L’amour me fredonnait une chanson.
Elle faisait mal.
Puisque des mots n’ont jamais sorti les noyés
de l’eau, je m’accroche à ceux dont les pieds sont
dans l’herbe : une lanterne ou du lilas.
Si j’étais un homme,
il suffirait de regarder les fossettes
au bas des reins de cette brune
pour ne plus fermer l’œil.
Ce soir j’irai danser comme si
une chanson trop triste ne tambourinait
pas dans mon ventre, mon petit bateau.
***
Ohé, monsieur, qui êtes-vous ?
Vous ai-je rencontré déjà ?
C’en étaient d’autres ou c’était nous,
voici ce que je ne sais pas.
Le soleil rend les amants fous.
Leurs sombres grimaces de joie
voient des pétales dans un trou,
et mettent l’été sur un mât.
***
Dans le wagon la femme d’en face a les cheveux
de même couleur que le siège
où elle hésite. Et cette fille
qui n’est pas encore jolie,
dont les genoux se touchent,
pense aux choses de son âge.
La foi se fane sans commentaire.
Demeurent les tresses de la vie des autres
et un tournis dans les boussoles.
Il ne fallait pas douter de son assise,
ni savoir que l’on ne mourait pas
de faire un pas en arrière, puis quinze.
ARIEL SPIEGLER
Ariel Spiegler est née en 1986 à Sao Paulo. Elle vit et travaille à Paris. À paraître aux éditions de l’Arachnoïde : Au café du roi de Sicile.