Poèmes et Haïkus
Lettre au Printemps
Mon cher Printemps,
Je ne peux plus venir te voir pour l’instant,
Alors je t’écris
Je n’ai pas osé raconter dernièrement
Ma peine
À tes premières fleurs,
À leurs côtés
Je n’ai fait que sourire
Mon Printemps,
Je suis en quarantaine pour l’instant,
Ma famille, les voisins, le quartier, le pays
Ma Terre est en quarantaine,
Je pense que tu dois le deviner
J’ai relu mes anciens poèmes pour toi
Et toutes ces couleurs, ces nuances de vert,
Ces insectes et ces oiseaux
Ont envahi ma maison
Mon cher Printemps,
Tu me manques
Et en pensée je me réfugie
Auprès de toi,
Je pense que tu dois le deviner.
le 21 mars 2020
***
Jours après jours
Des journées
à l’identique
le soleil
le ciel magnifiquement bleu
la fraîcheur
le confinement
la quarantaine
la distanciation sociale
les déplacements réduits
l’interdiction de s’installer sur un banc
le soleil
le ciel magnifiquement bleu
l’air redevenu pur
nos journées
à l’identique.
***
L’heure du soleil
C’est l’heure du soleil
Au-dessus de l’érable,
L’heure d’une après-midi fraîche
D’avril 2020
Je reste là au soleil
Sur ma terrasse
À l’abri du virus,
À l’abri des autres,
Loin des regards et des sourires
Je ne bougerai donc pas
Terminant un verre de vin rouge,
C’est si bon de lire
La passion d’un Japonais*
Pour les Noces de Figaro,
Pour Mozart, « un homme des Lumières »
C’est l’heure du soleil
Au-dessus de l’érable
Et je me sens tellement bien.
* Akira Mizubayashi – Un amour de mille-ans, éditions Gallimard, 2017
***
Ce printemps
Ah, comme je me sens proche
Aujourd’hui
De chaque oiseau
De chaque pas que le ramier aligne
Sur la branche encore nue
Comme le printemps me parle
Aujourd’hui
Avec ses premières feuilles
Et son lierre qui luit et brille
Au soleil insistant
Ah, comme je me sens bien
Et pourtant
Les temps sont tourmentés et incertains
Car nous voilà obligés
De rester chez nous confinés
Avec le printemps
À nos fenêtres
Comme je serais heureuse
Le jour où je pourrai reprendre
Le chemin vers les arbres
Et me coucher dans l’herbe
Essayant de ne pas fermer les yeux
Sur le ciel d’une vie retrouvée.
***
Sans titre
Donnez-moi
Un seul petit oiseau qui chante fort
Au moment où la terrasse
Est mon unique refuge
Donnez-moi
Un seul arbre en fleur
Par temps de quarantaine
Donnez-moi
Juste un carré de ciel bleu.
***
Concernée
Tous
sur ce même bateau
en ces temps de confinement
alors, lorsque pleure
le gosse des voisins,
moi, je me sens concernée
Je me sens concernée aussi
lorsque mon autre voisin
fait un BBQ
un dimanche ensoleillée
d’avril 22°C à Bruxelles
olfactivement parlant
je suis avec lui
Et lorsque mon voisin le plus proche
installe une tente dans son jardin
alors là, oui,
je me sens carrément concernée
surtout ces dernières nuits
lorsque la lune est magnifique
Tous
sur ce même bateau
je vous dis,
en ce temps de confinement.
***
Série de 7 haïkus : Quelques Nouvelles
Il chauffe bien
le petit soleil de printemps –
s’arrêter d’écrire
Jours de printemps –
des bulles de savon
amenées par le vent
Confinement mondial –
seulement deux traces d’avions
en plusieurs heures
Mars ensoleillé –
de la musique ne s’échappe
que d’une voiture
Jours de quarantaine –
j’imagine plein de pétales
au pied du magnolia
Des bus et des trams vides
passent régulièrement –
mars - avril 2020
Je reprends l’écriture –
le petit soleil de printemps
chauffe bien
Mars-Avril 2020
IOCASTA HUPPEN
( Notice Mars 2019 )