Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - MIGUEL ANGEL REAL

Publié par Le Capital des Mots sur 23 Juin 2017, 10:29am

Catégories : #poèmes

 

1.- VIRTUDES DE LA INERCIA


 


 

Ce ne sont pas les choses qui parlent entre elles mais les hommes entre eux qui parlent des choses et l'on ne peut aucunement sortir de l'homme.

Francis Ponge


 

Redoblando al mismo tiempo que las nubes mi corazón se cansa,

pues las palabras navegan -¿o se pierden?- por el aire.

No hay eco en la distancia interminable con que acoges mi cuerpo

ni me quedan fuerzas para aprender a apaciguar tu pena.


 

Nada más descubro estridencias en tu caja de música

y de repente crece lo que imaginaba, que es certeza

de que me basto para cruzar este mundo utilizando solo

las virtudes de la inercia.


 

En el jardín contemplo sorprendido la sequía ahogando arbustos.

Estoy sentado, y mi impotencia admira su imparable avance:

los gestos naturales son una lección humilde y lancinante.


 

Vuelvo la mirada al cielo. Mi garganta está seca de nuestro silencio,

y no consigo robarle el aliento a esta estéril tormenta:

truenos huecos, más lejanos que nunca, y ni una gota

de comprensión cae sobre las huellas de nuestra derrota.


 


 

1.- VERTUS DE L’INERTIE


 

Ce ne sont pas les choses qui parlent entre elles mais les hommes entre eux qui parlent des choses et l'on ne peut aucunement sortir de l'homme.

Francis Ponge


 

Mon cœur fatigue à battre en même temps que les nuages

car les mots naviguent – ou se perdent – dans les airs.

il n’y a pas d’écho dans la distance interminable où m’accueille ton corps

et je n’ai plus de forces pour apprendre à apaiser ta peine.


 

Je ne découvre que des stridences dans ta boîte à musique

et soudain grandit ce que j’imaginais : la certitude

de me suffire pour traverser ce monde en utilisant juste

les vertus de l’inertie.


 

Dans le jardin je contemple surpris la sécheresse qui étouffe les buissons.

Je suis assis, et mon impuissance admire son avancée imparable :

les gestes naturels sont une leçon humble et lancinante.


 

Je tourne le regard vers le ciel. Ma gorge se brise de notre silence,

et je n’arrive pas à voler son souffle à cet orage stérile :

tonnerres creux, plus lointains que jamais, et pas une goutte

de compréhension ne tombe sur les traces de notre défaite.


 


 

2.- A FUEGO PASADO


 

La palabra es un grano apenas, pero quemante.

Octavio Paz


 

Hablaría sin descanso para encontrar esa semilla

que un día consiguió quemarme las entrañas.

Escribiría. Mas con los años me cuesta

recordar la forma del fuego.


 

Un trazo apenas o digamos otra sílaba

no bastan para hallarle el sentido a todos los trazos.


 

Por regla general me callo sin remordimientos.

En esa táctica soy ya casi experto:

he aprendido a no buscar más los contornos

de mi propio silencio.

Mi voz es un lirio bellísimo que nace muerto.

Un nerviosismo de hormigas en el aguacero.


 

Ensimismado y aterido

me siento y espero que el espíritu de Octavio

dé unas volteretas, algunos arabescos

y me muestre el camino para atrapar con su verbo

la cizalla. Pero nada.


 

Le muerdo las uñas a la hierba que sigue, por su parte,

creciendo a mediados de diciembre

en el jardín y en mis pulmones.

Un tosco tropismo me tapiza la tráquea,

la lengua, y mi boca

ya vegetal habla y escupe

y calla y forcejea, muy a mi pesar.


 

Pero son ya las ocho. Y el olor de la sopa es el pretexto idóneo:

bajaré las escaleras despacio, una a una,

alardeando de templanza.

Y me sentiré acunado por las volutas de humo,

por el borboteo diario y previsible de la cazuela:

el único sonido inteligente desde hace años.


 


 


 

2.- APRES LE FEU

La parole est à peine une graine,

Mais brûlante

Octavio Paz


 


 

Je parlerais sans arrêt pour retrouver cette graine

qu’un jour réussit à me brûler les entrailles.

J’écrirais. Mais avec l’âge je peine

à me rappeler la forme du feu.


 

Un trait peut être ou disons une autre syllabe

ne suffisent pas pour trouver le sens de tous les traits.


 

En règle générale je me tais sans remords.

En cette tactique je suis déjà presque un expert :

j’ai appris à ne plus chercher les contours

de mon propre silence.

Ma voix est un lys magnifique mort-né.

Une nervosité de fourmis dans l’orage.


 

Hébété et transi

je m’assois et j’attends que l’esprit d’Octavio

fasse quelques galipettes et arabesques

et me montre le chemin pour attraper avec son verbe

les cisailles. Mais rien.


 

Je ronge les ongles de l’herbe qui continue, de son côté,

à pousser au milieu de décembre

dans le jardin et dans mes poumons.

Un brut tropisme tapisse ma trachée,

ma langue, et ma bouche

enfin végétale parle et crache

se tait et se débat, bien malgré moi.


 

Mais il est déjà huit heures. Et l’odeur de la soupe est le prétexte idoine :

je descendrai les marches, une à une,

en revendiquant ma tempérance.

Et je me sentirai bercé par les volutes de fumée,

par le bouillonnement quotidien et prévisible de la casserole :

le seul son intelligent depuis des années.


 


 


 

3.- INCANDESCENCIAS


 

Sílabas son incandescencias.

Octavio Paz.


 

Antes de dormir leías un libro como se muerde un hierro

incandescente;

desde la sima de la almohada un estertor quería ser risa

y hacía huella tu rictus en mis pulmones;

No hablábamos. Ardíamos.

Soledad pedían tu frente y el latido

perceptible de la carótida;

tumbado sobre espinas me quemaba la paciencia:

entre tú y yo una firme soldadura de alambradas.


 


 

3.- INCANDESCENCES

Syllabes, ce sont des incandescences

Octavio Paz


 

Avant de dormir tu lisais un livre comme on mord un fer

incandescent ;

depuis le gouffre de l’oreiller un râle voulait être rire

et ton rictus laissait une trace dans mes poumons.

Nous ne parlions pas. On s’embrasait.

Ton front et le battement perceptible de ta carotide

demandaient solitude ;

allongé sur des épines la patience me brûlait :

entre toi et moi une ferme soudure de barbelés.


 


 

4.- FUGACES


 

Al cabo, son muy pocas las palabras

que de verdad nos duelen, y muy pocas

las que consiguen alegrar el alma


 

Amalia Bautista


 

Una estrella fugaz es mentira, lo sabes

y sin embargo cada verano te hielas

los huesos esperándolas en las noches

de agosto. Cuánto tiempo pasas,

hay que ver, diseñando deseos

que puedas someter a un dios extraño

cuya existencia dura lo que tardan

los sueños de la vejez en apagarse:

apenas una décima de segundo en medio

de tanta noche. Un dios más que ni siquiera

tiene una sola palabra para ser nombrado,

(meteoro, pretextarán algunos beatos)

y que nos deja, como suele ocurrir,

con esa mueca infantil en la cara

que tan solo significa “me gustaría creer,

pero no puedo”. Y qué decir

de esas banales esperanzas,

de tu falta de imaginación para escribir

palabras que no duelan, alegrías

del alma, no sé, algo perenne en medio

de la oscuridad. Una estrella fugaz

es mentira, lo sabes, pero no puedes

dejar de hacerte daño en el cuello,

tiritar, porque de cualquier modo

reconoces que tal vez valga la pena

conservar la infancia y vivir en reyes

y palacios, en hadas, en sangres azules,

en el amor que profesaste y que no logras

olvidar aunque te obstines porque en el fondo,

en el mapa irresoluto y torpe

que nos brinda el universo

hay razones –fugaces por antonomasia-

de seguir creyendo en las palabras.


 


 


 


 

4.- FILANTES

En fin de compte, ils sont rares les mots

qui réellement nous font mal, et rares

ceux qui arrivent à réjouir notre âme.

Amalia Bautista


 


 

Une étoile filante est un mensonge, tu le sais

et pourtant chaque été tu gèles

jusqu’aux os à les attendre chaque nuit

d’août. Que de temps tu passes,

c’est fou, à dessiner des vœux

que tu pourrais soumettre à un dieu étrange

dont l’existence dure ce que mettent

les rêves de la vieillesse à s’éteindre :

à peine un dixième de seconde au milieu

de tant de nuit. Un autre dieu qui n’a même pas

un seul terme pour être nommé,

(météore, prétexteront quelques bigots)

et qui nous laisse, comme il arrive souvent,

avec cette moue enfantine sur le visage

qui signifie seulement « j’aimerais bien y croire,

mais je n’y arrive pas ». Et que dire

de ces banales espoirs,

de ton manque d’imagination pour écrire

des mots qui ne blessent pas, des joies

de l’âme, que sais-je, quelque chose de pérenne au milieu

de l’obscurité. Une étoile filante

est un mensonge, tu le sais, mais tu ne peux pas

t’empêcher de te faire mal au cou,

de grelotter, car de toute façon

tu avoues que cela vaut peut être la peine

de conserver l’enfance et de vivre dans les rois

et les palais, dans les fées, dans du sang bleu,

dans l’amour que tu vouais et que tu ne parviens pas

à oublier même si tu t’obstines car au fond,

sur la carte irrésolue et maladroite

qui nous offre l’univers

il y a des raisons –filantes par excellence-

de continuer à croire aux mots.


 


 


 


 

5.- PASEO DOMINICAL


 

Cuanto perdura es sombra

María Jesús Mingot


 

Dijo lluvia

y ella comprendió huida, naipes envenenados, óxido.

Dijo arena

y fue todo peso, lodo, chasquidos de ramas rotas, hongos.

Entonces rectificó y dijo acero

pero en los raíles había un perverso aroma transoceánico.

Él no era más astuto: pensó muelas, harina, cartones

cuando ella le hizo una propuesta

y durante el paseo, las algas eran plástico,

la cerámica lumbre, las estrellas fachadas,

las lentes papel mojado.

Caminaron entonces

y en el silencio encontraron arrecifes de asfalto

campos de cereales secos, teléfonos extintos,

tuberías, tijeras, panoramas agrios.

Volvieron a casa.

Cenaron, qué hay, no sé, qué te haces,

da igual, cualquier cosa, no tengo hambre, dijo alguno.

Yo tampoco, fue la respuesta.


 

 


 


 

5.- BALADE DU DIMANCHE

Tout ce qui perdure c’est de l’ombre

María Jesús Mingot


 

Il disait pluie

et elle comprenait fuite, cartes empoisonnées, rouille.

Il disait sable

et tout devint poids, boue, craquements de branches cassées, champignons.

Alors il rectifia et il dit acier

mais sur les rails il y avait un pervers arôme transocéanique.

Il n’était pas plus malin : il pensa molaires, farine, cartons

quand elle lui fit une proposition

et pendant la promenade, les algues devenaient plastique,

la faïence flamme, les étoiles façades,

les lunettes papier mouillé.

Ils marchèrent alors

et dans le silence ils trouvèrent des récifs de goudron

des champs de céréales sèches, des téléphones éteints,

des tuyaux, des ciseaux, des panoramas aigres.

Ils rentrèrent à la maison.

Ils dinèrent, qu’est-ce qu’on mange, je ne sais pas, tu te fais quoi,

cela m’est égal, peu importe, j’ai pas faim, dit l’un d’entre eux.

Moi non plus, ce fut la réponse.


 

 


 

6.- MATERIA SIN MAS


 

Je m’abandonne à ce brillant espace

Paul Valéry


 

Esta tarde, la tormenta ha desgarrado el pino del jardín.

Al verlo, me he dicho que su tronco es ahora un hiato, una cacofonía.

¿Pero no será mi mirada la que se ha acostumbrado en exceso

Al simple capricho de un tropismo para encontrarlo hermoso?

La luz escasa me impone una sombra que no me molesta.

¿Por qué he de ver en las astillas un desafinado presagio?

Una Y griega se ha convertido en I latina. Eso es todo.

Sobre la naturaleza aplicamos tan solo nuestros sinsabores

Y nos gusta pensar que hay armonía de formas en los seres vivos

Que las rocas son despiadadas, los acantilados siempre salvajes,

Que las algas varadas son solamente un mapa del caos

Que hay dulzura en las colinas o ardor en la montaña.

Que un tronco es paciente y nos despliega la nobleza.

Materia. Está. Simplemente. Y no es lo que somos.

En cuanto a esa madera que yace sobre el césped,

Me ofrece hoy un lógico remate de ramas y agujas.

Hoy no hay signos. No acierto a comprenderlo

Porque me cobijo siempre en la vacua astrología de las cosas,

Interpreto el vuelo de las aves o leo en torbellinos de polvo.

Y sin embargo, hoy veo frente a mí un tronco roto,

Escucho el viento que sigue empujando sin pretender nada

Y en esas cosas sin más encuentro mi descanso.


 

 


 


 

6.- MATIERE SANS PLUS

Je m’abandonne à ce brillant espace

Paul Valéry


 

Cet après-midi la tempête a arraché le pin du jardin.

En le voyant, je me suis dit que son tronc est maintenant un hiatus, une cacophonie.

Mais n’est-ce plutôt mon regard qui s’est trop habitué

Au simple caprice d’un tropisme pour le trouver beau ?

La lumière faible m’impose une ombre qui ne me dérange pas.

Pourquoi dois-je voir dans les éclats de bois un présage désaccordé ?

Un Y grec est devenu un I. C’est tout.

Sur la nature nous appliquons seulement nos désagréments

Et on aime penser qu’il y a une harmonie de formes dans les êtres vivants

Que les rochers sont impitoyables, les falaises toujours sauvages,

Que les algues échouées ne sont qu’une carte du chaos

Qu’il existe la douceur dans les collines ou l’ardeur dans la montagne.

Qu’un tronc est patient et qu’il déplie notre noblesse.

Matière. Elle est. Simplement. Et ce n’est pas ce que nous sommes.

Quant à ce bois qui git sur la pelouse,

Il m’offre aujourd’hui un terme logique de branches et d’aiguilles.

Aujourd’hui il n’y a pas de signes. Je n’arrive pas à le comprendre

Car je m’abrite toujours dans la creuse astrologie des choses,

J’interprète le vol des oiseaux ou je lis dans les tourbillons de poussière.

Et pourtant, aujourd’hui je vois devant moi un tronc brisé,

J’écoute le vent qui continue de pousser sans rien prétendre

Et dans ces choses je trouve mon repos.


 

 

Six poèmes de Miguel Angel Real écrits en espagnol et publiés initialement dans la revue vénézuélienne " Letralia"  le 24 avril 2017  ( https://letralia.com/letras/poesialetralia/2017/04/24/poemas-80/ ) traduits par l'auteur.

 

 

 

MIGUEL ANGEL REAL

 

Il se présente :

 

Valladolid (Espagne), 1965. Diplômé en Philologie Française. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille de Quimper et a collaboré à l’U.B.O. (Université de Bretagne Occidentale) à plusieurs reprises.

Traducteur de poésie contemporaine en français et en espagnol, il a publié certains de ses travaux, conjointement avec Marceau Vasseur, dans diverses revues en France et en Espagne (Passage d’encres, Le Capital des Mots, La Galla Ciencia…).

Troisième prix du VII Concours International de Poésie « Atiniense » 2016 (Argentine).

Finaliste du VI Prix de Littérature expérimentale, convoqué par le Sporting Club Russafa Carlos Moreno Mínguez (Espagne, Mai 2017)

Certains de ses poèmes en espagnol ont été publiés dans les revues Letralia (Vénézuela), Fábula (Université de Logroño, Espagne), Marabunta (Mexique) et El Humo (Mexique).


 

 

Miguel Angel Real - DR

Miguel Angel Real - DR

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