Toute ma vie j’ai menti. Par omission par effronterie par jeu, enfin par habitude.
Enfant j’ai guetté les fourberies des grands, les racontages maternels sur l’existence du Père Noël, les offrandes de la souris pour consoler la perte d’une dent que me contait mon père. A la tête d’une armée de menteurs mon père et ma mère brassaient du vent sans vergogne. Moi je mentais gorge serrée au bord du souffle juste avant l’asphyxie. Je dissimulais les sales notes obtenues à l’école, la robe maculée de taches roulée en boule au fond de l’armoire. Pour étouffer le bruit de mes frasques je les recouvrais de dentelles et laissais mes parents dérouler leurs chimères. On échangeait des foutaises, ils me fichaient la paix.
Au collège, pour être admise dans la meute, il fallait faire bonne figure et apprendre à farder la rancœur. Une giclée de poudre aux yeux suffisait à réjouir mes camarades. Lorsque l’histoire n’était pas assez belle je m’inventais d’autres vies. Quand un camarade plus perspicace se fendait d’une moue dubitative à l’écoute de mes fariboles je noyais le soupçon dans un bouillon d’éloquence. Les mots élastiques, j’oubliais ma peur.
Je grandissais le pli était pris. A l’ami qui s’éloignait je cachais ma détresse tandis qu’à celui qui s’accrochait je débitais sans rougir mon lot de balivernes. J’ai romancé une histoire qui sombrait, débobiné des nuits entières des contes à dormir debout. Le cœur en vrac les mots éparpillés. Je papillonnais. Les chats étaient mes compagnons fidèles j’admirais leur grâce féline. Et leur agilité à retomber sur leurs pattes.
J’ai continué à émailler l’ordinaire de mon existence de minuscules menteries. Entre les cailloux poussaient des coquelicots et la fadeur se paraît de fantaisie. De mots imposteurs. Ils noircissaient la page blanche moi je peignais des mirages.
***
Au firmament tremblant
Dans l’obscurité de l’anneau
Un mot, comme une virgule
Sur tes lèvres, le froissement de l’air murmuré
Murs.
La langue fuit, je m’en souviens à peine
Le gris des yeux noyés d’eau infiniment présents
Creuse le rythme, tasse la brise entre le monde et toi.
Elle va passer la rive, son souffle est différent, sa nudité parée.
Je lèche sur la pierre un visage enroulé,
La trace d’une cédille et mon doigt malhabile en suit tous les contours.
Je fais le tour de toi, de tes bleus
Ma langue lisse
Azur au-dessus des nuages
Outremer
Gouache épaisse, coulures de vie.
Quelques grains de granit que mes dents brisent encore.
Le cri des yeux broyés
Et sous la peau cette cacophonie.
Tout au bout de la ligne, le goût de maintenant, imminescence vive.
L’étranger est venu, le passant échappé du cercle
Et je me penche, lèvres closes, sur le chiffre dessiné sur la porte.
NADINE TRAVACCA
Elle se présente :
Nadine Travacca vit en Savoie et publie des textes poétiques en revue papier et numérique.