IN A LONELY PLACE
«…Aquel lujo suave »
JOHN KEATS
« ¡Amor ! ¡En qué locura nos obligas a encontrar el placer! »
DE LAS « CARTAS DE UNA RELIGIOSA PORTUGUESA »
In memoriam Henri Rousseau
Hace ya muchos años
que nadie me despide
ni persona me aguarda
Lugares Gente Quienes por algún tiempo
al desterrado acompañaron
qué pocos resistieron
el paso de los años
Pero aquel hotel
cerca de la frontera
de Italia Donde las mimosas
cubrían las montañas
los pinares las playas
Donde la luz del sol sobre los bosques
hacía florecer el mundo
Y la vida era clara
como un vuelo de pájaro
o el mar en las arenas de oro
Ese lugar ha permanecido
No sé qué especie de amor
Pero no se precipita
solitario hacia la muerte
Allí una noche
lleno de sol de todo el día
bajo el efecto de unas copas
bebidas en compañía verdadera
el perdido borró sus cicatrices
Si alguno de vosotros
da con su cuerpo en esa tierra
que recordándome beba una botella
de buen vino del Sur
IN A LONELY PLACE
« Ce luxe suave »
JOHN KEATS
« Amour ! Dans quelle folie tu nous obliges à chercher le plaisir ! »
DES « LETTRES D’UNE RELIGIEUSE PORTUGAISE »
In memoriam Henri Rousseau
Il y a déjà bien longtemps
que personne ne me fait ses adieux
ni ne m’attend
Lieux Gens Qui pour quelque temps
accompagnèrent le banni
bien peu ont résisté
aux années qui passent
Mais cet hôtel
près de la frontière
d’Italie Où les mimosas
couvraient les montagnes
les pinèdes les plages
Où la lumière du soleil sur les forêts
faisait fleurir le monde
Et la vie était claire
comme un vol d’oiseau
ou la mer sur les sables d’or
Ce lieu est resté
Je ne sais quelle sorte d’amour
Mais il ne se précipite pas
solitaire vers la mort
Là-bas une nuit
plein du soleil de toute la journée
sous l’effet de quelques verres
bus en compagnie véritable
l’égaré effaça ses cicatrices
Si l’un d’entre vous
trouve son corps sur cette terre
qu’en se souvenant de moi il boive une bouteille
de bon vin du Sud
***
BELLE DE JOUR
“Descálzate y camina sin miedo hasta la cama”
JOHN DONNE
Oh Ángel de esta noche
Bajo el cielo del Sur
Llena otra vez mi copa
Permite a mis sentidos renacer
Gozar de nuevo el cuerpo
De esta mujer que me acompaña
El resplandor de los jazmines en la calma
El avance sereno
Del amanecer que se avecina
Permíteme fumar un último cigarro
Mientras contemplo el mar y la llanura
La ciudad que descansa como un perro
El paso antiguo de los barcos
Sobre la claridad que empieza a levantarse
Permíteme beber la última copa
Y esta embriaguez sagrada El cuerpo
Caliente
De esta mujer Mi vida
Como una música lejana
Sean el telón de fondo
De este momento en que saber
Alcanza su equilibrio
entierra
Los ojos del destino
Y todo ya angustia cárcel
Persecución amores gloria derrota o luz
Se confunden borrosos
En el bajorrelieve
BELLE DE JOUR
« Déchausse-toi et marche sans peur jusqu’au lit »
JOHN DONNE
Oh Ange de cette nuit
Sous le ciel du Sud
Remplis à nouveau mon verre
Permets à mes sens de renaître
De jouir à nouveau le corps
De cette femme qui m’accompagne
La lueur des jasmins dans le calme
L’avancée sereine
De l’aube qui s’approche
Permets-moi de fumer un dernier cigare
Pendant que je contemple la mer et la plaine
La ville qui se repose comme un chien
Le passage antique des bateaux
Sur la clarté qui commence à se lever
Permets-moi de boire le dernier verre
Et cette ivresse sacrée Le corps
Chaud
De cette femme Ma vie
Comme une musique lointaine
Soient la toile de fond
De ce moment où savoir
Atteint son équilibre
enterre
Les yeux du destin
Et tout enfin angoisse prison
Poursuite amours gloire défaite ou lumière
Se confondent flous
Dans le bas-relief
***
SUEÑOS REVOLUCIONARIOS
“La Furia, que ha cumplido ya su promesa”
VIRGILIO
Atroz Revolución, obscura y húmeda
como la fiebre. Útero de cuero. Desmesurado
pozo de serpientes
de ilusiones perdidas. Aún escucho tus alaridos
bestiales, el chirriar
del odio y la esperanza
de que te alimentabas. Horribles
astillas
del hielo de la furia. Ah tus ríos
de sangre, desbordando
cestos de mimbre,
empapando el serrín. Hay algo maravilloso,
madre brutal, algo que nos dabas a beber,
que calmaba la sed.
Del abominable silencio,
del hedor, de la horrible, y vasta, y hermosa
crepitación nupcial
cuando los ojos te brillaban como hogueras,
oh, de eso nadie ha vuelto, nadie
de tu abrazo como vidrios rotos,
de tu lengua brutal
y espesa, cuando nos besabas.
REVES REVOLUTIONNAIRES
« La Furie, qui a enfin tenu sa promesse »
VIRGILE
Atroce Révolution, obscure et humide
comme la fièvre. Utérus de cuir. Démesuré
puits de serpents
aux illusions perdues. J’écoute encore tes hurlements
bestiaux, le grincement
de la haine et de l’espoir
dont tu te nourrissais. Horribles
éclisses
de la glace de la furie. Ah tes fleuves
de sang, débordant
des paniers d’osier,
trempant la sciure. Il y a quelque chose de merveilleux,
mère brutale, quelque chose que tu nous donnais à boire,
qui calmait la soif.
De l’abominable silence,
de la puanteur, de l’horrible, et vaste, et beau
crépitement nuptial
quand tes yeux brillaient comme des brasiers,
oh, personne n’en est revenu, personne
de ton étreinte comme des verres brisés,
de ta langue brutale
et épaisse, quand tu nous embrassais.
LA TUMBA DEL HOMBRE BLANCO
“El mundo será su viuda”
WILLIAM SHAKESPEARE
Sus huellas, viento o lluvia
o el desnudo desierto
las borran. Sueña con tierras, gentes,
océanos, el oro de ciudades
que en los siglos transmite
la infinita leyenda. No ama el viaje
sino tocar esa terrible
perla que aguarda en el Infierno.
Sus noches son la monstruosa
a sí mismo, y habla en lenguas
que son como el sueño. No le valen
ni la crueldad ni la aventura
ni el calor de la hembra. Hasta que un día
siente cómo su carne va adquiriendo
la paz del animal. Y busca
silencioso un cubil donde aguardar
esa última botella o esa selva
de fiebre o la abominable
entraña de los mares, donde
caerá sin nombre. En esa misteriosa
turba –locos, héroes, asesinos,
ambiciosos, guerreros- nadie deja
rastro. Sus huesos forman parte
de los tesoros del Oriente.
LE TOMBEAU DE L’HOMME BLANC
« L’homme sera sa veuve »
WILLIAM SHAKESPEARE
Ses traces, vent ou pluie
ou le nu désert
les effacent. Il rêve de terres, de gens,
d’océans, de l’or des cités
qui au long des siècles transmet
l’infinie légende. Il n’aime pas le voyage
mais toucher cette terrible
perle qui attend en Enfer.
Ses nuits sont la monstrueuse
à soi même, et il parle dans des langues
qui sont comme le rêve. Ne lui suffisent
ni la cruauté ni l’aventure
ni la chaleur de la femelle. Jusqu’au jour
où il sent comment sa chair acquiert
la paix de l’animal. Et il cherche
silencieux une tanière où attendre
cette ultime bouteille ou cette jungle
de fièvre ou l’abominable
entraille des mers, où
il tombera sans nom. Dans cette mystérieuse
tourbe –fous, héros, assassins,
ambitieux, guerriers- personne ne laisse
de trace. Ses os font partie
des trésors de l’Orient.
***
LA NOCHE AMERICANA
“Tu vida es preciosa pues contiene
Todo aquello por lo que vale la pena vivir,
Juventud, belleza, sabiduría, valor, todo
Lo que la felicidad y lo más excelente pueden llamar suyo.”
WILLIAM SHAKESPEARE
“Nada aquí es plebeyo”
PUBLIO PAPINIO ESTACIO
La lenta soledad de los cipreses
La sabia disposición del paisaje
Bajo la luz de oro que rocía el crepúsculo
Un hombre pasea por las sendas
Entre las ruinas de la Villa Adriana
Alguien que ya no tiene paz que ha aceptado
Que sus ojos se acostumbren
Al caos Y que quizá más tarde
Acepte la insensibilidad
Pero este atardecer
Las sombras alargándose junto al estanque
Los pájaros que se recogen
Como en otro mundo
Por un momento
Contempla estos jardines como fueron
Y sueña que el Emperador y unos amigos
Y unas mujeres alegres cruzan
Ante él conversando entregados
Al esplendor del instante dichosos
Ha sido una ilusión Y él bien lo sabe
Pero en lo que ha sentido
Ha contemplado el paso sereno de la vida
Y el orden donde floreció su belleza
Y continúa su paseo
Con una suave sonrisa indescifrable
LA NUIT AMERICAINE
« Ta vie est précieuse car elle contient
Tout ce pourquoi vivre vaut la peine,
Jeunesse, beauté, sagesse, valeur, tout
Ce que le bonheur et le plus excellent peuvent nommer sien »
WILLIAM SHAKESPEARE
« Rien ici n’est plébéien »
PUBLIUS PAPINIUS STATIUS
La lente solitude des cyprès
La sage disposition du paysage
Sous la lumière d’or qui arrose le crépuscule
Un homme se promène sur les sentiers
Entre les ruines de la Villa Adrienne
Quelqu’un qui n’a plus de paix qui a accepté
Que ses yeux s’accoutument
Au chaos Et qui peut être plus tard
Acceptera l’insensibilité
Mais ce soir
Les ombres qui s’allongent près de l’étang
Les oiseaux qui se recueillent
Comme dans un autre monde
Pour un instant
Contemple ces jardins comme ils étaient
Et songe que l’Empereur et quelques amis
Et quelques femmes joyeuses passent
Devant lui en conversant voués
A la splendeur de l’instant heureux
C’était une illusion Et il le sait bien
Mais dans ce qu’il a ressenti
Il a contemplé le passage serein de la vie
Et l’ordre où a fleuri sa beauté
Et il continue sa promenade
Avec un suave sourire indéchiffrable
Extraits de « Museo de cera » (Ed. Renacimiento)
Textes traduits de l'espagnol par Marceau Vasseur et Miguel Angel Real
JOSÉ MARIA ALVAREZ
Présentation par Marceau Vasseur et Miguel Angel Real
José María Álvarez (Carthagène, 1942) est l’un des plus prestigieux auteurs espagnols. Poète, romancier, sa vie entière a été consacrée à la littérature, au développement de la culture et aux voyages. De sa très vaste bibliographie se détache « Museo de Cera », qui est une très large compilation de la plupart de ses œuvres. Il a traduit à l'espagnol l'oeuvre de Konstantino Kavafis, Hölderlin, la poésie de Robert Louis Stevenson, T. S. Eliot, François Villon et Shakespeare, parmi d’autres. En 1985 il organise un Hommage Mondial à Ezra Pound à Venise, et en 1990 il est nommé docteur Honoris Causa par l’Université de Dowling, New York, pour l’ensemble de son œuvre. Ses livres, dont la plupart peuvent être téléchargés gratuitement sur son site web www.josemaria-alvarez.com ont été traduits à plus de 20 langues.
Présent dans « Nueve novísimos poetas españoles », la célèbre anthologie de J.M. Castellet qui créa la polémique en 1970 en ouvrant de nouvelles perspectives à la poésie espagnole, J.M. Alvarez s’inscrit d’abord dans l’avant garde de l’époque, qui rompt avec la poésie sociale et revendique une création pleine de liberté et de références culturelles qu’on appellera ensuite « culturalisme », dont le langage soigné et la musicalité baroque invitent sans cesse au voyage, qu’il soit réel ou intérieur.
LES TRADUCTEURS
MARCEAU VASSEUR
Il se présente :
Après des études de sciences politiques et de philosophie à l’Université de Toulouse, il devient professeur de lettres en Bretagne, Colombie, Vietnam, Espagne, montant parallèlement des spectacles de théâtre avec lycéens et étudiants. Il habite désormais à Douarnenez où il co-traduit de la poésie espagnole contemporaine. Il a publié avec Loreto Casado « C’est peut être du toc, la vie » (La vida puede ser una lata) de Pedro Casariego (Le Nouveau Commerce, 1996).
***
MIGUEL ANGEL REAL
Il se présente :
Il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Il travaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, Inspecteur Pédagogique Régional dans l’Académie de Rennes en 2012, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper et intervient occasionnellement à l’Université de Bretagne Occidentale. Il se consacre aussi à la traduction et à l’écriture de poèmes. La revue Passage d’encres a publié certaines de ses traductions en collaboration avec Marceau Vasseur, en 2008.