Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS n°2- Décembre 2007- Patrick Joquel- Gilles Bizien

Publié par LE CAPITAL DES MOTS ( revue de poésie) sur 3 Décembre 2007, 00:00am

Catégories : #poèmes

Cinqueterre, un territoire signé des hommes.
 
(extraits)
 
*
Comme on voudrait connaître assez d’italien pour marcher les Cinqueterre sous les accents toniques de cette langue
 
Imposibile
 
Etranger de passage on va
carnet en main
langue à l’affût
 
*
On arpente un territoire abrupt
 
De la ligne de crête à celle du ressac
la terre
vieille peau rêche
s’est plissée
 
Les torrents
comme autant de traits d’union balafrent les pentes
on regarde avec effroi les traces de leurs morsures
on imagine leur furie
 
C’est pourtant là
sur les lèvres de ces oueds que des hommes ont niché des villages dont la rue principale se jette à la mer
 
Aux heures où le travail se désaltère en terrasse
un verre de blanc à la main
le regard se perd dans les mouvants horizons bleus qu’un cargo parfois souligne
et
reposées devant les portes colorées des maisons les barques voient fleurir sur leur bois peint le sel oublié de la dernière pêche
 
Comment choisit-on d’habiter l’inhabitable et pourquoi
?
 
La question reste en suspens tandis qu’on marche entre ciel et mer et d’un clocher à l’autre sur ces adrets sculptés au burin des restanques
 
La vigne bourgeonne un léger vert
sous les oliviers le paysan vient de rouler ses filets
 
On arpente ici un territoire signé des hommes
 
*
L’agave cloue le sentier à la falaise
 
Debout
on voudrait nous aussi écarter les bras
s’élever
s’envoler
tellement fort tellement léger
comme on aimerait
 
On avance ainsi chaussé de loisirs sur ces sentiers rocailleux cherchant à surprendre une ombre
 
On vient ici comme en échappée
portable éteint
 
On se repose en marchant
 
Que vient-on chercher au juste ?
 
Sur ces chemins aussi caillouteux que leurs passés on s’en va tout gonflé de silence et nos pas rebondissement d’un mot à l’autre
 
Ici vont des chemins de labeur
de femmes chargées de foin
de paniers d’olives
de hottes de vendanges
 
Ces chemins dallés aux murs fleuris nous emmènent
chemins usés par les sabots
le pied glisse
 
Et la mer
toujours
suspendue aux branches
comme pour mieux river les hommes à leurs jardins ou bien pour tenter d’en attirer quelques uns
au large
 
Hommes de terres
Hommes de vents
 
*
Le vent écume un goéland
son cri arrache un lambeau de chair au silence
il dessale un vieux paysage
 
Ressac
écume
un peu de notre enfance surgit en nous
silence et nostalgie apaisent des douleurs de vieux genoux
on joue avec la vague à mouiller deux doigts de pieds
on glane
coquilles vides
bouts de verre
petits cailloux polis
 
On oublie la rumeur de la route
le cri du train
on se nettoie les yeux de ses bureaux
de ses écrans
de ses graphiques
nul ne peut indexer aux cours des bourses internationales
nos émotions
 
Tant de beauté pour une coquille
 
On se laisse juste prendre
on se dit que ces couleurs roulées
sur la grève
avec leurs bruits d’horloge
sont intemporelles
 
Chaque vague a sa lumière
sa courbe
son fracas
son soupir
 
L’unique naît de la répétition
 
*
Comment ces bâtisseurs de restanques abruptes auraient-ils pu imaginer que leurs vignes étagées
leurs oliveraies suspendues
empliraient les mémoires numériques de nos appareils photos
 
 
printemps 2003 entre Rio Maggiore et Sestri Levante ;
et bien sûr à mon balcon de Mouans Sartoux.
 
PATRICK JOQUEL
 
Patrick Joquel se présente : « Je suis néà Cannes (06) en 1959 et jai grandi au Cannet, à Rocheville plus précisément. Après avoir vécu et enseigné en Angleterre, au Sénégal, dans le Mercantour, vallée de la Tinée, me voici à présent professeur d’école itinérant dans le secteur de Mouans-Sartoux (06).
Je lis et j’écris principalement de la poésie mais pas uniquement : romans, albums, pédagogie… Jaime travailler avec les artistes… rencontrer les poètes… Lire en public… en particulier lors des lectures performances avec selon les choix, Sara Pasquier (danseuse) ou Johan Troïanowski (illustrateur).
 
Jai grand plaisir à partir à la rencontre des lecteurs : dans leurs classes, les bibliothèques, les salons du livre!
 
Je collabore à la rédaction de la revue « sans papier »
 
Jaime autant la mer que la montagne, le soleil que la neige, les raviolis niçois que le poulet mafé de Kaolack, le tabouleh de Beyrouth ou le fish and chips de Whitby… et tant dautres choses de la vie…
                                Patrick Joquel, sept.-007
 
et pour découvrir ma bibliographie :
et via les liens de ce site, mes rencontres et des poèmes…
 
dernières publications :
poésie :
Publications 007
MAISONS BLEUES
 
textes: Patrick Joquel
Dessins : Nathalie de Lauradour
48 pages impression quadrichromie - 17 X 15cm - Cousu - ISBN 978-2-912360-47-2 - Prix : 12 euros
 
"Je connais des maisons qui, envers et contre tout, transmettent la vie et leurs secrets. Abritent des promesses bleues. Cachent des jeux d'enfants. Complicent des amours cachées. Tissent des rêves de gosses. Chauffent de profondes espérances. Chantent comme une douce source et engrangent des provisions de rire."
Patrick Joquel

Les textes de Patrick Joquel accompagnent les dessins à l’élégance lumineuse de Nathalie de Lauradour.
 
Pour en savoir davantage sur Patrick Joquel : http://joquel.monsite.orange.fr
et sur Nathalie de Lauradour : http://www.delauradour.fr.st
 
Editions SOC & FOC
3 rue des Vignes
La Bujaudière
85700 La Meilleraie-Tillay
Tél. - Fax : 02 51 65 81 00
http://www.soc-et-foc.com
 
 
Poésie Maternelle, éditions Magnard. ISBN 978-2-210-65617-8 Pédagogie.
Palabre autour d’un puits 500 exemplaires en mai 07, éditions AMD. photos de Didier Dubray, poèmes de Patrick Joquel.
Les demains dAlmanach, avec Sophie Braganti, éditions Donner à Voir
Entre écritoire et table à cartes, éditions Corps Puce. Sélectionné pour le prix des explorateurs… à suivre donc…
Tant de secrets se cachent alentour, illustré par Johan Troïanowski, éditions Gros Textes.
Perché sur ton planisphère, éditions Lo Païs. Illustré par Zaü. Ouvrage présent sur la liste des livres à lire en cycle trois, de lEducation Nationale.
 
album :
Sur le bord de la mer rouge, éditions Lo Païs. »
 
 
 
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1.
 
 
Jongler avec les torches injaunes et mauves de l'aurore. L'univers n'est pas un dieu, plutôt un silence ou un chaos, dans ma bouche.
 
 
 
2.
 
paumes en offrande
le silence étincelle les yeux
 
mains
routes comme des plages
 
pupilles
blanches et vierges
empreinte d'azur laissée par le doigt
 
sous des astres parfaits
l'océan bleu
et la rive de ton corps.
 
 
 
3.
 
marcher
vers le soleil rouge
 
suivre le sable, les traces du rêve
 
il ne reste plus rien
derrière nous
que des ruines noires
enfantômées
 
marcher
sur le chemin apétale
entre les océans du ciel.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
4.
 
 
l'île de ton corps
est un rythme marin
sous la mosaïque vitreuse des surfaces
 
signes
brassées
pour te dire l'amour le language des yeux
 
tous les secrets de la vie
sont des visages gris-bleus
 
passer entre les bras bruns
de la forêt d'algues du fond
 
remonter pour danser
entre ciel et abysse.
 
 
 
 
5.
 
 
rivière ou fleuve
toi
sur le lac d'un pétale.
 
 
 
 
 
6.
 
imagine
le sable est ton corps
le vent tes paroles.
 
 
 
 
 
 
 
7.
 
Il y a ce ronronnement de compresseur au fond du ciel, ce bruit régulier qui complète nos yeux. Il y a le velours mauve et chaud de la nuit claquant tel un drapeau, des morceaux d’aube, des flashes aurorés, un assemblage improbable faisant sens.
Caché derrière les mots comme derrière les pâles de chrome d’une éolienne, entre le tournoiement des lames, par intermittence, apparaît la chair, le visage en royaumes éclatants, apparaît l’île, la couleur intime. Bulles flottantes des êtres.
De quoi s’agit-il vraiment, sinon de nous même, seulement et toujours de nous même.
 
 
8.
 
 
Je ne veux plus vivre comme un animal. Je ne veux plus être un cadavre incolore. Pour toi, je veux de la lumière sur la peau. Je ne veux plus vivre parmi ces gens qui enfoncent des broches d’acier dans mes mains, qui versent de l’acide sur mes yeux. Je ne veux plus que tu vois ce qu’ils font de moi. Je veux te sourire, te regarder tellement…
Je veux, courir sur les ponts du vide, plonger de barges brumeuses, je veux avaler la neige, je veux construire du bruit et des couleurs. Je ne veux pas prendre la pose mais exister. Exister plus loin et vers toi. Je veux protéger le paysage de ton corps. Je veux boire le rouge de ta bouche, le poison de tes baisers, m’oublier dans ton sexe. Je veux te faire passer d’un corps à l’autre. Je veux tes mots dans ma bouche, je veux ton sel brûlant sur la peau. Je veux voir s’éveiller l’aurore de tes paupières. Je veux m’assoupir sous ton ensoleillement. Je veux l’indécence du génie et la maladresse de la vérité. Je veux pourrir dans ta chair, me tordre le cœur, vriller l’ombre, s’embarquer sur le fleuve du ravissement. Je veux les jardins verts de tes yeux où bruissent des chuchotements fluviaux. Je veux multiple le monde que nous sommes.
 
 
 
 
 
GILLES BIZIEN
 
Gilles Bizien est né le 27 octobre 1970 à Harfleur (76). Il écrit et peint depuis son plus jeune âge. La création prend une grande part dans sa vie mais il aime aussi la mer, sentir le sable humide sous ses pieds, deviner des étoiles derrière l’horizon, voyager par les êtres, échanger, contempler les mondes passés, présents et à venir.
Il a publié dans de nombreuses revues: Décharge, Mortibus, Comme en Poésie, Poésie Première, Géante Rouge...
 
Son blog:
 
http://gilles.bizien.over-blog.com/
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