Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - PHILIPPE GUILLARD

Publié par LE CAPITAL DES MOTS sur 26 Octobre 2016, 12:49pm

Catégories : #poèmes

Va t’faire naître

 

A toi qui crois que tout s'achète 

le bonheur l'amour ou la vie 

qu'il faut qu' ça brille ou qu' ça en jette 

pour tout s'offrir et à bon prix 

A toi qui crois que tout vaut tant 

le temps le sang et chaque geste 

qui achèt'rait même le printemps 

pour lui tout seul et à perpèt 

va t' faire naître 

 

A toi qui n'a ni queue ni tête 

et puis une bouche qui fait qu' du bruit 

qui avance sans feu ni quête 

avec un cerveau rétréci 

qui n'écoute que radio mon cul 

sans comprendre un mot de Leprest 

et qui penserait qu'un canut

ça doit r' sembler à une canette 

va t' faire naître 

 

Toi qui t'abreuves du sang des bêtes 

qui voulaient juste vivre un peu 

qui aime voir leurs grandes gueules ouvertes

avec des larmes au coin des yeux 

j'espère que tu crev' ras bientôt 

alors je jouerai d’la de trompette 

avec mes amis animaux 

et on t' lanç'ra des cacahuètes 

pour t' faire naître 

 

A toi qui crois que le Bon Dieu 

il a une barbe et une machette 

et qu'il voudrait que meurent tous ceux 

qu'obéissent pas à la baguette

A toi qui parles religion 

avec la main sur la braguette 

tu nous prends vraiment pour des cons 

ah oui et range aussi ta calculette 

et va t' faire naître 

 

 

**

 

C’est tout ce que j’laisse

 

Un mouchoir en Kleenex

Sur lequel j’écris

Un costume une seule pièce

Dans un grand sac Tati

Un tabouret pliant

Où j’ai posé mes fesses

et un seau en fer blanc

où des fleurs apparaissent

un chapeau de kermesse

qui fait une ombre floue

entre un mur qui se dresse

sur le ciel et partout

la grande roue d’un moulin

qui tourne en sens inverse

et la trace de tes mains

sur une pile de compresses

 

c’est tout c’que j’laisse

 

zéro au palmarès

et pareil en conduite

une fusée de détresse

un robinet qui fuite

deux chandelles un chandail

plié dans une caisse

et un truc en ferraille

ou j’ne sais quoi ou qu’est ce

un seau plein d’eau de pluie

qui me regarde sans cesse

et mon grain de folie

que j’ai r’vu à la baisse

un slip petit bateau

recousu de justesse

la toile d’un chapiteau

là avant que je naisse

 

 

c’est tout c’que j’laisse

 

un vieux lit qui s’affaisse

un ticket de métro

des erreurs de jeunesse

et une pompe à vélo

un brevet d’Arlequin

une épée d’Damoclès

et l’horaire des trains

pour aller au Loch Ness

des mots qui sentent la fin

plantés dans mon cortex

des amours mal éteints

qui hurlent des SOS

et puis sur une ardoise

ma toute prochaine adresse

où j’dirai plus mes phrases

au fond d’la nuit épaisse

 

 

c’est tout c’que j’laisse

 

et un p’tit chemin de traverse

 

C’est tout c’que je laisse

C’est tout.

 

 

**

 

J'étais là juste avant

 

Quand Django s'est brûlé la main dans sa roulotte

quand l'monde a disparu derrière l'anti-matière

quand ils ont inventé la musique militaire

quand 13 dents sont tombées de la bouche à Don Quichotte

quand la source polluée s'en est coupée les veines

quand dans leurs coffres morts ils ont mis toutes nos choses

quand ils ont peint en noir le dernier flamant rose

quand l'a croqué la pomme dans le jardin d'Eden

 

ça m'fait grincer des dents

j'étais là juste avant

 

quand l'visage dans l'coma il est tombé Ravel

quand ils ont crevé l'monde juste pour vendre des rustines

quand les bagnards mouraient sur l'île de Sakhaline

quand ils ont inventé les vacances aux Seychelles

Quand Nerval s'est pendu rue de la Vieille Lanterne

quand ils ont cogné l'ange à coups d'clé à molette

quand ils ont changé l'vin pour de la vieille piquette

quand l'grabat rue Descartes a vu mourir Verlaine

 

ça m'rend un peu à cran

j'étais là juste avant

 

mais quand la nuit a mis son habit d'aquarelle

quand ils ont découvert le contraire de la mort

quand ils ont replanté des milliers d'sycomores

quand ils ont r'cousu l'vide avec trois bouts d'ficelle

quand le temps des cerises a cogné aux fenêtres

quand l'étoile sous la peau a gonflé ses bourgeons

quand le poumon de l'amour a joué d' l'accordéon

quand on a continué pour au cul vous la mettre

 

j'ai mon sourire d'enfant

j'étais là juste avant

 

 

 

 

 

PHILIPPE GUILLARD

 

Comédien-chanteur, poète.

http://www.philippe-guillard.fr/index.html

 

 

Philippe Guillard. - DR

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Des mots qui sonnent et qui cognent! Bravo!
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