CARTA ABIERTA DE LO QUE QUEDABA
DEL VICTOR PEÑA DE 19 AÑOS DIRIGIDA
AL ACTUAL VICTOR PEÑA ANTES DE
DESAPARECER PARA SIEMPRE
Tú antes molabas.
Bart Simpson
No quiero ser duro contigo,
que bastante tienes con lo que tienes.
Mirate, esto no era lo pactado:
eres la publicidad engañosa
de lo que yo prometía. El reverso
caducado de una tapa dorada.
Eres Kennedy y Zapatero.
El casi pero al final no.
Eres la alergia de la primavera,
una oferta que sale cara.
El delirio sin aires de grandeza.
Eres la realidad iras la esperanza,
la resaca de las celebraciones
y las agujetas del sexo
mediocremente salvaje.
Eres Rod Stewart.
Guti.
Obama.
Tao Lin.
Eres peor que Stone Roses.
Pero no quiero ser duro contigo.
Solo quería despedirme:
no te veré pagar una hipoteca
ni ponerte (aún) más gordo.
No veré como te casas y te largas
de luna de miel a un infierno carísimo.
No veré cómo te compras un coche
y malvendes tus discos de vinilo.
No te veré caer en el voto útil
ni en las rebajas de Ikea.
No pasaré la vergûenza
de oirte blasfemar pidiendo
una cerveza sin alcohol.
No te veré morir.
LETTRE OUVERTE DE CE QUI RESTAIT
DU VICTOR PEÑA DE 19 ANS ADRESSEE
AU VICTOR PEÑA ACTUEL AVANT
QU’IL DISPARAISSE A JAMAIS
Tu étais cool avant
Bart Simpson
Je ne veux pas être dur avec toi,
tu en baves déjà pas mal.
Regarde-toi, ce n’est pas ce qu’on avait convenu:
tu es la publicité mensongère
de ce que je promettais. L’envers
périmé d’un couvercle doré.
Tu es Kennedy et Zapatero.
Le presque mais finalement non.
Tu es l’allergie du printemps,
un rabais qui revient cher.
Le délire sans folie des grandeurs
Tu es la réalité derrière l’espoir,
la gueule de bois des célébrations
et les courbatures du sexe
médiocrement sauvage.
Tu es Rod Stewart.
Guti.
Obama.
Tao Lin.
Tu es pire que Stone Roses.
Mais je ne veux pas être dur avec toi.
Je voulais juste te dire au revoir :
je ne te verrai pas payer une hypothèque
ni devenir (encore) plus gros.
Je ne verrai pas comment tu te maries et tu te barres
en lune de miel dans un enfer hors de prix.
Je ne verrai pas comment tu achètes une voiture
et comment tu brades tes vinyles.
Je ne te verrai pas tomber dans le vote utile
ni dans les soldes d’Ikea.
Je ne vivrai pas la honte
de t’entendre blasphémer à commander
une bière sans alcool.
Je ne te verrai pas mourir.
***
DE VERDAD QUE NO
Instrúyanse porque necesitaremos toda nuestra inteligencia,
Conmuévanse, porque necesitaremos todo nuestro entusiasmo.
Organícense, porque necesitaremos toda nuestra fuerza.
Antonio Gramsci
Leo periódicos con diferentes
puntos de vista mientras desayuno,
firmo peticiones que me parecen
apropiadas, las comparto, reciclo,
muchas veces doy limosna a los pobres,
casi siempre me bajo los programas
electorales y voy a votar aunque
sea en blanco. Me desahogo contra
el numéro de coches oficiales
en mi muro de Facebook y en las barras
de algunos bares, tengo discusiones
con los compañeros del instituto
acerca de la actualidad política
y, alguna vez, incluso, si no llueve
quedo para ir a manifestaciones.
De verdad que yo ya no sé qué más
tengo que hacer para cambiar el mundo.
FRANCHEMENT NON
Instruisez-vous car nous aurons besoin de toute notre intelligence,
Soyez émus, car nous aurons besoin de tout notre enthousiasme.
Organisez-vous, car nous aurons besoin de toute notre force
Antonio Gramsci
Je lis des journaux de différents
points de vue pendant le petit déjeuner,
je signe des pétitions qui me semblent
appropriées, je les partage, je recycle,
souvent je donne une pièce aux pauvres,
généralement je télécharge les programmes
électoraux et je vais voter, même
blanc. Je me défoule contre
le nombre de voitures officielles
sur mon mur Facebook et au comptoir
de certains bars, je discute
avec les collègues du lycée
de l'actualité politique
et, parfois, même, s'il ne pleut pas,
je donne rendez-vous pour aller manifester.
Franchement non, je ne vois pas
ce que je dois faire d'autre pour changer le monde.
***
INTRODUCCIÓN
Pensé que me estabas pidiendo un autógrafo
y resultaron ser los papeles del divorcio.
INTRODUCTION
Je pensais que tu me demandais un autographe
et en fait c’était les papiers du divorce.
***
LA ESCALA DEL DOLOR
Pocas cosas más dolorosas
que el amor no correspondido.
El desamor correspondido
es, sin duda, una de ellas.
L’ECHELLE DE LA DOULEUR
Peu de choses plus douloureuses
que l’amour non réciproque.
Le désamour réciproque
est, sans doute, l’une d’entre elles.
***
COROLARIO
Te quise desde el principio;
no me di cuenta hasta el final.
COROLLAIRE
Je t’ai aimé dès le début;
je ne m’en suis aperçu qu’à la fin.
De « La huida hacia delante », La isla de Sistolá, Sevilla, 2014
***
PÁLIDO REFLEJO
Uno de los insultos que el personal
lanzaba sobre Lou (…) era “¡casado!”.
Diego A. Manrique
Arthur Rimbaud a los diecinueve años
dicen que dejó todo: a su familia,
su chulazo, su condición y cuarto
de poeta y partió a África rumbo
a dedicarse al contrabando de armas.
Pero de una manera funcionaria,
mucho menos peligrosa y romántica
de lo que hemos preferido creer.
Nunca dejó de escribir, digan
lo que digan sus despistados fans.
Yo a los veintinueve tomé todo:
fijé la decha de boda con mi amada,
aprobé las oposiciones de Secundaria,
accedí a albergar, siquiera por un rato,
la idea de tener un hijo y comencé el pago
mensual con mis impuestos del contrabando
de armas de mi Gobierno democrático
a regímenes dictatoriales poco escandalosos,
al menos mediáticamente hablando.
No fui un esposo infernal ni un virgen de mente,
no perdí la pierna ni morí a los treintaisiete.
Pero hay muchas formas de ser un maldito.
PÂLE REFLET
L’une des insultes dont les gens
accablaient Lou (…) était: «marié!»
Diego A. Manrique
On dit qu’à dix-neuf ans Arthur Rimbaud
laissa tout tomber: sa famille,
son beau mec, sa condition et sa chambre
de poète et qu'il mit le cap vers l’Afrique,
pour se consacrer à la contrebande d’armes.
Mais à la façon d’un fonctionnaire,
avec beaucoup moins de danger et de romantisme
que l’on a voulu croire.
Il ne cessa jamais d’écrire, quoi
que disent ses fans étourdis.
Moi à vingt-neuf ans je pris tout:
je fixai la date de mariage avec mon aimée,
je fus reçu au CAPES,
j’acceptai d’intégrer, au moins pour un instant,
l’idée d’avoir un enfant et je commençai à payer
chaque mois avec mes impôts la contrebande
d’armes de mon Gouvernement démocratique
avec des régimes dictatoriaux peu scandaleux,
du moins médiatiquement parlant.
Je ne fus ni un époux infernal ni un puceau mental,
je ne perdis ma jambe ni ne mourus à trente-sept ans.
Mais il y a bien de façons d’être un maudit.
***
SI SE PUEDE...
Sin más armas ni bandera
que mi pantalón de pinza negro
y mi polo pijo y rojo, reivindico
un anarquismo mainstream
en pos de la centralidad.
SI L'ON PEUT…
Sans d’autres armes ni drapeau
que mon pantalon à pinces noir
et mon polo BCBG et rouge, je revendique
un anarchisme mainstream
en faveur de la centralité.
De « Diario de un puretas recién casado », Ed. Liliputienses, Isla de San Borondón, février 2016.
Traduits par Miguel Ángel Real et Florence Real.
VÍCTOR PEÑA DACOSTA
Présentation de l'auteur (traduction de la note biographique qu'on peut lire à la fin de son deuxième ouvrage “Diario de un puretas recién casado”)
Víctor Peña Dacosta (Plasencia, 1985), est l'un des jeunes poètes espagnols les plus prometteurs actuellement. Sa littérature mélange à parts égales ironie, intelligence et sens de l'humour. En 2014, les éditions La isla de Siltolá ont publié son premier recueil: La huida hacia delante. Il travaille actuellement comme professeur dans un lycée de Séville.
Notes des traducteurs:
Le titre Diario de un puretas recién casado fait allusion au recueil de Juan Ramón Jiménez “Diario de un poeta recién casado” (1916). Le jeu de mots est intraduisible. “Puretas” s'applique à une personne d'âge moyen qui essaye de rester jeune alors que les années passent inexorablement.
Le titre du poème “Si se puede” est une allusion au slogan du parti “Podemos”, “Sí se puede” (oui, on peut).
***
LES TRADUCTEURS
MIGUEL ANGEL REAL
Il se présente :
Il poursuit des études de français à l’Université de Valladolid (Espagne), sa ville natale. Il travaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, Inspecteur Pédagogique Régional dans l’Académie de Rennes en 2012, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper et intervient occasionnellement à l’Université de Bretagne Occidentale. Il se consacre aussi à la traduction de poèmes en collaboration avec Marceau Vasseur. Leurs traductions ont été publiées en 2008 par la revue Passage d’encres et en 2015 par le Festival de Cinéma de Douarnenez. En 2017 ils collaborent avec La Galla Ciencia (Espagne) et Le Capital des mots.
Il écrit également. En tant qu’auteur, certains de ses poèmes en français ont été publiés dans Le Capital des mots. Certains de ses poèmes en espagnol ont été publiés par les revues Letralia (Vénézuela), Fábula (Université de Logroño, Espagne), Marabunta ,El Humo et La Piraña (Mexique). Il a reçu le troisième prix du VII concours de Poésie "Atiniense" (Argentine) en 2016.
FLORENCE REAL