La Joueuse
Anonyme
à minuit
elle franchit
le cercle de jeu
Expropriée
de son être
il a ôté sa robe
sans qu’elle se dérobe
Hystérique
elle danse
avec les loups
de son enfance
Américaine
dans ce western en v.o.
elle fait un cinéma
où son cœur est à papa
Insultante
sa langue de vipère
sait aussi s’adoucir
pour cracher des gemmes
Feu follet
qui vacille
sous le sexe
des anges
Rêveuse
elle arrime
ses jambes
au cou de la nuit
Et vaincue
abandonne
la partie
au maître de go.
***
La Gisante
Sous les ongles
seul le phosphore
d’une ultime allumette
éclaire encore
ses nuits mortes-vivantes
Sous la peau
les sombres vaisseaux
d’un sang d’encre
empoisonnent
sa chair transparente
Sous les plaies
gît la vaine irritabilité
de son cœur sans but :
arrachez-le et jetez-le
à vos chiens en rut.
***
La Captive
Une abeille sans essaim
et un ours sans miel
tournent en rond
dans la prison de son désir
Abasourdie elle survit
d’une musique lancinante
qui ricane à l’oreille coupée
de Van Gogh
Abandonnée dans la ruelle
d’un lit anonyme
où elle ne sait à quel sein
se vouer ou se dévouer
Son corps-radeau s’échoue
à marée basse
rongé par le sel
de ses propres larmes
Là où l’ange s’efface
ses genoux prient
un ciel d’orages
de clous et de marteaux
L’aile brisée
par une étrange crucifixion
elle se joue de tous les oiseaux
et s’invente pour se consoler
La reine a renversé
l’échiquier de l’amour
pour un fou
sur un carré blanc.
DOMINIQUE GONTIER
Plus d'infos : http://www.m-e-l.fr/dominique-gontier,ec,307