Chênes
( Extrait )
De l’aube blanche à l’aurore dorée
M’apparaît la maison des parfums,
Longuement nous nous regardons.
Xiangshu, le caractère chêne en chinois
Forme l’arbre dont je veux faire le portrait.
Chêne vert de Californie, chêne chevelu
Chêne kermès, chêne des canyons
Chêne bleuté, chêne des marais
Chêne rouvre, chêne à feuilles de myrsine
Yeuse, chêne -liège
Chêne tauzin, chêne des ours.
Tous abris taillés dans le bois des mots.
Puissance d’apparition
Les chênes semés par la main de Dieu, celle de l’homme aussi,
Les donjons du jour qui pose sa plume veillent la ville.
Au-delà des gentianes amarrées à l'émail du bleu blanc
Les chênes nus vont vêtus d'escales vers l'inconnu.
A contre-jour, silhouettes drapées d'espace
Arbres-temples syllabes au fronton de Jupiter
Sibylles sur un ciel de verre mauve, écarlate.
Sur la face du tronc,
Filaments de sentiers brisés sur terres tremblantes,
Isthmes et presqu'îles formant écailles de tortue,
L’arbre se raconte.
***
Voyage dans le grand temps
( Extrait )
Aujourd’hui je longe un muret d’épines et de cendres
J’y respire avec les sapins un baume d’air libre,
Résine fluide de cette lumière tombée de partout
Et que l’on ramasse parmi le quartz des chemins
Que l’on espère avec l’eau de lilas qui va poindre.
Eau qui chante sur les pierres nous ouvre une route fertile
Eau de nuit acharnée, eau qui descend du ciel
Ou arrive d’au-delà,
Tu caresses la magie que les hommes s’obstinent
A délaisser.
Aujourd’hui les visages s’écaillent sur le vase du monde
Ancien
Et je ne reconnais plus la face des miens
Sur le vernis où chancellent nos existences,
Où elles s’écartent de leur étoile
Paysage en haillons entre les vestiges fumant de cris
Et hurlements.
Là, un monde est en train de s’enfanter,
De devenir un autre lui-même à la lueur de la chandelle,
Une autre histoire s’avance depuis l’arrière-pays
Comme ces montagnes inespérées et tordant la ligne droite.
Une histoire qui voyage
Et explore le ventre de la jungle sur les pirogues des morts
Jonchées d’œillets, fleuries d’ombres et de cascades
Avec le nécessaire pour l’au-delà.
Extraits de "Paroles des forêts" ( Editions Unicité, 2015 )
PASCAL MORA
PASCAL MORA est formateur au Centre de formation compagnonnique des métiers du bâtiment qui forme jeunes et adultes. Il est né en 1962.
Il est poète. Il a participé à des lectures poétiques, principalement en région parisienne. Il publie des poèmes en revues : Arpa, Comme en poésie, les Cahiers du sens, Multiples, Verso…
En 2015, il a publié un nouveau recueil, Paroles des forêts (Unicité). Il a également publié deux recueils : Feuilles du chemin (Encres Vives, 2009), Etoile nomade (L’Harmattan 2011). Il tient un site web : Voyages dans la clairière http://www.clairiere.net/. Ce site accueille des poètes avec leurs textes. Il s’intéresse aux poésimages, poèmes en surimpression sur des photos. Il éprouve un grand intérêt pour la littérature hispano-américaine ainsi que pour l’espagnol et le portugais, langues qu’il pratique. Il vient de réaliser une lecture en Argentine où il a été invité.