Quand l’air est de satin
Sous une futaie claire où le soleil transperce,
Le Dieu Pan dort d’un somme aux rêves s’éclairant,
Éventé par la brise, expirant, inspirant
Tour à tour ce vent frais que la frondaison verse.
Sur la mousse allongé du chêne qui le berce,
Habillé d’un pourpoint, un barde soupirant
Tend l’oreille au lointain, où des sons vont errant.
Un pied près de sa muse, en poète il converse
De l’amoureux commerce et ses songes hardis
Rencontrent ceux de Pan. Une sylphe court là
Légère, à demi nue, sans plus de falbala.
Euterpe est dans le bois, écoutant les mots dits.
Et tout ce petit monde enjoué du matin
Sirote la fraîcheur quand l’air est de satin…
***
C’est un chat de gouttière
C’est un chat de gouttière, un chat qui monte aux toits.
Il est libre et agile, et ses morceaux de choix
Ne sont ni du mouron, ni des mets fins de rois.
Il croque les souris plus qu’en gourmet du foie.
C’est un chat de salon, un chat d’appartement.
Il se la coule douce, en pacha somnolent.
Il ne griffe jamais, ronronne longuement
Et s’en va de travers, d’un pas timide et lent.
Lequel faut-il envier ? Quel sort est préférable ?
Vaut-il mieux les coussins au sirop de la rue ?
La sécurité semble assez inconciliable
Avec la liberté, comme elle est apparue
À mon chat de gouttière ami de la goguette
Et de la belle étoile aux côtés de la chouette.
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Les contrées de jadis
Je m’en vais te corner un gai couac à l’oreille.
J’espère qu’il te plaît d’écouter mon canard.
Il s’ébat dans la mare à nulle autre pareille
Des contrées de jadis. D’un beau son nasillard,
Il s’éprend du lecteur qui s’avance un peu trop
Quand il dit l’admirer en raison de sa plume.
Comme on vide d’un trait, au fond d’un vieux bistrot,
La bière de son bock, mon canard bat l’enclume
Du vers à pleine voix. Qu’il est doux de l’étendre
D’un coup de poing d’ami à travers la figure !
Il gueule à point nommé ; c’est plaisir de l’entendre.
Son royaume sans fin une mer inaugure.
Dedans, il nage en rond ! Or, je t’en prie, dis-le :
Que l’amarre est au ciel dans un vaste four bleu !
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Mon vers suit le canon
Pour être à contre-emploi, mon vers suit le canon
De la lourde esthétique et ses vaisseaux de guerre
Rougissent l’eau céans de la mer en mon nom.
Les Goethe et les Schiller d’aujourd’hui, de naguère,
Envient sa fronde tarte et c’est une merveille
De l’observer à l’œuvre au sud d’un louvoiement.
Pour être de guingois, mon vers en mère veille
Sur le sommeil ingrat au profond bégaiement
De ses cent rejetons. Pour être un grand nabot,
Mon vers a les rondeurs de l’éphèbe de Grèce.
Il a de la Vénus l’impondérable graisse
Et je crois pouvoir dire aux défenseurs du Beau
Que son charme réside en ce net bec-de-lièvre
Qui l’orne en déformant sa purpurine lèvre.
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Un sonnet lozérien
Lorsque les fleurs des champs agrémentent l’été
Levant leurs yeux aux cieux
Qu’un promeneur curieux, pris de folle gaieté,
Regarde de son mieux
Et que s’en vient voguer un nuage émietté
Dans le jour radieux
Tel qu’un blanc pissenlit tout là-haut transporté
Par un vent gracieux
Il semble que l’azur, par la terre écouté,
Soit en somme soucieux
De se réinventer. Tout à l’air habité,
L’œil se porte audacieux
Vers ce décor mouvant, démonté, remonté,
Roulant de lieux en lieux !
FRANCOIS DEBUICHE
Il se présente :