La solitude des voix
Le soir, après quelques mots crus, l’écriture devient une zone morte, où des mauvaises herbes infestent le papier, entre la taule froissée et les grilles qui encerclent du vide.
Le visage passé aux abois, l’humain, écrivain à l’écart du visible, raconte sans vraiment y prendre part, une histoire, celle d’un grand brûlé de papier.
Il n’a pas choisi son époque, son physique, son cerveau, le développement et la dégradation de son corps, mais il doit l’accepter.
Il pensait pouvoir vivre à l’écart de ses congénères mais oublia que les mots sont faits pour être donnés de bouche en bouche.
Son espoir se muant de je en nous, la révolution devenant révolte à l’emplacement de cette indisponibilité qui réside en lui.
Peu à peu, celui-ci devient une plage où des parasols et des débris de verres polis par le sel se multiplient, recouvrant le royaume au fond de sa gorge.
***
Sur le vif du crépuscule
Le papillon noir s’envole
Vol au-dessus de la ville
A la tombée du jour
Dans un tremblement de l’air
Un battement de cœur
Au fond de la paupière
Pouls de la rétine
Et par-delà l’iris
Le papillon s’envole
Dans une volute
Ne devenant qu’une tache noire
Frôlant la persistance de l’image
Dans l’œil mécanique
Image de la réalité physique
Lecture de l’hallucination
Découpée dans l’horizon
Métaphore devenant métamorphose
Au loin, là-bas, c’est étonnant
Un être si petit
Porté par les courbes
Comme du coton
De chrysanthème en chrysanthème
Le papillon noir s’envole, vol,
Au levé de la nuit.
***
Crimée
J’oublie le sifflement des balles dans la ville
J’oublie les chars incendiés par les éclats de sang mélangé
Les rues arborant des portraits d’ancêtres
Les cœurs pleins de limaille
Les milliers de combattants avec du plomb dans la tête
Les noms qui n’ont plus de corps,
Défilant aux 4 coins des écrans
Et qui martèleront bientôt la terre pour quelques souvenirs
Dans un temps entre parenthèses,
Une image manquante apparaît doucement,
Comme un scandale métaphysique,
Elle danse au milieu des hommes grimaçants
Comme un voyage pour une nouvelle humanité,
Menaçante, bestiale, brutale
Une humanité inanimée
Avec des vies obscures
Témoins de tout
Des longues nuits parcourant la route
Du vent dansant entre les gratte-ciels
Des bosquets de néons
Des chambres d’hôtels bizarrement vêtues en bord de ciel
Pourquoi ce désir de mort ?
Un chien s’est fait écraser hier
Dans la pluie diaphane striant le monde
Il est devenu, dans le vif du réel,
Un simple instantané
Loin du foyer
A quand le jour où la mer touchera le ciel
Dans cet horizon mal luné
Le jour où les peaux se réuniront
Dans cette brûlante intersection
Pour qu’à la place du désastre
Se trouve une pléthore d’astres
Bâtissant des constellations
Comme une voie médiane à leurs actions
Rien qu’une présence indexée,
Peut-être,
Pour le dernier rivage à s’inventer.
ÉTIENNE POIAREZ
Il se présente :