un oiseau observe le temps sur ta main
il se mue alors en sable et tombe comme au retour de la mer
comme l'amour tombe de ta peau
et c'est un vêtement de lumière
que je n'ai jamais su porter
***
rappelle-toi dans la grande nuit
nous nous sommes donné le beau nom d'éternité
as-tu jamais entendu nom plus beau
de cette beauté qui blanchit jusqu'aux ombres
beauté de blessure féconde
le beau risque de vivre
***
mes yeux ne sont pas faits
pour scruter notre chute
mais plutôt pour les hauteurs du vivre
nous reconnaître essentiels
semblablement fiévreux
***
j'ai sous la peau ce cri comme une déchirure
la détresse d'un jardin négligé
j'ai sous la peau un homme qui courbe le dos
est-ce quelqu'un avec sa solitude
un orphelin qu'un regard qui vient troubler le présent a quitté
quant à l'abandon il n'y a pas de grammaire
quoi donc pour mesurer la distance
qui sépare le cœur de sa vérité
***
nuits qui savez tout de notre passé
suivez-moi glissez-vous dans ma chair
roulez avec moi dans les ravins de la mémoire
voyez les sources taries les fontaines renaissantes
désapprenez le jour définitivement
qui je suis dans la vibration de son regard
les jours vivent pour moi du mot fêlure
et de l'amant qui ne dit rien pour ne rien briser
***
mes mains dans la lumière
interrogent ce qui veille au-dessus des mots
que lire ici dans cette histoire
qui est la mort mêlée de feu
où est le grand été de marbre clair
où nos fronts portaient encore
la couleur des jardins éblouis
la perte pèse étrangement sous les paupières
***
je bats d'une aile d'oiseau tombé
du bleu vivant de nos bonheurs
si ton cœur est cet oiseau
sa chute est moins le temps que ton souffle
et moins ton souffle que l'entrelacs des ombres à chacun de tes mots
***
nous n'avons pas terminé d'écrire
l'hymne d'un grand orage
nous avons de la foudre dans le sang
***
j'écoutais en toi sans relâche
la nuit se creuser d'images
qui fouillent au ventre de la peur
ta parole alors portait à déchirure
les corps contraires qui sont battement au cœur du monde
dans la dissolution que plus rien ne guérit
la fièvre d'une enfance dévore ton ombre
mais c'est ton malheur de savoir que ton enfance t'a chassée de ton visage
***
dans le pli d'un cœur fatigué
toute douleur rejoindra
les mots blancs du poème
Extraits de "La nuit des corps" Editions du Cygne, 2020.
THOMAS PONTILLO