Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - WALTER RUHLMANN

Publié par Le Capital des Mots sur 31 Décembre 2018, 13:18pm

Catégories : #poèmes, #texte

Et il voulait le soleil

 

 

Réfugié dans les cavernes les plus ridicules, celles où les nains et les elfes se sont accouplés pour donner naissance au trolls les plus invincibles, ces mystérieuses créatures, indéfinies et sans vergogne. Il rêve toute la journée et toute la nuit quand ils ne s’occupent pas de ces vieux et de ces vieilles, des cornemuses usées et des vieillards ridés.

 

Oui il voulait le soleil et veut toujours finir sa vie sous les rayons de l’astre le moins imperturbable que cet univers nous ait apporté. Pourtant il connaît les dangers du soleil et des marées basses qui emportent des vies, sans honte, sans peur, sans pouvoir, sans vouloir arrêter l’abduction, le génocide de tant de cadavres à venir, déjà congelé bien que baignés de soleil.

 

Apollon est une mauviette, un gosse de foire illettré dont le torse ne pourra jamais remplacer le souvenir de Freyr : sanglier velu. Tous mes frères de joies scandinaves ne peuvent qu’être d’accord.

 

Le soleil pour lui n’est pas un dieu, plutôt une île perdue au milieu de l’océan, dans l’hémisphère sud, comme un cancer tropical, de l’érotisme exotique dans des appareils électroniques qui bourdonnent dans ses oreilles. L’homme en plastique, mon lutin n’est pas un homme des cavernes, il ne peint pas et ne chasse pas non plus.

 

Parfois il joue avec des instruments, des outils ou des ustensiles qui lui griffent les ongles,écorchent ses avant-bras, blessent ses cuisses douces ou laissent des marques sur son cou. Il plante des graines et des buissons partout dans le jardin avec une pelle deux fois plus grande que lui. Il souffre du dos très vite et doit s’arrêter. Laminé, crevé, il va au lit, fait la sieste tout l’après-midi jusqu’à ce que la lune caresse ses joues et ses fesses, celle de gauche je la tiens souvent dans la paume de ma main gauche.

 

***

Essoufflé

 

 

C’était comme si même le ciel gèlerait,

un seul éternuement le fracasserait,

du verre bleu se briserait et s’éparpillerait partout :

des débris translucides.

 

Nous espionnons les cieux, nous nous sentons maudits

quand nul ne peut supporter le murmure

qui vient d’en haut : bien que superficiel et faible,

il est implacable.

 

Le refuge dans l’ombre des montagnes

ressemble à tous les autres, absout dans les péchés

caractéristiques des gens par ici :

des bouffons insatiables.

 

 

***

 

Emmener

 

 

Blanches un temps autrefois,

les pierres du chemin ressurgissent.

Tes pas sont de nouveau plus assurés,

le parcours jusqu’à ta voiture,

la route jusqu’au travail,

tu t’arrêtes à la rivière où

l’homme marionnette te récupère.

 

Ou l’homme à barbe dont la femme –

une petite brune vêtue de vert – ne s’arrête jamais

de gigoter quand la montagne gèle

ou renaît. Les routes serpentent, les pierres

chutent insouciantes ; peut-être

jetées du haut des pentes

par des géant secrets que les voitures effraient.

 

 

***

Echo déformé

 

 

La vie d’une personne ne te suffit pas :

les crevasses sur la peau, le crâne sans cesse

envahi de visions cauchemardesques,

les obstacles imaginés – nous les créons presque tous –

les sommets purs impossibles à gravir,

tant de portraits de maudits, d’aveugles, de disparus.

 

Les mots font écho à l’essai écrit

dans le sable, sur le vélin.

Quelqu’un l’a lu mais l’a jeté.

Lui donneras-tu une autre chance ?

Lui offriras-tu une autre lecture ? Un coup d’œil peut-être

pendant qu’elle chante encore dans le salon ?

 

Ne cesse jamais de taquiner la muse, son bienfait est éternel :

cela calme les blessures, raccommode les plaies et les déchirures.

Oui, bien sûr, et parler de l’homme bancal

qui se repaît dans les ravins, les criques, les profondeurs,

tous aussi énigmatiques pour le bien des ombres

cachées en eux, rend la vie suffisamment paisible.

 

 

Extraits de "Le foutoir" 

 

 

WALTER RUHLMANN

 

Il se présente :

 

Walter Ruhlmann enseigne l’anglais et écrit depuis plus de 20 ans. Il édite et dirige la revue Datura et les blogs et éditions Beakful et Urtica. Son dernier recueil en français Civilisé est paru chez Urtica en 2017.
Ses blogs personnels: http://thenightorchid.blogspot.fr/ et http://nightorchidsselectedpoems.blogspot.fr/


A noter :  http://thenightorchid.blogspot.com/2018/12/poemes-1993-2001_26.html également disponible gratuitement en ebook sur issuu.com ici http://thenightorchid.blogspot.com/2018/12/poemes-1993-2001.html 
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