En bas
Après le final brutal
J’arrache les scotches
Des cartons gris
Pour y trouver ta trace
Du jazz et des cadavres
Des vaisseaux de l’espace
Le sexe pris d’un fou rire
Entre mes mains
La couverture orangée
De Jérôme Bosch
La neige morose de l’internat
Intensifie mon désir de toi
Eteint comme un éphémère
Sans axe sans corps
J’avance moi fils
Sur la trace des mots
Bâtons et balises
Girouette rougissante
D’une intériorité rude
J’observe le monde
Dévié de la trajectoire
Les filles grimacent
Sous mon nez
Se demandant sans doute
A qui elles ont affaire
Seule une femme aux yeux peints
Me prend au sérieux
***
Sombriété
Le son de ma voix
Encore mal née
Ce corps d’un coup
De garçon qui chante
Une note carmine
Le creuset
Des ambitions roides
Soudain balbutiant
Faille lointaine
Parlant des entrailles
Violences braisées
Bile anthracite
L’assassinat qui perce
Chaque matin sans cesse
Je retourne au charbon
On découvre
Le phénix
On arrache
Les peaux du plexus
On renoue
Les fragments perdus
Tandis que j’accable
D’horizons pointus
Ce monde congestionné
Qui tousse périclitant
L’œil perçant du condamné
Ses poignets entravés
Me questionne la nuit
Mettant le poids de sa mort
Dans la paume du frère
J’attache ce message
En moi fermement
Rage vie pleur fanal
Action des basses souches
Le travail est à l’œuvre
***
Le guetteur
Je suis une bombe
Mes mots crochent les sons
C’est ailleurs que je regarde
Vert et épanoui
Une luciole dans le cœur
Dehors les murs sont sourds
Risquons cette voie-là
Plus tard je dors
Et c’est comme une liqueur
Dans le creux des veines
Vite appareillons
Faisons irruption ici
Sans jamais se taire
Pas avec cette main-là
Affolé mais pas idiot
Les yeux clignent très vifs
Il y a cette pierre à soulever
Et cette autre à tondre
Extraits de "Sombriété"
JACQUES LALLIÉ
Il se présente :
Né à l’Isle Adam en 1971, Jacques Lallié se consacre tout d’abord à des études supérieures de commerce. Il commence sa carrière dans l’imprimerie en tant que commercial. Parallèlement, il suit une formation théâtrale auprès de Jean-Félix Cuny. A 30 ans, il devient comédien professionnel et monte sa propre compagnie de théâtre. Il y crée et joue une adaptation théâtrale de la correspondance entre Henry Miller et Anaïs Nin. Puis il est mis en scène par Isabelle Desage sur le grand poème de Fernando Pessoa, « Passage des Heures ». Ses pas le mènent également vers le théâtre médiéval. Après un détour dans la production audiovisuelle, il travaille à partir de 2011 comme professeur de théâtre et animateur dans le milieu social avec le théâtre-outil. Dans la quête d’une alliance entre danse et poésie, il organise plusieurs stages interrogeant corps et voix. En 2017, il écrit son premier recueil de poésie « Sombriété ».
« Sombriété » est un ouvrage rassemblant des poèmes écrits entre 2016 et 2017. Il contient plusieurs types de poèmes en prose. Dans les formes brèves, le but est de faire jaillir de multiples images qui se lient sur 2 à 4 vers. Les formes plus longues racontent une histoire inspirée directement du vécu, du regard porté sur l’expérience de la vie. Livrant des parts d’intimité de lui-même, l’auteur garde cependant une distance permettant au lecteur de faire vivre à sa façon le poème en lui. C’est un recueil d’un lyrisme dense qui ne penche pas vers la facilité du genre. Cela aurait pu être écrit en été dans un état d’ébriété sombre et enjoué.