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Sème des graines sur les tombes et qu’ainsi, de l’horizon levant, les
oiseaux viennent en nombre des autres continents, des autres
saisons, apportant leurs souvenirs des âmes végétales que des
trombes d’eau ont hier englouties au fond des océans. Que les
oiseaux aux ailes sans brise, en prise avec le vide, brisées dans la
maille du filet ou toutes chargées du poids de milliards de plombs
plus minuscules que des pépites d’or dans l’œil rond du faucon
viennent dérouler de leur bec rouge sang les jeunes pousses des
feuilles naissantes sur la tige montée des tombes égrainées. Alors la
sève survivante élargira ses vues sur son monde croissant au delà
des deltas du fleuve-mer, multipliant ses ramures ouvertes bien au dessus
des gouffres où palpitent les rêves ronds, les ondulations
lumineuses des poissons dévorant les rives fécondes des îles de
sables, des îles de jungles. Et le souffle neigeux des pollens orange
étendra alors son haleine carbonique vers nos veines, ensemençant
à jamais chaque fibre humaine…
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Affleurement soyeux des surfaces du fleuve creux, du fleuve énorme
ventre reptilien gonflé de boue verte, de troncs comme les dos
osseux des cétacés boursouflés, crevassés de mollusques
macroscopiques. Emergence des cataractes vagissantes de crânes
d’hippopotames issus des terres craquelées. Gisements anciens des
profondeurs en fragments de fronts dispersés. Naissances des
strates de fémurs, clavicules, molaires devenus minerais, devenus
rivières enfouies dans le goutte à goutte millénaire des grottes une à
une effondrées sous le poids des volcans juvéniles. Germination des
graines d’eau sur l’ivoire somptueux de l’Astre. Engendrement
premier d’artères ouvertes. Sang léché d’argile. Terre assoiffée.
Sang rendu au fleuve terrien, rendu aux laves. Gave de salive
émergeante, sueurs régénérées, affluents pour l’irrigation nouvelle
des ethnies fertiles. Geyser de particules génétiques. Traces de
carbone. Sédiments déposés. Organismes nés par génération
spontanée dans les limons, l’effluve fécond des deltas.
Texte extrait du recueil « Grande surface » éd.dlc 2008
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Monde de libre cri sur les civils criblés de peur pure animale
instinctive tombent des rythmes respiratoires altérés et vides
vides les palpitations intimes aussi on pense immédiatement à
s’en sortir juste juste une issue à tout ça rien d’autre dans ce feu
qu’un abri pour les siens son corps recroquevillé malade suintant
en coupures de verre sur le Monde de libre cri bien en face de
miroirs ou d’écrans plats plasma giclé sur la Réalité de façades
éventrées oui la Réalité qu’ils retranscrivent eux en rupture de
stock ou de sang fer et fragmentation de roquettes flux fumées du
phosphore blanc fermeture des tunnels d’approvisionnement en
vivres et armes si vitales vitales des vertèbres des veines artères
et dislocation du dialogue pour des causes encore indéterminées
apparaissent des taches cloques sur les épaules paupières lignes
de front s’arrachent aux codes des crevasses d’os sur tous les
interfaces tous les accords reniés comme toutes les résolutions
violées c’est juste juste se terrer ne plus bouger surtout pas non
pas le moindre bruit n’ai pas peur c’est fini ou geste vers le dehors
ferme les yeux mon amour les signes doivent faire silence sur le
Monde de libre cri qui propulse tout en haut débit 16/9ème sans
rien voir entendre faire frisson pause pupilles dilatées à peine à
peine
Texte inédit. 2009
ARNAUD BOURVEN
Po-être vivant, né sans faire grand bruit à Landerneau durant l'été 1972, je vis depuis quelques années dans la sage Mayenne. J'ai édité en 2007 une première plaquette de poèmes, "7 phréatiques", aux éditions dlc (un jeune éditeur breton) puis, en 2008, chez le même éditeur, un premier recueil, "Grande surface", dont la revue Traction-Brabant a publié des extraits...
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