Sur les pas d’Emile Ripert
Emile Ripert (1882-1948), félibre français, n’a eu de cesse, tout au long de sa carrière littéraire, de louer les splendeurs de sa ville natale : La Ciotat, enclave navale située à mi-chemin de Marseille et de Toulon. Sur les hauteurs de cette ville entre colline et mer se trouve, encore intact, le pavillon de travail du poète. A l’ombre des hauts pins de la propriété familiale du Sécadou, la bibliothèque et le bureau donnent sur un jardin où veille solitaire un buste de l’écrivain, œuvre du sculpteur marseillais Paul Gondard. Le visage de Ripert, figé dans le marbre, semble adresser un regard éternellement nostalgique et complice au paisible domaine dont un jour de septembre 2014 le portail m’a été ouvert …*
Seuls, les grands pins, au loin, mettent leur masse sombre ;
Voyez-vous comme tout est pur ? On peut compter
Les pierres des chemins aux minuscules ombres ;
C’est un rêve, mais c’est un rêve de clarté.
Emile Ripert, A la vieille maison.
Dimanche hésite. Automne offre au destin son pesant de nuits blêmes.
A fleur de carte une route – rond-point puis deux impasses –
Pinède nous y sommes.
D’une bleuité bue à la plus fine coupe le ciel dit : promenade
Portail
Et le bloc sec du vers.
Un buste de Ripert, sous frondaisons, semble un bouddha de bronze.
Prajna-Sutra-Ciotat abolit la douleur prend dans ses mailles un souvenir
D’enfance et la jouissance pure suscitée par l’idée d’un récit Poussant seul ses Lignes à travers ronces et mauvaises herbes.
Ripert en pleine page, offert au Midi grec, sous un petit auvent. Ni grammaire Ni bouée –
En off la pénombre d’un bureau en friche : pavillon de travail.
Au vent des élégies battent les volets verts s’accorde à l’olivier, d’un coup,
Tout le gris de septembre.
Il y eut ici des larmes et des nappes de songe –
Amérique ses docks.
Il y eut, sans amertume, l’amoureuse de quinze ans la mort qui vous regarde -
Un plongeon -
La Ciotat - entre les palmes écran total et les allées :
La mer.
Il y eut, s’il m’en souvient, l’amitié valéryenne et le soleil tel quel
Au mât d’une tartane,
Le tangage les rêves,
Du félibre nageur le sommeil tarlatane.
Il y eut au front d’un soir (mousseline secrète) le plus tendre baiser,
Ouvrage sur le métier cent mille fois remis –
[De moi je ne sais rien que l’écorce meurtrie …]
Il y eut au bord du temps une vie de poète un intime sentier
Qui à l’Être ne mène qu’à condition d’amour
Et des clartés d’un golfe.
Suave émanation de l’été qui s’achève le jardin sur lequel se penche la nature Et que veille un portrait un peu rieur - surpris à peine par le battement d’or D’un éternel ressac,
Par le miel d’un fruit mûr cent mille fois cueilli.
Le Sécadou, La Ciotat, le 21 sept. 2014.
* Mes plus chaleureux remerciements vont à Véronique Ripert pour m’avoir un dimanche ouvert les portes de la poésie et initié aux « lieux » de son grand-père ; le poète Emile Ripert.
JEAN-BAPTISTE MOGNETTI
Il se présente :
Né en 1983.
A lire absolument :
Emile Ripert, Poèmes choisis par Claire Dutrey, Paris, Les Poètes Français, 2009.
Emile Ripert, Le Chemin Blanc, Paris, Eugène Fasquelle, 1904.
[Texte intégral en ligne : http://www.emile-ripert-livreenligne.fr]
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