DEUX POÈMES ÉGYPTIENS
alla mia figlia
DOUBLE EFFIGIE
Le sarcophage pluvieux d’un sculpteur de sarcophages et de sa fille, avec quelques outils et un polissoir (en pierre arrondie) de visages de statues.
Non, tu n’as pas atteint l’éternité, mais ton art te rend, en nous, éternel qui empruntons tes voies symboliques, séchons ton caveau et recroyons aux déités que tu ponças
comme qui chante aujourd’hui un chant rechantant Dieu, sans croire en Dieu mais à son chant.
SUR UN SARCOPHAGE DE MÉDECIN DE LA VALLÉE DE SAQQARAH
Tu as bien fait de croire aux dieux, et à l’éternité que tu seras,
leur léguant tes outils de bronze de médecin de Pharaon.
C’est nous, ton éternité,
qui les redécouvrons aujourd’hui sous parement et gemme à œil de sarcophage, 4000 ans après.
De nous deux,
survivant tant bien que mal à nos propres conquêtes et à nos guerres, et à nos propres razzias,
sous même pincette de métal et même linge de sable sec et chiffon de palmier,
de nous deux, qui sauve l’autre ?
(Moi aussi, j’eus de variables printemps et une fillette copte, à longs yeux clairs effilés,
éternels, comme la tienne.)
DANIEL ARANJO
MC en littérature comparée à l’Université du Sud (Toulon-Var). Prix de la Critique 2003 de l’Académie française, est aussi poète et dramaturge (collaborateur du Théâtre du Nord-Ouest, Paris 9ème ; a publié chez Poiêtês un recueil de textes saphiques ; un certain nombre de poèmes ou d’études critiques sont disponibles sur Internet).