Cahier d’hier
I
Nuit dans le dédale des colosses
comme frappé de l'aveu spirituel
une chambre couleur de rose.
II
Impossible cercle en moi
des javelots et du sommeil
qui ferment le grand univers de la mort.
III
Puis je fus dormir dans le néant et dans la terre
des îles mortelles avec ce goût de pain et d'ambre
trois aigles de pierre qui me terrassèrent dans des abîmes.
IV
J'ai connu le train morbide qui traversait des lacs
des calèches d'or tout illuminées
un astre entier qui se jetait dans ma personne
je n'ai plus su ni l'hiver ni exister
là dans cette double coupure du mal.
V
Des visions brèves depuis l'alouette de cristal
ni le pain ni l'opium ni l'été
une route nuitamment la mort
la connaissance d'un seul trait.
VI
J'ai dormi dans des triangles enflammés
aussi dussé-je apprendre l'hiver éternellement
gésir dans des vents et le climax de la nuit.
VII
Des papillons qui faisaient de courtes plongées depuis mes mains nocturnes
comme des moulins de verre
au milieu de l'éclat des cristaux.
VIII
Fleuve hybride nuit solaire
fleurs pareilles à des pains
heures de majesté froide
là où dorment des anges effrayés.
IX
Je reviens de ce crépuscule qui n'existe pas
un chant général la cathédrale du fleuve
toutes les voitures mortelles.
X
Un gypaète sur ma poitrine
une blouse d'étoile et le grand secret
au milieu de cercles d'ivoire.
XI
Je fus perdu dans des eaux d'argent
comme un mur intérieur
quelque chose qui était plus grand que moi et le vertige
le soleil qui ouvrait sur le vide.
XII
J'ai associé à la nuit impossible
la constellation du chien
la mystique et les prières de la nuit
voyage que je ne connais pas.
XIII
Oui une abeille arrêtée dans mes yeux
trois éléments du feu
les giroflées les épines la solitude
cette obscurité des véhicules
des robes de cristal pour recueil.
XIV
Frappé par la signification
le drap d'or de la conscience
l'odeur de cédrat de mes larmes
un vortex de poussière et d'eau
une abeille de sulfure.
XV
Comme foudroyé par la nuit
cycle des vents complexes
j'allais pareil à une ombre de verre
dans l'impossible fête du néant.
XVI
C'était d'ailleurs une orchidée de fer qui me serrait intérieurement
septembre ancien parmi les chiens de sable
je fus dévoré par l'hiver
peut-être est-ce ainsi que la beauté brûlait.
XVII
Il fallait que je busse l'horizon
le bateau de perle qui me déchirait la poitrine.
DIDIER AYRES
Il se présente :
Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen. Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.