Germination
Les premiers mots sont les graines du poème
Une fois semées, elles enfouissent leurs racines
Dans la blancheur de la page
Et s’enroulent peu à peu au terreau mystérieux du monde
Les bulbes des mots germent
Poussent, se ramifient,
Cherchent à sortir de l’ombre
Comme cet enfant sorti par magie de moi
Et qui n’était à l’origine pas
Surgi du rapprochement furtif de deux corps, de deux désirs,
Caresse importante
Et puis dans le secret humide et sombre,
Il a tissé son être, cet enfant, ce poème
Il s’est nourri, s’est arrondi, s’est allongé…
De jour en jour,
A présent, je le vois
Sensible déjà à la lumière et aux beautés du monde
Et le lait s’écoule de mes seins
Comme les mots
goutte à goutte
pour nous nourrir, nous attacher…
Nos destins sont liés
Pieds et poings liés
Cordon ombilical
Serpent mythologique
Caducée
Je suis le chemin qui glisse de ta main
À ton front…
***
Le don du langage
Des mots surgissent sous ta langue,
Entre tes petites dents
Ils glissent de ta douce mâchoire
Je les écris sur ma feuille
Je les recueille
Pomme
Pomme
Pomme
Ce nouveau mot, dont tu te délectes,
Je le contemple à présent
Comme un don de la vie
Et maintenant, je te l’épluche…
***
La vie des statues
Il n’y a pas de bateau sur la mer des larmes humaines.
Je songe à la ville blanche dans laquelle nous sommes nés.
Et qui disparaissait si bien lorsque le soleil se mettait à briller.
Les tours s’élevaient vers le ciel.
Les voix devenaient plus douces et se détachaient des corps qui les avaient produites.
C’était beau de voir toutes ces voix portées par l’air des rêves. Les voix se mélangeaient sans pudeur. Celles des jeunes et des vieux. Des hommes et des femmes. Des anges et des démons. La ronde des voix passait par la bouche des statues taiseuses.
On eût dit que les statues sautaient de leurs socles de pierre. Elles s’en allaient marcher dans la ville… Vives et joyeuses… Lécher les vitrines et nourrir les cygnes blancs.
J’ai vu des statues regarder les murs vides des musées…
J’en ai vu d’autres qui dansaient dans les bals et les halls d’hôtel…
C’était si beau…
Parfois, j’ai tout oublié. Alors je me demande… S’il est possible d’être autre chose…
Autre chose qu’une ombre bleue de soleil.
Cape bleue au fronton des nuages…
Je me souviens du père qui avait tout promis, et tenu sa promesse.
Puis j’oublie…
Mais je ne veux plus parler.
Je veux me coucher dans le lit blanc et laisser ma voix s’élever au travers des murs pâles de ce lieu…
JENNIFER LAVALLÉ
Elle se présente :
Bio
Je suis passionnée pour les écritures hybrides et l’exploration de nouveaux territoires narratifs, qu’ils soient sonores, textuels et/ou iconiques. Monteuse et documentaliste, j’écris des poèmes et des nouvelles depuis l’enfance. Certains de mes poèmes ont été publiés dans les revues papier “Le Coin de Table” et “Poésie 1 Vagabondages”. Je suis aussi l’auteure d’un film documentaire et de chroniques.
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