Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - RAUL QUINTO

Publié par Le Capital des Mots sur 16 Mars 2017, 17:16pm

Catégories : #poèmes

Nota del autor:

La piel del vigilante toma como punto de partida los personajes y la trama del clásico del cómic Watchmen, escrito por Alan Moore y David Gibbons a mediados de los años 80; construyendo un juego de máscaras en el que cada poema se corresponde con un monólogo dramático de uno de los personajes (el Comediante, Ozymandias, el Náufrago, etc.) que deben ser vistos como arquetipos de interpretación abierta y no como referencias culturales cerradas. La máscara que cubre a los protagonistas de Watchmen es la misma que desfigura el rostro de la literatura, también la que nos hace conscientes de la carga teatral del discurso poético. Mi voz se diluye tras el disfraz de esas miradas ficticias al igual que las suyas bajo mis palabras o las de los autores que encabezan los poemas. No soy yo, ni Watchmen, ni las citas, quien configura el sentido de La piel del vigilante; es la realidad la que se filtra por los poros de esta máscara que ahora deberá cubrir el rostro y las pupilas del lector.


 

Note de l’auteur :

La peau du gardien prend comme point de départ les personnages et l’argument du classique de la bande dessinée Watchmen , écrite par Alan Moore et dessinée par Dave Gibbons au milieu des années 80 , en construisant un jeu de masques dans lequel chaque poème correspond à un monologue dramatique de l’un des personnages (le Comédien, Ozymandias, le Naufragé, etc.), qui doivent être vus comme des archétypes d’une interprétation ouverte et non pas comme références culturelles fermées. Le masque qui couvre les protagonistes de Watchmen est le même que celui qui défigure le visage de la littérature, ainsi que celui qui nous rend conscients de la charge théâtrale du discours poétique. Ma voix se dilue derrière le déguisement de ces regards fictifs, de même que les leurs sous mes mots ou sous ceux des auteurs au début de chaque poème. Ce n’est ni moi, ni Watchmen, ni les citations qui configurent le sens de La peau du gardien ; c’est la réalité qui s’infiltre à travers les pores de ce masque qui maintenant devra couvrir le visage et les pupilles du lecteur.

 

 

***


 


 

El comediante

 

 

Un sudario manchado, un traje de segunda mano de harapos y sedas, un disfraz.

(The Velvet Underground)


 

Es cierto que los hombres se disfrazan

para acercarse más a la verdad.


 

Vi la piel del incendio derramarse

como un río de algas,

y supe que los cuerpos calcinados

conservan su sonrisa en la ceniza.


 

Siempre recuerdo las miradas huecas,

los gestos delatores, el perfume

que renuncia a los párpados

para volverse sólido y antiguo.


 

La condición humana es una mueca.


 

Yo vi cómo unas manos escarbaron la tierra

para encontrar un agua del color de su alma,

y vi cómo se hundían bajo su propia arena.


 

Soporté la mirada de este mundo

y rompí a carcajadas cada velo.


 

Había comprendido la broma de la vida.


 

 


 

Le comédien

 

 

                      Un suaire taché, un costume d'occasion de haillons et de soies,                           un  déguisement. (The Velvet Underground)


 


 

Il est vrai que les hommes se déguisent

pour se rapprocher plus de la vérité.


 

J’ai vu la peau de l’incendie se répandre

comme un fleuve d’algues,

et j’ai su que les corps calcinés

conservent leur sourire dans la cendre.


 

Je me rappelle toujours les regards creux,

les gestes délateurs, le parfum

qui renonce aux paupières

pour devenir solide et ancien.


 

La condition humaine est une grimace.


 

J’ai vu comment des mains ont creusé la terre

pour trouver une eau couleur de leur âme,

et j’ai vu comment elles s’enfonçaient sous leur propre sable.


 

J’ai supporté le regard de ce monde

et j’ai rompu par des éclats de rire chaque voile.


 

J’avais compris la farce de la vie.


 


 


 


***


 


 


 

El búho nocturno

 

 

Esa piel desprendida que no puede besarse más que en pluma

(Vicente Aleixandre)


 


 

Los secretos del aire, su ambigua partitura,

esclavizados soles

que se han vuelto metal por culpa del silencio,

yacen dentro de mí

y no me pertenecen,

porque cerré la puerta

para no oír el flujo del vacío

arañando la tapa de aquel féretro.


 

Volví a tener un rostro,

la miseria de ser una persona.


 

La sangre no obedece a los cuerpos desnudos,

no responden las venas.
Es hora de volver.


 

No queda más salida que esta puerta,

al final del camino

nos decide el principio:

los secretos del aire, su ambigua partitura,

que nadie reconozca el color de mis ojos.


 


 


 

Le hibou nocturne

 

« Cette peau détachée qu'on ne peut embrasser qu'en tant que plume »  (Vicente Aleixandre)


 


 

Les secrets de l’air, leur partition ambiguë,

soleils asservis

métallisés par la faute du silence,

gisent en moi

et ne m’appartiennent pas,

car j’ai fermé la porte

pour ne pas entendre le flux du vide

gratter le couvercle de ce cercueil.


 

J’ai retrouvé un visage,

la misère d’être une personne.


 

Le sang n’obéit pas aux corps dénudés,

les veines ne répondent pas.

Il est l’heure de rentrer.


 

Il n’y a d’autre issue que cette porte,

à la fin du chemin

le début nous décide :

les secrets de l’air, leur partition ambiguë,

que personne ne reconnaisse la couleur de mes yeux.


 

***
 


 

El juez de toda la tierra

 

 

El juez de toda la tierra, ¿no ha de hacer lo que es justo?

(Génesis 18-25)


 

Hace quince segundos estaré

sentado en este muro y soy la piedra.


 

Sé que la arena te recogió mañana

y a pesar de los fluidos te abandono.

Hoy veré el fuego confundido y agrio

que asoló tu columna cuando niña.


 

¿Pero no acaba el río siempre muerto

asfixiado en las sienes de las olas?

¿Acaso no es impropio para Dios

el perfilar los bordes del abismo?


 

Pronto flota en el aire esa lágrima

que derramaste sobre un agua espesa.


 

Ayer los cuerpos de mañana caen

unos encima de los otros,rígidos.


 

¿Por qué habré de sentir que vuestra vida

es comparable al gozo de la piedra?

¿Acaso Dios no tiene libertad

para crear latidos en el aire?


 


 

 

Le juge de toute la terre

                  Celui qui juge toute la terre n’exercera-t-il pas la justice ? (Genèse    18,25)


 

Cela fait quinze secondes que je serai

assis sur ce mur et j’en suis la pierre.


 

Je sais que le sable t’a accueilli demain

et malgré les fluides je t’abandonne.


 

Aujourd’hui je verrai le feu confus et aigre

qui, petite, a dévasté ta colonne.


 

Mais le fleuve ne s'achève-t-il pas toujours mort

asphyxié sur les tempes des vagues ?

Peut être n'est-il pas impropre pour Dieu

de profiler les bords de l’abîme ?


 

Bientôt flotte en l’air cette larme

que tu as versé sur une eau épaisse.


 

Hier les corps de demain tombent

les uns sur les autres, rigides.


 

Pourquoi devrai-je sentir que votre vie

est comparable à la jouissance de la pierre ?

Peut-être Dieu n’a-t-il pas la liberté

de créer des battements de cœur dans l’air ?


 


 


***


 


 

El espectro de seda

 

 

Forma es placer.

(E.M.R. Stadler)


 

Soy una mancha rota sobre un vidrio,

mis formas anteriores eran leves

y apenas resistían el granizo

ni los golpes febriles del invierno.


 

A veces llueve para sólo un cuerpo

y se hace complicado respirar.


 

Tantas cosas ocurren de improviso

que confundo mi sombra con mis manos,

y acaricio lo oscuro, y no siento

más tacto que la fuga,

más camino que el otro,

lejos de los perfiles de mi máscara

donde nadie dibuje mis palabras

ni las ate a mis gestos como un vaho.


 

Soy derrumbes de humo entre las ascuas

y necesito las cadenas cálidas

que mantengan erguida mi columna.


 

Aunque he visto los sexos de los dioses

y me han colmado cada poro abierto,

reconozco que soy una gran mentira:

no me disuelvo, no poseo forma.


 

 


 

Le spectre soyeux

 

 

                      Forme est plaisir. (E.M.R. Stadler)


 

Je suis une tache brisée sur un verre,

mes formes antérieures étaient légères

et à peine résistaient-elles à la grêle

ou aux coups fébriles de l’hiver.


 

Parfois il pleut pour seulement un corps

et il devient compliqué de respirer.


 

Tant de choses arrivent à l’improviste

que je confonds mon ombre avec mes mains,

et je caresse l’obscur, et je ne sens pas

d’autre toucher que la fuite,

d’autre chemin que l’autre,

loin des profils de mon masque

où personne ne dessine mes paroles

ni ne les lie à mes gestes comme une buée.


 

Je suis effondrements de fumée entre les braises

et j’ai besoin des chaînes chaudes

qui maintiennent dressée ma colonne.


 

Même si j’ai vu les sexes des dieux

et qu’ils m’ont comblé chaque pore ouvert,

je reconnais que je suis un grand mensonge :

je ne me dissous pas, je ne possède pas de forme.


 


***

 

 


 

Ozymandias

 

 

Ved mis obras, seres poderosos, ¡y desesperaos!

(P.B. Shelley)


 

Al final del sendero había una laguna,

flotaban los cadáveres

conformando mi nombre entre la luz.


 

Y mantuve los ojos abiertos como estatuas

para que no se escapase ni un destello de sangre,

y acaricié los gritos, satisfecho y completo

al saber la belleza que traería el silencio.


 

El nudo de Alejandro no era tan doloroso.


 

Mirad bien estos muertos,

sus caras descompuestas por el fango,

mirad cómo nos hablan

de un futuro distinto, más hermoso.


 

El rostro de Alejandro nunca fue tan terrible.

Sólo yo he de cargar con su agonía,

con sus abrazos últimos,

con sus miradas negras;

el resto es mi legado: vuestra luz.


 

Al final del sendero había una laguna,

y sobre los cadáveres

emergía la vida con más ímpetu.


 


 

Ozymandias

                     Voyez mes œuvres, ô êtres puissants, et désespérez!   (P.B. Shelley)


 

A la fin du sentier il y avait une lagune,

les cadavres flottaient

formant mon nom dans la lumière.


 

Et j'ai maintenu les yeux ouverts comme des statues

pour que ne s'échappe un seul éclat de sang,

et j'ai caressé les cris, satisfait et complet

de connaître la beauté qu'apporterait le silence.


 

Le nœud d’Alexandre n’était pas si douloureux.


 

Regardez bien ces morts,

leurs visages décomposés par la boue,

regardez comme il nous parlent

d’un futur différent, plus beau.


 

Jamais le visage d’Alexandre ne fut si terrible.


 

Moi seul, je dois porter leur agonie,

leurs étreintes ultimes,

leurs regards noirs ;

le reste est mon legs : votre lumière.


 

A la fin du sentier il y avait une lagune,

et sur les cadavres

la vie émergeait plus impétueuse.


 


 

 

 

***

 


 

Moloch

 

 

...y cuando llega a su fin, sólo nuestros enemigos dejan rosas. (Alan Moore)


 

En un espejo me miré desnudo

y encontré mi latido

ya fuera de las venas

avanzando hacia mí como una sombra.


 

Quise cerrar los ojos,

pero ya estaba ciego,

y en mis pupilas se enroscaba el virus

de la condena: conocer el tiempo

desde el abismo de un reloj de arena.


 

De nada me valdría

empañar los cristales

o acariciar el humo con la lengua,

la arena me cubría hasta los hombros.


 

Entonces estallé una rosa en mi boca

y vi a mis enemigos,

sus viejas máscaras de piel humana

derretidas por lágrimas sinceras.


 

Al fin -pensé reconfortado-

ellos serán los únicos

el día de mi entierro,

cuando la lluvia arrastre las caretas.


 

Y salí a la ciudad

              a confirmar mi muerte.


 


 

 


 

Moloch

 

« ...et quand elle arrive à sa fin, seulement nos ennemis laissent des roses » (Alan Moore)


 

Dans un miroir je me suis vu nu

et j'ai trouvé mon battement

enfin hors des veines

avançant vers moi comme une ombre.


 

J'ai voulu fermer les yeux,

mais j’étais déjà aveugle

et dans mes pupilles s’enroulait le virus

de la condamnation : connaître le temps

depuis l’abîme d’un sablier.


 

Il ne me servirait à rien

d'embuer les vitres

ou de caresser la fumée avec la langue,

le sable me couvrait jusqu’aux épaules.


 

Alors j’ai fait éclater une rose dans ma bouche

et j'ai vu mes ennemis,

leurs vieux masques de peau humaine

fondus par des larmes sincères.


 

Enfin –pensai-je réconforté-

ils seront les seuls

le jour de mon enterrement,

quand la pluie entraînera les masques.


 

                   Et je suis sorti dans la ville

                   confirmer ma mort.

SELECTION DE POEMES DE SON RECUEIL « LA PIEL DEL VIGILANTE », (Barcelona, DVD Ediciones, 2005)


 

 

Textes traduits de l'espagnol par Miguel Angel Real  et Marceau Vasseur


 

RAUL QUINTO

 

Présentation par Miguel Angel Real et Marceau Vasseur 

 

 

L’auteur

Né à Carthagène (Espagne) en 1978. Diplômé d’Histoire de l’Art, il réside à Almería, où il travaille comme professeur. Il a publié les recueils Grietas (Dauro, 2002; réédité avec Poemas del Cabo de Gata, La Garúa, 2007), La piel del vigilante (DVD, 2005, Prix « Andalucía joven » de Poésie), La flor de la tortura (Renacimiento, 2008), et Ruido Blanco (La Bella Varsovia, 2012), ainsi que le livre d’essais hybrides Idioteca (El Gaviero, 2010). Sa dernière parution est Yosotros (Caballo de Troya Ed, 2015).

Il s’agit de l’une des voix les plus puissantes de la poésie espagnole contemporaine. Son œuvre teintée de symbolisme et de surréalisme s’éloigne de l’autobiographie pour créer un monde original et plein de significations. Les extraits traduits proviennent du livre « La Piel del Vigilante », dont le point de départ est extrêmement original : pour une meilleure compréhension des extraits, nous vous traduisons également sa note d’introduction au recueil.

Vous pouvez aussi consulter son blog en espagnol et son profil Facebook :

raulquinto.blogspot.com

https://www.facebook.com/raul.quinto?ref=br_rs

 

 

 

 

LES TRADUCTEURS


 

MARCEAU VASSEUR

Il se présente :

Après des études de sciences politiques et de philosophie à l’Université de Toulouse, il devient professeur de lettres en Bretagne, Colombie, Vietnam, Espagne, montant parallèlement des spectacles de théâtre avec lycéens et étudiants. Il habite désormais à Douarnenez où il co-traduit de la poésie espagnole contemporaine. Il a publié avec Loreto Casado « C’est peut être du toc, la vie » (La vida puede ser una lata) de Pedro Casariego (Le Nouveau Commerce, 1996).

***
 

MIGUEL ANGEL REAL

 

Il se présente :

Il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Il travaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, Inspecteur Pédagogique Régional dans l’Académie de Rennes en 2012, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper et intervient occasionnellement à l’Université de Bretagne Occidentale. Il se consacre aussi à la traduction et à l’écriture de poèmes. La revue Passage d’encres a publié certaines de ses traductions en collaboration avec Marceau Vasseur, en 2008.

 

Raul  Quinto - DR

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