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Matrice de la nuit, les yeux clos te regardent,
l’univers est un vol de poussières
expectorées du temps, là-bas sur les frontières
se brisent les vagues
des Hommes sans voix, ce sont
les pipistrelles
qui mangent les ombres
suintant des miroirs, et me voilà
envie,
désir d’accompagner les femmes
les enfants
vers d’autres
balançoires – que la vie tangue,
ventre de houle. Le chagrin
se fera cuir, crachin
sur l’écorce
des vaisseaux.
Nuit, que viens-tu dévoiler
qui ne soit
volatile,
quelle fleur
en ton soleil ?
Me voilà
dissous dans le café
que l’aube sucre déjà.
Des miettes
de pain
sur le visage.
Le jour se fend
d’une insolente
clarté.
Il n’y a plus de nuages. Plus d’éclairs plus de ciel.
Ce que nous lègue l’aurore, c’est, en chaque lieu,
la présence de la vie
verticale.
Mon corps est cet arbre
sur lequel
s’ancrent les mousses
les lichens et les vents –
tout un passé qui croît en sa demeure,
Les jardins sont des pages,
des écritures sarclées ;
je préfère le désordre
en jachère –
l’espoir y est plus grand.
La foule dans le métro est une entité secrète ;
derrière chaque visage s’obscurcissent des paroles
que le jour tente de percer.
Les quais ont une odeur de lente réalité
où se heurte l’empressement du désordre.
Il faut choisir entre les lignes,
savoir prendre la bonne trame,
que le transport se fasse
par le hasard de la nécessité. À ce sujet
je n’ai qu’un seul regret : les saccades
et autres secousses – de plus en plus rares –
comme si
la vie devait rouler se dérouler
dans un mouvement
sans valse…
Et que faire
de tout
ce qui déraille ?
Toutes les rues ont une destinée,
ne sont que passage,
traversée
où tenants et aboutissants se rejoignent
dans un même entrelacs. Je
circule
entre le désir et l’errance,
avec dans mes pas la volonté de me perdre
là où les femmes surprennent
ce qui ne se dit pas.
Regardez comme les toits
sont les planchers du ciel,
comme l’asphalte
recouvre
ce qui est tu.
Partez plus loin que la raison –
allez donc voir
tous ces oiseaux
sans ailes…
Le piéton de la ville déplace son regard dans la lenteur du jour.
Chaque pas est une seconde
dans un premier temps,
un mètre déployé
par une pensée en marche ;
chaque pas s’en va
vers la face qui nous crée.
Et je m’en vais tranquille
au plus près des façades,
derrière lesquelles se vautrent
de nouvelles ombres, furtives –
comme est furtif
le mot. Je marche
en une phrase
qui traverse
les saisons.
L’allure est un écho,
au timbre
imperceptible.
Daniel LEDUC
Daniel LEDUC est né à Paris en 1950. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages (poésie, livres pour la jeunesse) ainsi que d’une centaine de nouvelles publiées dans divers quotidiens et magazines. Ses textes ont été traduits dans une dizaine de langues. Il exerce des activités de critique littéraire. On peut consulter son site Internet à l’adresse suivante :
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