Chroniques
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Effondrement
Dehors aux premières heures
on fait imploser les barres d’immeuble
Aux alentours des terrains vagues
récoltent la poussière tenace
qui efface les traces
des jours morts
Et l’on doit rester chez soi
quand de lourds pans de béton
s’effondrent
et l’on écoute
le grand bruit qui embrasse l’horizon
Ainsi les hommes
dans l’attente
des bruits de la pierre
et du silence
des distributeurs vides
et des réseaux éteints
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Entrées d’écoles
Allée Darius
Darius Milhaud
te suivre c’était
suivre la voie des morts
voyage quotidien
pour aller aux écoles
liasse de papiers serrés
entre jeunes chargés
de cargaisons d’enfants
bavardages de cafés
Allée Milhaud
des massifs d’immeubles
sous l’oeil des professeurs
disparus des sonneries
des portails fermés
jusqu’à la Villette
où l’on chaloupait le dimanche
et le tract remis
au parent occupé
restait sur le sol
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Lundi 16 novembre
Pas un mot dans la stupeur
et quand je regarde
la grille tombée aux chics types
les fleurs et les bougies posées
une jeune femme rousse sourit
parmi les quatre du treize
dans une saison improbable
à l’orée d’une terrasse claire
à revoir yeux clos
mais bien vivant
sans l’ombre d’un rire
rêvant nez au vent
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Portrait de famille
Les rituels du soir sont déteints
le père se promène rentre seul
et les enfants happés dans des écrans
ailleurs
Et la mère s’affaire
à des tâches lointaines
le repas n’est pas pris ensemble
Ensemble
nous nous aimons
bien mal sans doute
V.
Quand les tours fatiguent
dans leurs cercueils de verre
on voit des draps tachés
du sang aux fenêtres
de mariées kabyles
tandis que dans l’encre de la nuit
brille l’or du temps
arraché au sourire d’une fille
qui se pend en catimini
dans le cri de sa chambre
et sa vengeance silencieuse
fait pleurer
Et le médecin légiste arrive
apporte des fleurs vertes
qu’il jette avec la fille
dans tous les cimetières
Bientôt dans votre crasse dormante
vous tomberez sur la terre froide
de ce siècle sans pieds
soumis aux financiers
inondé de marchandises nombreuses
parmi les étendards stupides
mais la suicidée aura disparue
même pas dans les mémoires
malgré les quartiers démolis
qu’elle cache dans sa poitrine ouverte
malgré les pleurs et les mains vides
du peuple de la rue
en décomposition
NASHTIR TOGITICHI
Il se présente :
Nashtir Togitichi, né en 1959, psychologue de profession, vit à Paris. Lit et écrit de la poésie pour vivre, un peu comme d’autres feraient de la méditation.
Publications sur le net : dans « Le Capital des Mots », « Francopolis » et prochainement « Recours au poème ».
A publié un recueil : Si tout se casse la gueule, précédé de Contraintes du temps, Edilivre, Septembre 2015