PENUMBRA
Solo un punto de fuego, que lento se consume.
Ni más ni menos eso: calor de luz muy débil,
apenas perceptible si pasas distraído.
Así que aprieta el paso porque el miedo da alcance
y es un bosque que espera con brillo de mil ojos.
Párate. Sácate la angustia de las uñas como si fuera tierra.
Si te agarra, ¿qué importa? Es solo miedo, es solo miedo
y el miedo es blanco como sábanas que apagan las estrellas
(desmenúzalo luego en un tazón con leche que te sacie).
Cruza las calles; observa cómo irradian tu sombra las farolas;
explota con el índice ladridos suspendidos en el vaho
igual que pompas de jabón. Otros ruidos se alejen: zumbidos,
risas deshilachadas, borrachos que se enojan
y dicen ser la muerte, y siembran esa duda en las esquinas.
El lecho es ahora blando y el corazón, una medusa:
una sepia muy blanca, que se impulsa con pálpitos
e inflige quemaduras con su roce.
Se baña en sal y cae como pluma
mar abajo
donde el fuego es un ascua y la luz
el soplo.
PENOMBRE
Juste un point de feu qui lentement se consume,
Ni plus ni moins cela : chaleur de lumière très faible,
à peine perceptible si tu passes distrait.
Accélère donc le pas car la peur nous atteint
et c'est une forêt qui attend avec l'éclat de mille yeux.
Arrête. Sors l'angoisse de tes ongles comme si c'était de la terre.
Si elle t'attrape, qu'importe. C'est juste la peur, juste la peur
et la peur est blanche comme des draps qui éteignent les étoiles
(émiette-la ensuite dans un bol de lait qui te comble).
Traverse les rues ; observe comment les lampadaires irradient ton ombre ;
explose avec ton index les aboiements suspendus dans la buée
tel des bulles de savon. Que d'autres bruits s'éloignent : bourdonnements,
rires effilochés, ivrognes qui se fâchent
et qui disent être la mort, et qui sèment ce doute dans les recoins.
Le lit est maintenant mou et le cœur, une méduse :
une seiche très blanche, qui s'anime en palpitant
et inflige des brûlures en te frôlant.
Il se baigne dans du sel et tombe comme une plume
dans la mer au loin
où le feu est une braise et la lumière
le souffle.
***
AÑO CERO
Horizontal.
En la mirada
nada de pie,
erguido.
Sombras vacías
en la planicie.
El sol directo
en los escombros.
Alguna hormiga
por las aceras.
Ralo paisaje
que se disuelve.
Rasas las ruinas
que se amontonan
sobre reptiles.
Es un paisaje
sin artefactos
y sin arbustos:
puro delirio.
Puro derribo
de los semáforos.
Hierbas que rompen
el pavimento.
Hierven los gatos
en los solares.
La polvareda
de un viento enfermo
cubre los troncos
que yacen lívidos.
Desde la altura,
solo los pájaros
nos ven cruzando
la tierra yerma.
ANNEE ZERO
Horizontal.
Dans le regard
rien debout,
dressé.
Ombres vides
sur la plaine.
Le soleil direct
sur les décombres.
Une fourmi
sur les trottoirs.
Paysage clairsemé
qui se dissout.
Les ruines rases
qui s'entassent
sur des reptiles.
C'est un paysage
sans artefacts
et sans arbustes :
pure délire.
Pure démolition
des feux tricolores.
Herbes qui brisent
le bitume.
Les chats bouillent
dans les terrains vagues.
La poussière
d'un vent malade
couvre les troncs
qui gisent livides.
D'en haut,
seul les oiseaux
nous voient traverser
la terre aride.
***
POESIA
El poeta-músico vociféró al auditorio
que la música era lo único vivo en la poesía,
y desapareció rompiendo una orquídea,
secando un lago, degollando a los bueyes
que araban el sembrado de las tierras cercanas.
Yo busqué desde entonces
su paisaje perdido;
lo encontré en un sendero
camuflado entre zarzas
tras la desierta selva guardada por las bestias.
Un camino de baches tan profundos
que las sienes redoblaban el pálpito de la idea.
Estaba ahí; un día apareció revelándose
despacio como el sonido de los bares al amanecer.
Era el papel de gelatina de plata que atrapa la luz:
una mujer, un amor, una fe: esta certeza.
Ahora la niebla no eleva hasta mi boca
sus sacos de algodón bloqueando la puerta;
navega suavemente sobre la tierra fresca
recorriendo el camino que se rompe y bifurca,
pero que ya no quiere dejar de ser paisaje.
POESIE
Le poète-musicien se mit à vociférer vers l'auditoire
que la musique était la seule vie dans la poésie,
et il disparut en brisant une orchidée,
en séchant un lac, en égorgeant les bœufs
qui labouraient les champs des terres voisines.
J'ai cherché depuis
son paysage perdu ;
je l'ai retrouvé dans un sentier
camouflé parmi les ronces
derrière la déserte jungle gardée par les bêtes.
Un chemin aux trous si profonds
que la palpitation de l'idée résonnait dans les tempes.
Il était là : un jour il apparut en se révélant
lentement comme le son des bars à l'aube.
C'était le papier de gélatine d'argent qui attrape la lumière :
une femme, un amour, une foi : cette certitude.
A présent le brouillard ne lève plus jusqu'à ma bouche
ses sacs de coton qui bloquent la porte ;
il navigue doucement sur la terre fraîche
et parcourt le chemin qui se rompt et bifurque ,
mais qui ne veut plus cesser d'être paysage.
***
BOSQUE
Un bosque se abre paso en la memoria;
el corazón, hermoso, acaricia raíces.
Acacias cimbreándose al paso de la sangre
anuncian vida nueva para sus ramas verdes.
Poco importa esta noche la destrucción afuera,
el paisaje que alterna la nieve con las llamas.
A veces se derriten los copos con el fuego,
a veces cesa el ruido de las crepitaciones
ante el rotundo golpe de su helada blancura.
Poco importa esta noche el abandono afuera:
crece un bosque en el pecho que se puebla
de pájaros. Emerge el archipiélago
del cuerpo boca arriba esperando otra fauna.
Mi jauría te acerca sus fauces con fiereza;
tus pequeños roedores salen de sus guaridas;
un río desbordado inunda las caderas.
FORET
Une forêt se fraye un passage dans la mémoire :
le cœur, beau, caresse des racines.
Des acacias qui se balancent au passage du sang
annoncent une vie nouvelle pour leurs branches vertes.
Peu importe cette nuit la destruction dehors,
le paysage qui alterne neige et flammes.
Parfois les flocons fondent avec le feu,
parfois le bruit des crépitations cesse
face au coup retentissant de leur blancheur gelée.
Peu importe cette nuit l'abandon dehors :
une forêt pousse dans la poitrine qui se peuple
d'oiseaux. Émerge l'archipel
du corps sur le dos en attente d'une autre faune.
Les gueules de ma meute s'approchent farouchement de toi;
tes petits rongeurs sortent de leurs tanières ;
une rivière déchaînée inonde les hanches.
Extraits de « La piel es periferia », Ed. Visor, Madrid 2015
Traduction de Miguel Angel Real
JOSÉ GARCIA OBRERO
Présentation par Miguel Angel Real
José García Obrero est né à Santa Coloma de Gramenet (Barcelone, Espagne) en 1973, mais il réside à Cordoue depuis 1997.
Il est l’auteur des recueils Un dios enfrente (La Garúa, 2013), finaliste du prix Ciudad Alcalá de Henares de Poésie en 2014; et Mi corazón no es alimento (Ediciones En Huida, 2014). En 2015, l’éditoriale Valparaíso a publié sa traduction de Mal, du poète catalan Jordi Valls.
Avec La piel es periferia (Visor, 2017) il a obtenu le Prix de Poésie Ciudad de Burgos en 2016.
Actuellement il fait partie de l’équipe de rédaction de la revue de poésie contemporaine Caravansari, consacrée aux différentes langues de la péninsule ibérique. Il collabore également avec le supplément culturel Cuadernos del Sur, du journal Diarío Córdoba.
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MIGUEL ANGEL REAL
Traducteur.
Il se présente :
Il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Il travaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, Inspecteur Pédagogique Régional dans l’Académie de Rennes en 2012, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper et intervient occasionnellement à l’Université de Bretagne Occidentale. Il se consacre aussi à la traduction de poèmes en collaboration avec Marceau Vasseur. Leurs traductions ont été publiées en 2008 par la revue Passage d’encres et en 2015 par le Festival de Cinéma de Douarnenez. En 2017 ils collaborent avec La Galla Ciencia (Espagne) et Le Capital des mots.
Il écrit également. En tant qu’auteur, certains de ses poèmes en français ont été publiés dans Le Capital des mots. Certains de ses poèmes en espagnol ont été publiés par les revues Letralia (Vénézuela), Fábula (Université de Logroño, Espagne), Marabunta ,El Humo et La Piraña (Mexique). Il a reçu le troisième prix du VII concours de Poésie "Atiniense" (Argentine) en 2016.