esseulements
Le temps glisse comme la soie sous les doigts
Longe la ligne de faille, jusqu’en amont du réconfort
Là où ni elle ni lui ne sont tutoyés des yeux.
Les voilà dos à dos au bord de la crevasse
Deux autres exils sur une idylle désertée
Qui finit dans le camp retranché d’un lit double
Dont les draps ne contournent que les carences.
Dans la symétrie des esseulements
Chacun voit la résignation prolonger sa trame
Telle une repoussante tache d’huile
Et entre les deux, une intrication qui s’ignore.
Dans la dysenterie des sentiments
On avance au gré de la méfiance
Et on sort parfois croquer du réciproque
Avant de retourner nourrir le corps défendant.
Dans la symétrie des esseulements
La solitude n’est qu’échafaudage
Et pourtant ça tient en l’air.
Après tout, il faut bien sauver la face.
Si seulement, à l’endos de cet abandon
De l’autre côté de la géométrie de l’accoutumance
Pétrifiée de routines, tuméfiée de redondances
Contre toute attente, tu affleurais sous l’édredon!
JEAN POULIN
Il se présente :
Jean Poulin est né dans la ville de Québec mais vit à Montréal depuis un quart de siècle où il sévit principalement comme correcteur d'épreuves en plus d'être trekkeur à ses heures. Il a fait paraître une nouvelle dans la revue franco-ontarienne "Virages". Sinon, il est littérairement vierge.