Vin herbé
Quand il a bu le vin herbé
C’est là que tout a commencé
Il a jeté les nerfs du masque
Ses cils sont tombés dans le lac
Ont pris racine à même la lune
Il a nagé sur le soleil
Il a dormi sous l’eau châtain
C’est là que tout a commencé
Il a laissé la langue des biches
Boire rose à ses yeux cernés
Quand il a bu le vin herbé
La peau des yeux s’est débâchée
Il a écarté la nasse aux poissons
Il s’est chauffé sous l’eau du ciel
Il a souri la lèvre en coin
A l’océan dans le lointain
Quand il a bu le vin herbé
C’est là que tout a commencé
Il a veillé dans le plexus une lumière
Folle, noire et bonne
Qu’il désenroule sans fin
Depuis qu’il a bu le vin herbé
Il a jeté
Il a nagé
Il a dormi
Il a laissé
Il a écarté
Il s’est chauffé
Il a souri
Il a veillé
C’est là que tout a commencé.
*
Haut pétrole
Sur la pointe des pieds, les bras tendus, du bout des doigts
Haut haut haut, je tends la lune aux nuages, j'en attrape parfois
Mon disque est un filet
Dedans les bonnes nuits, les nuages cavalcadent
Haut haut haut, dans le flux de la lune, j'aimante
Apaloosas, courbures
Tes reins qui dansent dans mes mains et des sourires d'enfants
Les nues m'envoient, les bonnes nuits, cheveux de paille ou bien de laine
Des doigts noirs et blancs qui recouvrent tes seins
Un globe si sauvage, tant de neige, d'Amazones
Haut haut haut, je pêche les étoiles
Mais les sombres nuits, dedans du bout des doigts
Oukazes en pluie, traités battant l’orage
J'attrape au vent ma colère, des armes, des couteaux
Haut haut haut, ma lune est un puits noir et je suis sanguinaire
Le globe est misérable, temples, banlieues, gares
Tes larmes sur les draps, comme il est trop humain
Alors tout au fond de ma lune, haut haut haut
Je bois, je bois, je bois, le pétrole de la nuit.
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L’Ost
Ta quête dans l’encre des batailles
Même vaincu tête basse
C’en est presque effrayant
Ne se départit de l’Ost
Ta quête jamais dépouillée
Ni tout à fait de hampe
Ni de gonfanon
Du glaive ni du trophée
Dans l’encre des batailles, je te connais
Toi chevalier fou
Cinglant de ton glaive
Les pins
Guerroyant les pommes d’or
Comme si je t’avais fait
La cavalcade, ô ton inquiétude
S’écarte pourtant, tu le sais
De la sente montrée par le moine
Où se donne ce qui est là
Mais relever le gant, toujours
Il te faut
Porter la coupe aux lèvres
Indéfiniment
Anime ton coeur blessé
Et ton orgueil sans dieu
Aveugle
Qui veut l’amour d’un roi, je t’ai fait
Immense, sans mesure
Il te faut l’or, les louanges
La peau des Muses, je te sens
La taille, ô ton orgueil
De la biche sous ta caresse
Et l’assentiment intarissable
De ses yeux, je t’entends
Pourquoi te faut l’Ost tant et plus
Pourquoi chevaucher infiniment vainement
Tous les chemins de ligne
Comme un page blond garçonnet
Bercé par le parfum oublié
Chemise et long collier
De la dame noire qui
T’enveloppant un soir dans ses mains
Te couvrira enfin de baisers froids
Enfin sur son sein.
RAPHAËL ROUXEVILLE
Il se présente :
Raphaël Rouxeville a étudié et enseigné la littérature. Il a plus particulièrement travaillé sur l'oeuvre de Rimbaud. Ses poèmes ont été publiés en revue par Le Capital des Mots, Terre à Ciel, et prochainement par Décharge et Lichen.