Emprunts : intérêts et capital
(Extraits )
Ce qui me fait bander c'est touchant,
Prigent dit l'amour de l'amour*, Prigent
dis-moi que ce rien, le juste instant, ce la
est dans le chant, parfois chant perdu
à peine à l'oreille percé. Tu sais la varappe
de la plainte. Ce bordel le cul nu
qui monte en cathédrale et revient
et retombe, et repart, et ne cessera
jamais de mourir tant la baguette
est indocile.
* Christian Prigent, Le Professeur
(Al Dante)
***
C'était du romarin, c'est un oubli,
des mots s'absentent, mais si je marche
en tourbillon me viennent, les voyez-vous ?
Ces libellules vives païennes d'une histoire d'eau.
Et cette perte brutale où le pied tremble
la sigile de l'argile qui ne pense au meurtre ;
penche-toi, d'argent ma goupille lente
n'exige pas ce verbe qui chaque fois t'offense,
Prigent, cette fois encore, et plus tard peut-être
j'aime la chape de l'insensible lui gaîner la tête*.
Vous m'offensez, Professeur, langue si superbe.
* Christian Prigent, Le Professeur
(Al Dante)
***
Ce soir je ne peux pas, demain pas davantage
les rêves sont interdits, pas tous les rêves
les petits, les ordinaires, ceux qui clapotent
à marée basse et s'en vont à marée lasse.
Demain pas davantage, les merles chantent
le temps, je sais, un hors-temps, où les cerises
ignoraient le camouflage de vieux filets ;
nous voulions si peu de l'astuce des saisons.
Les rêves sont interdits et qui s'en plaindrait ?
Quand remonte la force lente des hommes
si peu souillés, quand vous regrettez que
les danseuses glacées fondent dans ma bouche.*
Pas tous les rêves, les petits, les ordinaires.
* Jean-Michel Robert, La meilleure cachette
c'était nous (Gros Textes)
***
Vous frissonnez, j'aime le vent, ne l'aimez,
vous n'espérez qu'une aube trop constante
un filet là-haut, sur le tableau la pente
d'un regret, ou d'un vœu, venu pas à pas.
Quand les frissons se perdent sur mes frissons
ne suis qu'une courte chose, cherche lumière,
ai-je honte ? Regardez-moi et passons
à la simple glissade delà vos chaumières.
Et ce soir en allez
et ce soir en allons
dans ce pas dansé
dans talon frappé
Vous me savez si blanc, si noir quand
des danseuses glacées fondent dans ma bouche*.
* Jean-Michel Robert, La meilleure cachette
c'était nous (Gros textes)
***
Trop d'éclairs en vos yeux, à tarir le ciel
et ces nuages âcres en vagues furieuses.
Vous exigez que jeunesse s'use loin d'un réel
à cirer l'ennui. Les journées sont pâteuses
quand patinent des heures sans rimmel.
Parfois vous reviennent les temps anciens
les jupes repoussées, le sang maudit, même
ces bacchantes espérées ; fallait tricher rien
que pour l'étincelle d'une amourette.
Vous avez joué, rien perdu, peu gagné, la fête
change d'ère, vous cherchez le rivage, car savez
women abandoned by virils poets come to trans-world*.
* Beatriz Preciado, Testo Junkie
(Grasset)
JEAN PIERRE NEDELEC
bio express
Ancré à Tréboul,en bordure de la baie de Douarnenez, ce sédentaire entreprend des périples cyclopédiques au long cours, à travers l'Europe, ce qui nous valut, en 2008, la publication du journal cyclo-poétique T'occupe pas de la marque... , ed. Polder, et Partir, c'est crevir un pneu, ed. Gros textes, en 2012 .
Jean Pierre Nedelec a publié, en 2010, Môman, immense Môman, suivi de Douarn' , aux éditions La Part commune, où il commit Notes pour Eros , en 2006. Il y propose, en octobre 2013, Hiroshima Cap-Sizun, recueil d'une dizaine de récits.