Au Zam Zam Cool Bar
Ruisseaux, fleuves, rivières,
deviennent Gange
au toucher du Gange.
Toukarem, Psaumes du pélerin,
psaume XXVIII
Au Zam Zam Cool Bar,
je t’attendrai en méditant
les affluents du Gange.
Viens vite m’y retrouver.
Quand tu descendras du taxi
on boira des lassi
au Zam Zam Cool Bar.
Plus voir que par tes yeux.
Je n’vais rien conserver.
Jeter par dessus bord
tout c’qui me faisait moi.
D’abord l’horreur m’a pris,
ensuite l’idée m’a plu.
Comme unique ambition,
être à ta dévotion,
devenir ton fervent,
tout accepter de toi.
D’abord l’horreur m’a pris,
ensuite l’idée m’a plu.
Loin de toi, je me sens
comme un poisson sans eau.
Peu importe le bois
pourvu qu’il y ait le feu.
Peu importe qui je suis,
le lait est toujours blanc
quand je me sacrifie.
Rien ne me restera
si je me sacrifie.
D’abord l’horreur m’a pris,
ensuite l’idée m’a plu.
Au Zam Zam Cool Bar
je t’attendrai en méditant
les affluents du Gange.
Viens vite m’y retrouver.
Quand tu descendras du taxi
on boira des lassi
au Zam Zam Cool Bar.
***
La dernière cigarette
Y a toutes ces cigarettes
qui se fument sans moi,
l’abruti que je suis,
c’est moi qui l’ai voulu.
Le bourreau de moi-même.
Au fond de l’horizon,
ce type qui surgit.
Bordel, mais qu’est-ce qu’il fout ?
Ce con s’en allume une !
Et juste à mon oreille
un briquet qui crépite !
Et juste sous mon nez
un souffle qui s’exhale !
Et cette fille qui me parle
et tient dans ses doigts fins
un léger bâton blanc !
L’abruti que je suis
Y a toutes ces cigarettes
qui se fument sans moi,
c’est moi qui l’ai voulu.
Le bourreau de moi-même.
Chaque heure est au couteau.
Chaque instant qui me reste,
il me faudra lorgner
à la bouche des autres.
J’avance sur des rasoirs
et mon corps sans elle
n’est plus qu’une solitude,
mon unique solitude.
Chaque seconde devient
un triomphe inutile.
Des jours à l’infini
sans aucune solution,
sans une négociation
sans une compromission.
L’abruti que je suis
Y a toutes ces cigarettes
qui se fument sans moi,
c’est moi qui l’ai voulu.
Le bourreau de moi-même.
La délivrance viendra,
un jour comme les autres.
Je vous supplie, j’exige :
glisser entre mes lèvres
mon amante éternelle
pour un dernier baiser.
Qu’ensemble nous puissions
passer sur l’autre rive
notre dernier soupir.
***
La jeune fille au portable
La jeune fille au portable
penchée sur son écran
avec ses hauts talons
et ses jambes croisées, nues
comme des lames de poignards,
et tout auréolée
de son indifférence,
elle ne m’adressera
jamais un regard,
un monde nous sépare.
Mais comme une évidence,
la jeune fille au portable,
elle semble toujours
avoir été là
sur un banc de métro,
Renoir aurait aimé
la peindre,
la jeune fille au portable
– scène de genre de la vie urbaine.
Plus rien ne la distrait,
rien qui vaille la peine
de lever ses beaux yeux
vers un pauv’gars comme moi.
Je me sens tout petit !
Plus petit qu’un écran
de jeune fille au portable
sur lequel s’afficherait
mon corps nu et bronzé
et qu’elle contemplerait
très absorbée,
comme retirée du monde.
Et qu’elle contemplerait
très absorbée,
comme retirée du monde.
CHRISTOPHE ELOY
Il se présente :
Christophe Eloy. Né en 1956, longtemps Parisien convaincu, il s'est depuis quelques années, converti au sud. Il a été (dans une vie antérieure) informaticien, pour faire ensuite enseignant (de français). À une certaine époque, il a (re)trouvé le chemin de l'université pour y suivre des études de littérature. Il considère que la véritable unité de sa vie, il la trouve dans ces deux activités Lire-Écrire.
Depuis quelques temps, il a publié des recueils de poésie et de nouvelles. Trois au total.
Le désir en toutes lettres, 2013
Les trains que nous prenons, ceux qui partent sans nous, 2014
Dans cette vile, 2015
Son blog : http://elogedelamollesse.over-blog.com/