Les champs de maïs
Je n’étais qu’un gosse à l’époque
et elle devait avoir la vingtaine.
Ce matin-là, nous sommes partis
au village faire quelques courses.
Elle avait besoin de fond de teint
et d’un tube de rouge à lèvres.
Je me souviens lui avoir dit
qu’elle était très jolie comme ça,
qu’elle n’en avait pas besoin.
Elle s’est arrêtée, m’a souri
mais c’est moi qui ai rougi.
Nous avons repris notre route,
longeant les champs de maïs
bordés de jeunes coquelicots.
Durant tout le reste du trajet,
mes yeux ont caressé sa nuque
et le collier fantaisie
qui entourait son cou.
Collier qu’elle remplacerait
quelques années plus tard
par une corde fixée au plafond.
***
Le bain
C’est à ce moment-là
que le week-end débutait.
Encrassé de graisse et d’encre,
mon père rentrait du boulot.
Dans sa mallette,
les chutes d’une bande-dessinée.
Mal reliées ou mal rognées,
les patrons acceptaient
que les ouvriers les emportent.
Je les lisais sur les toilettes pendant
que mon paternel prenait son bain.
L’émail crasseux.
L’eau noirâtre.
Mon père se frictionnant
malgré ses courbatures.
Je me souviens de ça !
Un petit bout de mémoire
qui resurgit
et s’écoule par le siphon.
***
Vers le printemps
Nous avançons au pas d’homme
regardant la pointe de nos pieds.
Des visages rasés de près ou ridés.
Chacun portant sa carte bleue ou verte
et son étiquette au regard des passants.
Des anonymes de la restructuration,
de la faillite ou tout simplement
du manque de qualification.
Pas de boulot hier, ni aujourd’hui.
Demain peut-être.
Qui sait ?
Nous avançons vers le printemps.
Vers les cerisiers du Japon en fleurs,
les barbecues entre amis, les départs
en vacances. La Dolce Vita.
Pour les autres.
PATRICK BEAUCAMPS
Né en 1976 à Tournai (Belgique), Patrick Beaucamps a grandi dans un milieu modeste et exercé plusieurs métiers : ouvrier imprimeur, magasinier, employé de vidéoclub, cheminot, bibliothécaire.
En 2003, après plusieurs déménagements à travers le pays, il s’installe dans sa région natale et publie son premier ouvrage : Le Bruit du Silence.
Poète et nouvelliste, son travail parait aux éditions Chloé des Lys et dans diverses revues littéraires.
Aux éditions Chloé des Lys
* Le Bruit du Silence, Poèmes (2003)
* 200 ASA, Nouvelles (2005)
* Tant d’eau sous le pont, Poèmes (2013)
* Brasero, Nouvelles (2014)
* Quand les vagues se retirent, Poèmes (2015)
En revues
* Le Journal des poètes (N°3/2012)
* Incertain Regard (N°9/2014)
* 17 Secondes (N°5/2014)
* Le Capital des Mots (Juillet, Septembre et Octobre 2014)
* Lélixire (N°9/2014)
* Traversées (N°74/2014)