Cinqueterre, un territoire signé des hommes.
(extraits)
*
Comme on voudrait connaître assez d’italien pour marcher les Cinqueterre sous les
accents toniques de cette langue
Imposibile
Etranger de passage on va
carnet en main
langue à l’affût
*
On arpente un territoire abrupt
De la ligne de crête à celle du ressac
la terre
vieille peau rêche
s’est plissée
Les torrents
comme autant de traits d’union balafrent les pentes
on regarde avec effroi les traces de leurs morsures
on imagine leur furie
C’est pourtant là
sur les lèvres de ces oueds que des hommes ont niché des villages dont la rue principale se jette à la mer
Aux heures où le travail se désaltère en terrasse
un verre de blanc à la main
le regard se perd dans les mouvants horizons bleus qu’un cargo parfois souligne
et
reposées devant les portes colorées des maisons les barques voient fleurir sur leur bois peint le sel oublié de la dernière pêche
Comment choisit-on d’habiter l’inhabitable et pourquoi
?
La question reste en suspens tandis qu’on marche entre ciel et mer et d’un clocher à l’autre sur ces adrets sculptés au burin des restanques
La vigne bourgeonne un léger vert
sous les oliviers le paysan vient de rouler ses filets
On arpente ici un territoire signé des hommes
*
L’agave cloue le sentier à la falaise
Debout
on voudrait nous aussi écarter les bras
s’élever
s’envoler
tellement fort tellement léger
comme on aimerait
On avance ainsi chaussé de loisirs sur ces sentiers rocailleux cherchant à surprendre une ombre
On vient ici comme en échappée
portable éteint
On se repose en marchant
Que vient-on chercher au juste ?
Sur ces chemins aussi caillouteux que leurs passés on s’en va tout gonflé de silence et nos pas rebondissement d’un mot à l’autre
Ici vont des chemins de labeur
de femmes chargées de foin
de paniers d’olives
de hottes de vendanges
Ces chemins dallés aux murs fleuris nous emmènent
chemins usés par les sabots
le pied glisse
Et la mer
toujours
suspendue aux branches
comme pour mieux river les hommes à leurs jardins ou bien pour tenter d’en attirer quelques uns
au large
Hommes de terres
Hommes de vents
*
Le vent écume un goéland
son cri arrache un lambeau de chair au silence
il dessale un vieux paysage
Ressac
écume
un peu de notre enfance surgit en nous
silence et nostalgie apaisent des douleurs de vieux genoux
on joue avec la vague à mouiller deux doigts de pieds
on glane
coquilles vides
bouts de verre
petits cailloux polis
On oublie la rumeur de la route
le cri du train
on se nettoie les yeux de ses bureaux
de ses écrans
de ses graphiques
nul ne peut indexer aux cours des bourses internationales
nos émotions
Tant de beauté pour une coquille
On se laisse juste prendre
on se dit que ces couleurs roulées
là
sur la grève
avec leurs bruits d’horloge
sont intemporelles
Chaque vague a sa lumière
sa courbe
son fracas
son soupir
L’unique naît de la répétition
*
Comment ces bâtisseurs de restanques abruptes auraient-ils pu imaginer que leurs vignes
étagées
leurs oliveraies suspendues
empliraient les mémoires numériques de nos appareils photos
printemps 2003 entre Rio Maggiore et Sestri Levante ;
et bien sûr à mon balcon de Mouans Sartoux.
PATRICK JOQUEL
Patrick Joquel se présente : « Je suis néà Cannes (06) en 1959 et j’ai grandi au
Cannet, à Rocheville plus précisément. Après avoir
vécu et enseigné
en Angleterre, au Sénégal, dans le Mercantour,
vallée de la Tinée, me voici à présent professeur
d’école itinérant dans le secteur de Mouans-Sartoux (06).
Je lis et j’écris principalement de la poésie mais pas
uniquement : romans, albums, pédagogie… J’aime travailler avec les
artistes… rencontrer les poètes… Lire en public… en particulier lors des
lectures performances avec selon les choix, Sara Pasquier (danseuse) ou Johan Troïanowski (illustrateur).
J’ai grand
plaisir à partir à
la rencontre des lecteurs : dans leurs classes, les
bibliothèques, les salons du livre…!
Je collabore à la rédaction de la revue
« sans papier »
J’aime autant
la mer que la montagne, le soleil que la neige, les raviolis niçois que le poulet
mafé de Kaolack, le tabouleh de Beyrouth ou le fish and chips de Whitby… et tant
d’autres choses de la vie…
Patrick Joquel, sept.-007
et pour découvrir ma bibliographie :
et via les liens de ce site, mes rencontres et des poèmes…
dernières publications :
poésie :
Publications 007
MAISONS BLEUES
textes: Patrick Joquel
Dessins : Nathalie de Lauradour
48 pages impression quadrichromie - 17 X 15cm - Cousu - ISBN 978-2-912360-47-2 - Prix : 12 euros
"Je connais des maisons qui, envers et contre tout, transmettent la vie et leurs secrets. Abritent des promesses bleues.
Cachent des jeux d'enfants. Complicent des amours cachées. Tissent des rêves de gosses. Chauffent de profondes espérances. Chantent comme une douce source et engrangent des provisions de
rire."
Patrick Joquel
Les textes de Patrick Joquel accompagnent les dessins à l’élégance lumineuse de Nathalie de Lauradour.
Editions SOC & FOC
3 rue des Vignes
La Bujaudière
85700 La Meilleraie-Tillay
Tél. - Fax : 02 51 65 81 00
http://www.soc-et-foc.com
Poésie Maternelle,
éditions Magnard. ISBN 978-2-210-65617-8 Pédagogie.
Palabre autour d’un puits 500 exemplaires en mai 07, éditions AMD. photos de Didier Dubray, poèmes de Patrick Joquel.
Les demains d’Almanach, avec Sophie Braganti, éditions Donner à Voir
Entre écritoire et table à cartes, éditions Corps Puce. Sélectionné pour le prix des explorateurs… à suivre donc…
Tant de secrets se cachent alentour, illustré par Johan Troïanowski, éditions Gros Textes.
Perché sur ton planisphère, éditions Lo Païs. Illustré par Zaü. Ouvrage présent sur la liste des livres à lire en cycle trois, de l’Education Nationale.
album :
Sur le bord de la mer rouge, éditions Lo Païs. »
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1.
Jongler avec les torches injaunes et mauves de l'aurore. L'univers n'est pas un dieu, plutôt un silence ou un chaos, dans ma bouche.
2.
paumes en offrande
le silence étincelle les yeux
mains
routes comme des plages
pupilles
blanches et vierges
empreinte d'azur laissée par le doigt
sous des astres parfaits
l'océan bleu
et la rive de ton corps.
3.
marcher
vers le soleil rouge
suivre le sable, les traces du rêve
il ne reste plus rien
derrière nous
que des ruines noires
enfantômées
marcher
sur le chemin apétale
entre les océans du ciel.
4.
l'île de ton corps
est un rythme marin
sous la mosaïque vitreuse des surfaces
signes
brassées
pour te dire l'amour le language des yeux
tous les secrets de la vie
sont des visages gris-bleus
passer entre les bras bruns
de la forêt d'algues du fond
remonter pour danser
entre ciel et abysse.
5.
rivière ou fleuve
toi
sur le lac d'un pétale.
6.
imagine
le sable est ton corps
le vent tes paroles.
7.
Il y a ce ronronnement de compresseur au fond du ciel, ce bruit régulier qui complète nos yeux. Il y a le velours mauve et chaud de la nuit
claquant tel un drapeau, des morceaux d’aube, des flashes aurorés, un assemblage improbable faisant sens.
Caché derrière les mots comme derrière les pâles de chrome d’une éolienne, entre le tournoiement des lames, par intermittence, apparaît la chair,
le visage en royaumes éclatants, apparaît l’île, la couleur intime. Bulles flottantes des êtres.
De quoi s’agit-il vraiment, sinon de nous même, seulement et toujours de nous même.
8.
Je ne veux plus vivre comme un animal. Je ne veux plus être un cadavre incolore. Pour toi, je veux de la lumière sur la peau. Je ne veux plus
vivre parmi ces gens qui enfoncent des broches d’acier dans mes mains, qui versent de l’acide sur mes yeux. Je ne veux plus que tu vois ce qu’ils font de moi. Je veux te sourire, te regarder
tellement…
Je veux, courir sur les ponts du vide, plonger de barges brumeuses, je veux avaler la neige, je veux construire du bruit et des couleurs. Je ne
veux pas prendre la pose mais exister. Exister plus loin et vers toi. Je veux protéger le paysage de ton corps. Je veux boire le rouge de ta bouche, le poison de tes baisers, m’oublier dans ton
sexe. Je veux te faire passer d’un corps à l’autre. Je veux tes mots dans ma bouche, je veux ton sel brûlant sur la peau. Je veux voir s’éveiller l’aurore de tes paupières. Je veux m’assoupir
sous ton ensoleillement. Je veux l’indécence du génie et la maladresse de la vérité. Je veux pourrir dans ta chair, me tordre le cœur, vriller l’ombre, s’embarquer sur le fleuve du ravissement.
Je veux les jardins verts de tes yeux où bruissent des chuchotements fluviaux. Je veux multiple le monde que nous sommes.
GILLES BIZIEN
Gilles Bizien
est né le 27 octobre 1970 à Harfleur (76). Il écrit et peint depuis son plus jeune âge. La création prend une grande part dans sa vie mais il aime aussi la mer, sentir le sable humide sous ses
pieds, deviner des étoiles derrière l’horizon, voyager par les êtres, échanger, contempler les mondes passés, présents et à venir.
Il a publié
dans de nombreuses revues: Décharge, Mortibus, Comme en Poésie, Poésie Première, Géante Rouge...
Son
blog:
http://gilles.bizien.over-blog.com/
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