L’ÉCORCE
Les troncs des chênes rouvres ou
des hêtres pourpres certains presque
millénaires
à l’ombre des futaies épaisses et
tortueuses qui s’enchevêtrent
au milieu des halliers
quand tu interroges du doigt leurs blessures
derrière les voix sédentaires
devines-tu sous combien d’épaisseurs
silencieusement
ils continueront d’abriter leurs secrets ?
***
BATTRE LA FORÊT
J’ai cherché longtemps derrière les fougères
autour des troncs sous les écorces j’ai fouetté
l’air de mes mains
avec un bâton retournant chaque buisson
fustigeant sur mon passage les basses
branches
sans relâche à la poursuite du poème
avant qu’il ne se dérobe par accident
au détour d’une ornière
en même temps qu’un grand soulèvement
d’oiseaux alarmés
***
HARANGUE
Dans l’écorchement de leur langue les corneilles
mantelées continuent de marteler sans répit
l’obstination de vivre
mécaniquement à la fourche des peupliers
noirs le long du canal ou dans l’anfractuosité
des roches
prophétisant la fin de la saison avec
le rire des fruits
quand elles ne becquettent pas les yeux
des statues aux abords du parc
en représailles
***
RUE DU SOMBRE
Rue du sombre est la demeure
étroite avec les amours de printemps les amis
sans adresse l’illusion accrochée aux fenêtres
et l’enfance pâle derrière les volets clos
les souvenirs sèchent avec le linge en descente
la vérité trébuche sur le pavé rue du sombre
un regret trouble imprègne les murs et l’air
rares passants l’empruntent mais
l’obstination du jour s’habille d’hortensias
bleus ou mauves le soir ouverte sur l’énigme
SAMUEL MARTIN-BOCHE
Il se présente :
Né en 1977, Samuel Martin-Boche vit aujourd'hui à Nevers, où il travaille comme enseignant, après un parcours de Lettres (Poitiers, Bordeaux) et un poste d’assistant de langue (Irlande du Nord). Depuis 2017, il contribue à quelques revues de poésie en ligne ou sur papier (effectives ou à venir : Arpa, Lichen, Recours au poème, Poésie/première…). Actuellement deux recueils sont en cours d'écriture.