PARIS-BROUILLARD
S'anime Charonne d'allègres ribambelles
Se délassent mêlées badines nonchalantes
Bourdonnent terrasses d'épanchements rebelles
S'émoustillent comptoirs de causeries galantes
S'endoctrine au lointain musardise captive
S'empâte inculture d'oukases lapidaires
S'infecte sous buisson verdeur sans perspective
S'enfantent dans l'ombre massacreurs suicidaires
S'étouffe critique prolifère ignorance
Dans fabriques d'enfer champignonnent fripouilles
Se prêche homicide s'enseigne intolérance
S'achève spectacle sur amas de dépouilles
Par paisible soirée surgit démon d'entrailles
S'abat peste brune sur ville sans frontières
S'explose Bataclan sous terribles mitrailles
Pleure République s'encombrent cimetières
Glace funeste hiver mémoire parisienne
Perdent leurs lanternes ruelles populaires
Divague sur ondes chronique cartésienne
Saigne d'encre noire pancartes circulaires
Fleurissent dans la nuit bouleversants messages
Fraternisent passants s'agglomère assistance
S'assemblent différents se fécondent brassages
S'écrivent mots de paix s'éveille résistance
© Mustapha Saha
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LE BAISER DANS LE COU
Tu remontes sans fin le parcours du calvaire
La tête couronnée d’un christique bandeau
L’âme en expectance comme un œuf dans l’ovaire
Et moi cheval de trait je tire ton fardeau
Tu cherches l’Essence par-delà la raison
Et le grand mystère des amours éternelles
J’exalte la substance en pleine floraison
Et l’étrange alchimie des ivresses charnelles
Tu sèmes l’Angélus dans l’hymen des nymphettes
Souffles sur les ondes les bibliques proverbes
D’une voix libertine à damner les prophètes
Je creuse ton sillon dans la glèbe du verbe
Quand la source s’éveille au fond de la ravine
De l’habit de nonne l’Immortel te déleste
Tu te donnes sans crainte à la grâce divine
Et prends dans l’extase ton orgasme céleste
Tu chevauches l’Ange messager du désir
Traverses comme éclair le tourbillon des spasmes
Dans tant de voluptés tu ne sais que choisir
Je laboure ton corps de récurrents fantasmes
Moi le pauvre exilé du ciel et de la terre
Le crâne au fil des jours harnaché d’un licou
De ta sainte bouche rosacée fumeterre
Je n’ai pour réconfort qu’un baiser dans le cou
© Mustapha Saha
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LE DERNIER MAÎTRE DE MONTMARTRE
Le tuner distille des refrains de tango
La palette côtoie l’imparable gris-gris
Le Sacré-Coeur au loin se couvre d’indigo
Le tableau s’ébauche sous l’oeil vif du chat gris
L’odalisque enlève ses ravissants atours
La pâte ocre et jaune transfigure la chair
La pointe du pinceau peaufine les contours
Le mistigri bougonne au fond du rocking-chair
Le peintre et son ouvrage engagent le débat
Le tracé se cabre la couleur se mutine
L’échange bien souvent se transforme en combat
Le matou revêche lacère les courtines
Une rouge lueur déchire la pénombre
Deux points blancs clarifient le regard longanime
Le mystère investit le modèle et son ombre
La silhouette nue de volupté s’anime
L’Aphrodite aux anges savoure une pavie
L’artiste en finesse pose l’ultime touche
L’oeuvre à peine signée mène sa propre vie
Le félidé boudeur rengaine ses cartouches
L’hôtesse au champagne baptise la diva
Le sponsor sans talent se flatte d’excellence
Les convives giguent sur un air de java
Le maître s’emmure dans un profond silence
© Mustapha Saha
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LES MOTS NUS
Que peuvent les mots nus quand sonnent les clairons
Quand s’éclipse la lune au rythme des alarmes
Quand s’endeuillent les clowns et les joyeux lurons
Quand s’abreuve l’amour aux collecteurs de larmes
Que peuvent les mots nus quand s’embrasent les tours
Quand voltigent les corps comme fétus de paille
Quand s’invite la bourse au festin des vautours
Quand s’unit la canaille aux funestes ripailles
Que peuvent les mots nus quand rodent les vampires
Quand traînent dans la boue les âmes sans ressort
Quand s’écroule d’un coup l’invulnérable empire
Quand s’arment les enfants pour conjurer le sort
Que peuvent les mots nus quand s’extirpent les lombes
Quand germe la guerre dans les mares d’or noir
Quand tombe au petit jour la dernière colombe
Quand spéculent sur l’art les affreux tamanoirs
Que peuvent les mots nus quand meurent les sirènes
Quand flambent les cités pour un bout d’oriflamme
Quand s’écrit la gloire dans le sang des arènes
Quand s’enfuient les serpents des ziggourats en flammes
Que peuvent les mots nus quand pleuvent les missiles
Quand s’ébattent les chiens dans les maisons sans porte
Quand crache la terre ses ténébreux fossiles
Que peuvent les mots nus que vent de sable emporte
© Mustapha Saha
MUSTAPHA SAHA
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