VA BOSSER
Va bosser
Va trimer
Va te tuer à la tâche
Pour eux
Tu n’es que quantité négligeable
Tu n'es qu’un rouage
Interchangeable
Qui fait avancer le système
Pour eux
Tu n’es qu’un numéro
Qui fait partie du troupeau
Va bosser
Va trimer
Tu vis dans la misère
Tu as du mal à gagner quatre sous
Mais cela ne les émeut guère
Ils préfèrent garder le pognon
Pour faire leurs petites affaires
Pour devenir milliardaires
Va bosser
Sans la ramener
En courbant l’échine
Va trimer
Par tous les temps
Sous la pluie
Dans le vent
Dans la nuit
Tu n’es que de la chair à bosser
Ils n’en ont rien à cirer
Que tu te bousilles la santé
Y’en a d’autres
Des pauvres types comme toi
Dans la panade
Qui attendent que tu tombes
Pour prendre ta place
Et quand enfin on t’aura pressé
Exploité
Quand tu auras fait ton temps
Quand tu seras flageolant
Fourbu
Moulu
Brisé
Tu n’auras plus qu’à crever
Y’A UNE INCONNUE
Y’a une inconnue
Qui dort
Dans mon lit
Qu’est -ce qu’elle fait là
Se serait-elle trompée d’appartement
N’aurais-je pas poussé la bonne porte
Toutes ces maisons se ressemblent
Y’a une inconnue dans ma chambre
En petite tenue
Ne serait- ce pas un coup de ma femme
Qui veut tester ma fidélité
reçoit-elle des invités
Sans qu’elle m’en ait parlé
C’est peut-être un gag
Pour une émission de télé
Aurai-je donné rendez-vous
A une fille
Sans y penser
Je m’en souviens plus
Ma mémoire est défaillante
J’ai parfois des absences inquiétantes
Que faire
Me glisser dans le lit
Au risque de la réveiller
De l’effrayer
J’ai peur qu’elle crie à l’aide
Qu’elle me fasse passer
Pour un type mal intentionné
Et que quatre costauds
Avec de gros biscotos
Me tombent sur le paletot
Je suis fatigué
Je tombe de sommeil
Tout ce que je veux
C’est gagner mon plumard
Et dormir comme un bienheureux
Y’a une inconnue
Dans mon lit
Je crois que ce soir
Je vais aller dormir
Chez le voisin
Ou dans la niche du chien
Sans mon pyjama
Qui est coincé sous l’oreiller
J’AI MIS UNE AVOINE A SUPERMAN
J’ai mis une avoine
A Superman
Une chasse à Fantômas
J’ai envoyé Dark Vador
Dans le décor
Spiderman contre un platane
Quant à Zorro
Je l’ai cloué au porte manteau
Puis je suis rentré chez moi
Mais je me suis fait incendié
Par ma compagne
Parce que j’avais traversé le salon
Sans m’essuyer les pieds
Elle m’a mis deux torgnoles
Qui m’ont démonté l’épaule
Suis resté au tapis
Complètement estourbi
MES ARBRES
J’ai donné des prénoms
A mes arbres
Pour les sortir de l’anonymat
Mon tilleul s’appelle Robert
Mon cèdre Nicomède
Mon buis Jean- Louis
J’aime bien savoir
A qui je m’adresse
Quand je parle à quelqu’un
Depuis je les sens
Reconnaissants
Leurs feuilles sont plus vertes
Leurs fleurs plus épanouies
Leurs fruits plus beaux
Chaque soir
Je leur rends visite
Et j’ai un petit mot pour chacun
Je chante des berceuses indiennes
A Robert
Nicomède aime
La poésie surréaliste
Surtout celle d’André Breton
Jean- Louis a un faible
Pour le rock’n’roll
Quand je suis fatigué
Je m’assois à leur côté
Et parfois
Ils m’entourent
De leurs branches
Me soulèvent...
Et on joue
A la belote
SERRER DANS MES BRAS
J’ai serré dans mes bras
Ma concierge
Qui a toujours
Un mot gentil
A mon égard
Le facteur
Qui m’a apporté
La lettre de mon amie
J’ai serré l’épicière
Qui me fait souvent crédit
Le percepteur
C’était un peu intéressé
Mon supérieur
M’accordera-t-il une augmentation ?
Mes collègues de bureau
Faut soigner l’ambiance
Mon chien
Qui me fête
Chaque fois
Que je rentre chez moi
Puis j’ai serré dans mes bras
Une belle amazone
Dans la rue
Une sorte de madone
J’ai pas résisté
A sa beauté
Mais elle s’est offusquée
Elle a appelé les gendarmes
Ils m’ont coincé sur le trottoir
Je suis maintenant
Au mitard
Je serrerai bien dans mes bras
Le commissaire
Mais pas sûr
Pas sûr
Que cela
Arrange mes affaires
SALVATORE SANFILIPPO
Instituteur dans la Drôme.
A publié dans plusieurs revues : Traction Brabant, Gros Textes, Le Coin de la table, Les Hésitations d'un Mouche, Verso...
Un recueil en 2009 aux éditions Voix Tissées : " Siffleur de Lunes"