La musique de Bach tournoie comme un oiseau
Dans la joie enfantine de la tonalité
Retrouvée en ce matin d'automne grisâtre
Limpide et sans lendemain sur lequel
Un vieux pays d'Allemagne déploie son aile
De chant luthérien dans la stridence des clartés
La soudaine évidence où l'âme ne cherche plus
L'innocence perdue, l'impossible pardon,
Quand pérorent les enfants sortis du bain
Et que le chien s'ébroue sur le perron... Ô
Qui de vous reconnaîtra, entre le doux prénom
D'Anna Magdalena et l'ange de Silésius,
Ces étés à venir que fit naître un ciel de brume ?
***
Qui parle seul dans la pénombre, et qui l’écoute ?
D’où vient ce murmure étrange, et ce chant pour personne ?
Ce ressassement grave aux lisières de l'humain,
De vieux violoncelle qui marmonne dans sa barbe,
Est-il déjà parole, est-il encore silence?
Lui qu'on a oublié là, dans son coin, avec
Son tremblement sourd et sa plainte, à peine une voix...
D'où vient cette peine qu'il porte en lui
Pour s’éteindre, cette chose qui ne tient qu'à une
Corde, et qui pourtant brille au-dehors, mais de très loin,
Comme une étoile après sa mort, guidée par le vide?
Quelqu’un s’avance vers la phrase, au seuil du dicible.
Tout commence et s'achève, l'univers vacille.
***
Dans l'énigme d'un intérieur brandebourgeois,
La profondeur se découvre un langage baroque
Au dallage noir et blanc fuyant vers les miroirs
Où la musique met ses plus belles parures.
On n'avait pas encore inventé la solitude.
Les bijoux éphémères de la jeune servante
Ornaient discrètement la joie du contrepoint
De son amour profane.
La domesticité faisait éclore un sens
Inexploré au cœur de la lumière
Vagabonde, un vieux rayon de soleil s'attardant
Aux meubles du séjour et sur la rampe, au fond,
De l'escalier qui monte vers le dernier accord.
***
MIGUEL COELHO
Miguel Coelho est né en 1973. Il vit actuellement à Paris, et enseigne la philosophie. Certains de ses poèmes ont été publiés par les revues Paysages écrits (numéro 17-18, juillet-août 2013), Les tas de mots (numéro 15, 2014), Le capital des mots (avril 2014, octobre 2017), Nouveaux délits (décembre 2014), Traversées (numéro 75, mars 2015), Recours au poème (mars 2016).
Miguel Coelho est également pianiste improvisateur.
Site : https://www.miguelcoelho-musiqueetpoesie.com/