…le vent était tellement humain ce matin qu'il m'a ramené une maison toute entière avec plein de gens dedans et tout ça... ils m'ont dit que chez eux, le vent était tout pareil qu'ici... ils m’ont dit que certains en venaient à faire des fondations… « En venir à des extrémités pareilles, c’est quand même un monde ! » m’ont-ils dit… il faut un temps insensé pour que les fondations prennent forme et sèchent… eux, les gens que j’ai pris en plein corps, ne comptaient pas un seul ancêtre qui ait eu le temps de former les fondations avant le premier coup de vent… depuis des générations leurs maisons se trimballent d’un coin à l’autre du monde… il leur faudrait un temps calme, sans un souffle, pour que leur maisonnée ne décolle plus… il faudrait juste le temps que le vent inhumain prenne toute son ampleur… un vent simple, naturel, sans fondations, juste le souffle de la terre, celui qui ne cible pas, celui qui enrobe sans déflagration… juste un temps inhumain pour habiller les Hommes d’un vent de paix…
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Prends la forme qu’il faut pour aller partout, juste partout, à chaque endroit qui grince, qui frotte comme il ne faut pas, juste dans la non zone, dans le palais du naître, juste où ta langue va claquer pour dire le mot juste, juste où il ne faut pas mettre un pied devant l’autre, où les vers ne sont libres que de se taire, à l’endroit exact d’où le giclé se reforme, d’où le fusé repart pour de nouvelles aventures, juste là où ça craque quand ta chaise s’alourdit, prends juste la forme qu’il faut pour aller partout, juste cet endroit où les couleurs remplacent toute autre forme de vie, cette vie dont tu rassembles les éclats, juste un moment pour voir ce que ça donne dans le blanc, et pour voir aussi comment ça marche le blanc, et pour ça tu prends juste la forme et le temps qu’il faut pour aller nulle part, et ton œil qui cherche à poser son regard, ce regard qui devient multiple, comme ces herbes folles qui poussent parmi celles qui ne le sont pas, prends juste le temps d’aller beaucoup partout.
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Je suis parti mille fois rien que pour mieux revenir avec des mains plein les valises et le sourire aux dents, et je déballe à nouveau tous ces trésors cueillis dans ce pays si long qu’on ne traverse qu’allongé, mais je ne ramène ni outil ni matériau pour construire toute une terre rien que pour toi et moi, je n’en ramène que des mots pour habiller mes doigts, pour qu’ils habillent à leur tour ton corps si nu et si frêle, je n’en ramène que des sons pour dégrafer ta vie, pour qu’elle aspire la mienne, je n’en ramène qu’un fil pour te coudre les yeux, pour que tu partes avec moi rien que pour mieux revenir, nous reviendrons mille fois rien que pour mieux partir dans ce pays si proche qu’on ne le voit même pas.
JEAN-CLAUDE GOIRI
Bio-Bibliographie
Jean-Claude Goiri est investi dans l'écriture depuis 2002. Après avoir créé la revue Matulu, il a animé des ateliers d'écriture, a participé et participe toujours à plusieurs revues* et, à des actions comme des performances, des chroniques radios ou des travaux avec des artistes... Il s'occupe actuellement de la revue FPM-Festival Permanent des Mots.
*Décharge, Verso, Ficelle, Traction-Brabant, Comme en poésie, Incertain Regard, Tas de Mots, Traversées, La Passe…
Participation aux recueils collectifs :
Charlibre, éditions Corps Puce.
L’Insurrection Poétique, éditions Corps Puce.
Je Suis en feu… éditions mgversion2datura.
Patrice Maltaverne & compagnie, éditions mgv2>publishing