Quartiers
le château des alouettes
dans une petite rue calme
au fond du jardin
un minuscule palais
datcha ? isba ? Finlande ?
bois peint en blanc ajouré d'initiales, de cœurs ou d'oiseaux
une petite galerie court devant la pièce principale
et au printemps des milliers de jonquilles
pourtant personne ne travaille le jardin
magie
sur le toit pointu les ardoises brillent au soleil
j'attendais à la grille
que la belle au bois dormant se réveille
les promoteurs ont du faire le reste
la plaque de tôle émaillée est-elle encore en place ?
heureusement
les alouettes sont toujours invisibles
***
la mère
Tartine
son nom était Tartini
toute petite
comme sa maison
hiver comme été un incroyable bonnet hémisphérique
autrefois tricoté main raide de crasse
crane sans doute chauve
toute petite sur le chemin de l'école on la croisait de loin
pas une ogresse
mais une sorcière sans chat sans chien sans poisson rouge
elle n'achetait rien ne parlait pas
veuve ?
pas de visites
pas même besoin de facteur
la petite porte d'entrée de fer claquait deux ou trois fois par jour
une allée de ciment conduisait en deux ou trois pas à l'escalier
car il fallait monter oui monter dans cette petite maison sans étage
redoutable incroyable perron
il lui fallait escalader les marches trop hautes
se tirer sur les deux rampes
un comble pour une petite toute petite maison sans grenier
pas un arbre pas un nain de jardin pas une fleur pas un légume
des brins d'herbe acceptaient de pousser sur les deux zones délimitées à cet effet
lorsqu'elle était rentrée dans sa boite
les gamins la raillaient ou tapaient sur la tôle de la porte
un jour elle n'est plus sortie
les voisins ont vite acheté le bout de terrain
bouchée de pain
ils ont vite fait édifier une extension à leur villa pour leur fils
il est parti sans y dormir une seule fois
depuis
les voisins sont peut être devenus des "père" ou "mère tartine"...
je ne me rappelle pas avoir vu sortir de la fumée
et il n'y avait pas de sonnette
elle n'avait jamais été invitée au Château des alouettes
GABRIEL MEUNIER
Photo : © Gabriel Meuner