Long plongeon
Nord-sud si on veut
west to east si on peut
se regarder dans les yeux
en mer
ça n’a jamais relié quatre points
c’est vérité cardinale
pour qui diverge converge
classiquement parallélise
on ne voit bien qu’avec les yeux
pour n’en voir qu’un
un point un seul une cible
on décoche
on se plante
dans ton abeille
un cœur
on croit
blop
et l’on descend long
long long long
lâchant son antipode
chacun
d’un coup de rein
plongeur
fond des eaux
bleu pâle du liner
descendant tête en bas
tête en haut
courageux fous
courant chaud doux
le long d’un même fil cousu
d’imprévu d’évidence
dans coulée des bleus
orbite des blancheurs
plongeant aussi nous
dans myriades de miroirs
de lumières de poche
[ aveuglants ] lestés attirés
nos phares cachalot
plongeant toi moi aussi
dans essaim de chattertons
coupés rectangle de sombre
[pas vu, pas voulu voir]
échos tournoyant dans les marges
orbite des profondeurs
Et nos mains s’y sont-elles
seulement rejointes
au point bleuté
à l’instant central
au chas de l'oeil
[un / un] Cyclope et un
où se brassent les mers ?
Au long long de ton mon long
long plongeon
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Vous m’apparaissez
Vous m’apparaissez ! Comme vous m’apparaissez !
Dans les écumes de tous les fjords, dans les chevaux de Léo
et je vous murmurerai d’insanes beautés
et je vous accosterai dans un rafiot hors d’âge
et ma lune All Stars recouvrira votre soleil
dans le même disque Converse
[ou ton astre vitupérant avalera ma pauvre soupe 1880]
et je flotterai au-dessus de vos naissances
en dindon blanc par-delà les écueils de vos salinités
polynésiennes en Dandin si Georges que méprise la vague.
-Hé-attends-tu-sais-tu-sais-raccroche-pas-tu-sais-
-pauvre-Arthur-qu’Une-Saison-en-Enfer-a-été-composée-aux-Roches-
-une-ferme-des-Ardennes-tu-savais ?-Vitalie-seule-à bord-
-qui-commande-les-troupes-les-larbins-les-travaux-des-champs-
-Frédéric-le-frère-à-la-fourche-dehors-
-Arthur-le-farouche-au-grenier-qui-s’enferme-
-qui-descend-aider-parfois-qui renâcle-
-dans-la-fureur-de-ses-amours-
-de Tigre-avec-Verlaine-
-dans-le-soleil-tu-savais-
-dis-attends-tu-savais-ça ?
Et vos îles vénériennes et vos lointains et mes mains dans la terre
et vos douceurs ô vos douceurs
et vos faiblesses ô mes faiblesses
et nos histoires et nos visages qui se fracassent.
Mais vous m’apparaissez.
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Larme sur la poudre
Tu as mis de la poudre sur ton visage
une enveloppe dans ton sac
à remettre à l’homme qui portait
l'imper vert
quand ils t’ont prise
salie à l’étage tu n’as pas parlé
une larme sur la poudre
et plus bas dans le soir
ils n’ont entendu de toi
fenêtre entre-baillée
qu’un son mat comme un sac
tombant
sur le trottoir de l’Hôtel de France
*
J’ai mis de la poudre dans mon fusil
pris appui sur le muret
avec en joue l’homme qui parlait
sous l’ampoule
quand ils m’ont pris
au revers de la nuit
bastonné, à la cave, j’ai parlé
une larme sur la poudre
et plus haut au matin
tempe sur un évier
j’ai aperçu huit bottes de gendarmes
venues me chercher
et des rires
dans une ferme de France
*
Depuis longtemps
Les belles nuits
Je ne vois plus
Entre les étoiles
Que nos larmes sur la poudre
RAPHAËL ROUXEVILLE
Il se présente :
Raphaël Rouxeville a étudié et enseigné la littérature. Il a plus particulièrement travaillé sur l'oeuvre de Rimbaud. Ses poèmes ont été publiés en revue par Le Capital des Mots, Terre à Ciel, et prochainement par Décharge et Lichen.