TROIS PROSES EXPRESS
CHARADE
Le vent d'autan balance ses questions aux nuages. L'horizon s'allume en attendant la pluie. Les couteaux des fenêtres épluchent la patience. Les coulisses de l'aube replient leurs veilleurs en costume. Le vertige crépite au fond des corps vacants. Les rides de la nuit ne riment plus à rien. La rue ne bouge pas d'un pouce, sous les pas des hommes qui reviennent des fêtes d'un dieu mort. Entre un nuage et un sillage, il y a toute une vie qui se déroule en douce. Mais on a beau chercher le sens de cette course, c'est comme l'échappée d'un songe, comme le dernier mot trouvé de la charade dont le prince est un enfant, tombé en chandelle de feu dans un vague tombeau.
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PROMESSE
Derrière la porte, il y a quelque chose qui n'a pas de nom dans ma mémoire. Juste une couleur violente et malade, cernée d'un tourbillon de décomposition. Une couleur de course à perdre souffle et de séparation à la fin de l'été. De volet qui claque dans une maison abandonnée. De lierre avide et de rouille enragée. Et puis, au centre de ces ruines, il y en a une autre, fragile comme une goutte d'eau au bord d'un toit, une couleur de jambe de jeune mariée et de paupières dépliées pour un nouveau vertige. Je déracinerai ces statues de sel, au sein du vague à l'âme. J'étoufferai ces plaintes de pierre qui perlent à mes genoux, à force d'adorer ton ombre dans les temples de mes nuits blanches. Je te retrouverai, de force ou de regret. Mon amour est plus grand que ton aveuglement.
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MEMOIRE
Ma mémoire est un mur dont on aurait lié les pierres de soutien avec des mots de lierre. Ces ombres dérobées au versant de la colline, ces silhouettes sinuant sous le ciel assombri, emportent loin de moi leurs secrets capitaux. Les rayons d'un soleil tardif gravent mes initiales dans le jardin avec de longues faux martiales, armes des guerres-éclairs livrées contre le temps. Du silence étincelle parmi les arbres, comme des graines de tournesol jetées aux étourneaux. La plage du livre que je lis se déplie lentement. La barbarie d'aimer se profile déjà et, sur le flot des phrases qui oscillent, va bientôt s'ériger l'épée nue.
© Pierre Lepère