1.- VIRTUDES DE LA INERCIA
Ce ne sont pas les choses qui parlent entre elles mais les hommes entre eux qui parlent des choses et l'on ne peut aucunement sortir de l'homme.
Francis Ponge
Redoblando al mismo tiempo que las nubes mi corazón se cansa,
pues las palabras navegan -¿o se pierden?- por el aire.
No hay eco en la distancia interminable con que acoges mi cuerpo
ni me quedan fuerzas para aprender a apaciguar tu pena.
Nada más descubro estridencias en tu caja de música
y de repente crece lo que imaginaba, que es certeza
de que me basto para cruzar este mundo utilizando solo
las virtudes de la inercia.
En el jardín contemplo sorprendido la sequía ahogando arbustos.
Estoy sentado, y mi impotencia admira su imparable avance:
los gestos naturales son una lección humilde y lancinante.
Vuelvo la mirada al cielo. Mi garganta está seca de nuestro silencio,
y no consigo robarle el aliento a esta estéril tormenta:
truenos huecos, más lejanos que nunca, y ni una gota
de comprensión cae sobre las huellas de nuestra derrota.
1.- VERTUS DE L’INERTIE
Ce ne sont pas les choses qui parlent entre elles mais les hommes entre eux qui parlent des choses et l'on ne peut aucunement sortir de l'homme.
Francis Ponge
Mon cœur fatigue à battre en même temps que les nuages
car les mots naviguent – ou se perdent – dans les airs.
il n’y a pas d’écho dans la distance interminable où m’accueille ton corps
et je n’ai plus de forces pour apprendre à apaiser ta peine.
Je ne découvre que des stridences dans ta boîte à musique
et soudain grandit ce que j’imaginais : la certitude
de me suffire pour traverser ce monde en utilisant juste
les vertus de l’inertie.
Dans le jardin je contemple surpris la sécheresse qui étouffe les buissons.
Je suis assis, et mon impuissance admire son avancée imparable :
les gestes naturels sont une leçon humble et lancinante.
Je tourne le regard vers le ciel. Ma gorge se brise de notre silence,
et je n’arrive pas à voler son souffle à cet orage stérile :
tonnerres creux, plus lointains que jamais, et pas une goutte
de compréhension ne tombe sur les traces de notre défaite.
2.- A FUEGO PASADO
La palabra es un grano apenas, pero quemante.
Octavio Paz
Hablaría sin descanso para encontrar esa semilla
que un día consiguió quemarme las entrañas.
Escribiría. Mas con los años me cuesta
recordar la forma del fuego.
Un trazo apenas o digamos otra sílaba
no bastan para hallarle el sentido a todos los trazos.
Por regla general me callo sin remordimientos.
En esa táctica soy ya casi experto:
he aprendido a no buscar más los contornos
de mi propio silencio.
Mi voz es un lirio bellísimo que nace muerto.
Un nerviosismo de hormigas en el aguacero.
Ensimismado y aterido
me siento y espero que el espíritu de Octavio
dé unas volteretas, algunos arabescos
y me muestre el camino para atrapar con su verbo
la cizalla. Pero nada.
Le muerdo las uñas a la hierba que sigue, por su parte,
creciendo a mediados de diciembre
en el jardín y en mis pulmones.
Un tosco tropismo me tapiza la tráquea,
la lengua, y mi boca
ya vegetal habla y escupe
y calla y forcejea, muy a mi pesar.
Pero son ya las ocho. Y el olor de la sopa es el pretexto idóneo:
bajaré las escaleras despacio, una a una,
alardeando de templanza.
Y me sentiré acunado por las volutas de humo,
por el borboteo diario y previsible de la cazuela:
el único sonido inteligente desde hace años.
2.- APRES LE FEU
La parole est à peine une graine,
Mais brûlante
Octavio Paz
Je parlerais sans arrêt pour retrouver cette graine
qu’un jour réussit à me brûler les entrailles.
J’écrirais. Mais avec l’âge je peine
à me rappeler la forme du feu.
Un trait peut être ou disons une autre syllabe
ne suffisent pas pour trouver le sens de tous les traits.
En règle générale je me tais sans remords.
En cette tactique je suis déjà presque un expert :
j’ai appris à ne plus chercher les contours
de mon propre silence.
Ma voix est un lys magnifique mort-né.
Une nervosité de fourmis dans l’orage.
Hébété et transi
je m’assois et j’attends que l’esprit d’Octavio
fasse quelques galipettes et arabesques
et me montre le chemin pour attraper avec son verbe
les cisailles. Mais rien.
Je ronge les ongles de l’herbe qui continue, de son côté,
à pousser au milieu de décembre
dans le jardin et dans mes poumons.
Un brut tropisme tapisse ma trachée,
ma langue, et ma bouche
enfin végétale parle et crache
se tait et se débat, bien malgré moi.
Mais il est déjà huit heures. Et l’odeur de la soupe est le prétexte idoine :
je descendrai les marches, une à une,
en revendiquant ma tempérance.
Et je me sentirai bercé par les volutes de fumée,
par le bouillonnement quotidien et prévisible de la casserole :
le seul son intelligent depuis des années.
3.- INCANDESCENCIAS
Sílabas son incandescencias.
Octavio Paz.
Antes de dormir leías un libro como se muerde un hierro
incandescente;
desde la sima de la almohada un estertor quería ser risa
y hacía huella tu rictus en mis pulmones;
No hablábamos. Ardíamos.
Soledad pedían tu frente y el latido
perceptible de la carótida;
tumbado sobre espinas me quemaba la paciencia:
entre tú y yo una firme soldadura de alambradas.
3.- INCANDESCENCES
Syllabes, ce sont des incandescences
Octavio Paz
Avant de dormir tu lisais un livre comme on mord un fer
incandescent ;
depuis le gouffre de l’oreiller un râle voulait être rire
et ton rictus laissait une trace dans mes poumons.
Nous ne parlions pas. On s’embrasait.
Ton front et le battement perceptible de ta carotide
demandaient solitude ;
allongé sur des épines la patience me brûlait :
entre toi et moi une ferme soudure de barbelés.
4.- FUGACES
Al cabo, son muy pocas las palabras
que de verdad nos duelen, y muy pocas
las que consiguen alegrar el alma
Amalia Bautista
Una estrella fugaz es mentira, lo sabes
y sin embargo cada verano te hielas
los huesos esperándolas en las noches
de agosto. Cuánto tiempo pasas,
hay que ver, diseñando deseos
que puedas someter a un dios extraño
cuya existencia dura lo que tardan
los sueños de la vejez en apagarse:
apenas una décima de segundo en medio
de tanta noche. Un dios más que ni siquiera
tiene una sola palabra para ser nombrado,
(meteoro, pretextarán algunos beatos)
y que nos deja, como suele ocurrir,
con esa mueca infantil en la cara
que tan solo significa “me gustaría creer,
pero no puedo”. Y qué decir
de esas banales esperanzas,
de tu falta de imaginación para escribir
palabras que no duelan, alegrías
del alma, no sé, algo perenne en medio
de la oscuridad. Una estrella fugaz
es mentira, lo sabes, pero no puedes
dejar de hacerte daño en el cuello,
tiritar, porque de cualquier modo
reconoces que tal vez valga la pena
conservar la infancia y vivir en reyes
y palacios, en hadas, en sangres azules,
en el amor que profesaste y que no logras
olvidar aunque te obstines porque en el fondo,
en el mapa irresoluto y torpe
que nos brinda el universo
hay razones –fugaces por antonomasia-
de seguir creyendo en las palabras.
4.- FILANTES
En fin de compte, ils sont rares les mots
qui réellement nous font mal, et rares
ceux qui arrivent à réjouir notre âme.
Amalia Bautista
Une étoile filante est un mensonge, tu le sais
et pourtant chaque été tu gèles
jusqu’aux os à les attendre chaque nuit
d’août. Que de temps tu passes,
c’est fou, à dessiner des vœux
que tu pourrais soumettre à un dieu étrange
dont l’existence dure ce que mettent
les rêves de la vieillesse à s’éteindre :
à peine un dixième de seconde au milieu
de tant de nuit. Un autre dieu qui n’a même pas
un seul terme pour être nommé,
(météore, prétexteront quelques bigots)
et qui nous laisse, comme il arrive souvent,
avec cette moue enfantine sur le visage
qui signifie seulement « j’aimerais bien y croire,
mais je n’y arrive pas ». Et que dire
de ces banales espoirs,
de ton manque d’imagination pour écrire
des mots qui ne blessent pas, des joies
de l’âme, que sais-je, quelque chose de pérenne au milieu
de l’obscurité. Une étoile filante
est un mensonge, tu le sais, mais tu ne peux pas
t’empêcher de te faire mal au cou,
de grelotter, car de toute façon
tu avoues que cela vaut peut être la peine
de conserver l’enfance et de vivre dans les rois
et les palais, dans les fées, dans du sang bleu,
dans l’amour que tu vouais et que tu ne parviens pas
à oublier même si tu t’obstines car au fond,
sur la carte irrésolue et maladroite
qui nous offre l’univers
il y a des raisons –filantes par excellence-
de continuer à croire aux mots.
5.- PASEO DOMINICAL
Cuanto perdura es sombra
María Jesús Mingot
Dijo lluvia
y ella comprendió huida, naipes envenenados, óxido.
Dijo arena
y fue todo peso, lodo, chasquidos de ramas rotas, hongos.
Entonces rectificó y dijo acero
pero en los raíles había un perverso aroma transoceánico.
Él no era más astuto: pensó muelas, harina, cartones
cuando ella le hizo una propuesta
y durante el paseo, las algas eran plástico,
la cerámica lumbre, las estrellas fachadas,
las lentes papel mojado.
Caminaron entonces
y en el silencio encontraron arrecifes de asfalto
campos de cereales secos, teléfonos extintos,
tuberías, tijeras, panoramas agrios.
Volvieron a casa.
Cenaron, qué hay, no sé, qué te haces,
da igual, cualquier cosa, no tengo hambre, dijo alguno.
Yo tampoco, fue la respuesta.
5.- BALADE DU DIMANCHE
Tout ce qui perdure c’est de l’ombre
María Jesús Mingot
Il disait pluie
et elle comprenait fuite, cartes empoisonnées, rouille.
Il disait sable
et tout devint poids, boue, craquements de branches cassées, champignons.
Alors il rectifia et il dit acier
mais sur les rails il y avait un pervers arôme transocéanique.
Il n’était pas plus malin : il pensa molaires, farine, cartons
quand elle lui fit une proposition
et pendant la promenade, les algues devenaient plastique,
la faïence flamme, les étoiles façades,
les lunettes papier mouillé.
Ils marchèrent alors
et dans le silence ils trouvèrent des récifs de goudron
des champs de céréales sèches, des téléphones éteints,
des tuyaux, des ciseaux, des panoramas aigres.
Ils rentrèrent à la maison.
Ils dinèrent, qu’est-ce qu’on mange, je ne sais pas, tu te fais quoi,
cela m’est égal, peu importe, j’ai pas faim, dit l’un d’entre eux.
Moi non plus, ce fut la réponse.
6.- MATERIA SIN MAS
Je m’abandonne à ce brillant espace
Paul Valéry
Esta tarde, la tormenta ha desgarrado el pino del jardín.
Al verlo, me he dicho que su tronco es ahora un hiato, una cacofonía.
¿Pero no será mi mirada la que se ha acostumbrado en exceso
Al simple capricho de un tropismo para encontrarlo hermoso?
La luz escasa me impone una sombra que no me molesta.
¿Por qué he de ver en las astillas un desafinado presagio?
Una Y griega se ha convertido en I latina. Eso es todo.
Sobre la naturaleza aplicamos tan solo nuestros sinsabores
Y nos gusta pensar que hay armonía de formas en los seres vivos
Que las rocas son despiadadas, los acantilados siempre salvajes,
Que las algas varadas son solamente un mapa del caos
Que hay dulzura en las colinas o ardor en la montaña.
Que un tronco es paciente y nos despliega la nobleza.
Materia. Está. Simplemente. Y no es lo que somos.
En cuanto a esa madera que yace sobre el césped,
Me ofrece hoy un lógico remate de ramas y agujas.
Hoy no hay signos. No acierto a comprenderlo
Porque me cobijo siempre en la vacua astrología de las cosas,
Interpreto el vuelo de las aves o leo en torbellinos de polvo.
Y sin embargo, hoy veo frente a mí un tronco roto,
Escucho el viento que sigue empujando sin pretender nada
Y en esas cosas sin más encuentro mi descanso.
6.- MATIERE SANS PLUS
Je m’abandonne à ce brillant espace
Paul Valéry
Cet après-midi la tempête a arraché le pin du jardin.
En le voyant, je me suis dit que son tronc est maintenant un hiatus, une cacophonie.
Mais n’est-ce plutôt mon regard qui s’est trop habitué
Au simple caprice d’un tropisme pour le trouver beau ?
La lumière faible m’impose une ombre qui ne me dérange pas.
Pourquoi dois-je voir dans les éclats de bois un présage désaccordé ?
Un Y grec est devenu un I. C’est tout.
Sur la nature nous appliquons seulement nos désagréments
Et on aime penser qu’il y a une harmonie de formes dans les êtres vivants
Que les rochers sont impitoyables, les falaises toujours sauvages,
Que les algues échouées ne sont qu’une carte du chaos
Qu’il existe la douceur dans les collines ou l’ardeur dans la montagne.
Qu’un tronc est patient et qu’il déplie notre noblesse.
Matière. Elle est. Simplement. Et ce n’est pas ce que nous sommes.
Quant à ce bois qui git sur la pelouse,
Il m’offre aujourd’hui un terme logique de branches et d’aiguilles.
Aujourd’hui il n’y a pas de signes. Je n’arrive pas à le comprendre
Car je m’abrite toujours dans la creuse astrologie des choses,
J’interprète le vol des oiseaux ou je lis dans les tourbillons de poussière.
Et pourtant, aujourd’hui je vois devant moi un tronc brisé,
J’écoute le vent qui continue de pousser sans rien prétendre
Et dans ces choses je trouve mon repos.
Six poèmes de Miguel Angel Real écrits en espagnol et publiés initialement dans la revue vénézuélienne " Letralia" le 24 avril 2017 ( https://letralia.com/letras/poesialetralia/2017/04/24/poemas-80/ ) traduits par l'auteur.
MIGUEL ANGEL REAL
Il se présente :
Valladolid (Espagne), 1965. Diplômé en Philologie Française. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille de Quimper et a collaboré à l’U.B.O. (Université de Bretagne Occidentale) à plusieurs reprises.
Traducteur de poésie contemporaine en français et en espagnol, il a publié certains de ses travaux, conjointement avec Marceau Vasseur, dans diverses revues en France et en Espagne (Passage d’encres, Le Capital des Mots, La Galla Ciencia…).
Troisième prix du VII Concours International de Poésie « Atiniense » 2016 (Argentine).
Finaliste du VI Prix de Littérature expérimentale, convoqué par le Sporting Club Russafa Carlos Moreno Mínguez (Espagne, Mai 2017)
Certains de ses poèmes en espagnol ont été publiés dans les revues Letralia (Vénézuela), Fábula (Université de Logroño, Espagne), Marabunta (Mexique) et El Humo (Mexique).