Je me demande
Je me demande comment en finir avec l'intrus
Qui accapare mon esprit, me dérègle les sens
A grand renfort de musique et de bruit,
Sans que je puisse discerner quelle est l'une
Et quel est l'autre, de la musique ou du bruit.
Sans doute me faudra-t-il composer
Avec lui, -qui occupe mes pensées,
Qui n'a de nom, que je ne connais-,
Pour cela même qu'il me tient en son pouvoir
Et ne saurait abandonner l'avantage.
J'ai pu avoir la tentation d'arborer fière allure
De lui signifier le peu de cas que je fais
De sa personne, de sa programmation sauvage,
De son installation à mes dépens,
Mais une forme de sagesse m'en a dissuadé.
Le choix d'une autre stratégie, -où seule la ruse,
Et je n'en manque-, saura préserver mes intérêts,
Pousser mon avance dans la récupération
De parts entières de mon être, occupées, confisquées.
Déloger le mal ses racines, renaître enfin à moi-même !
***
Tu te demandes
Tu te demandes
-Mais pouvais-tu vraiment
Échapper au questionnement ?-,
D'où tu viens qu'on t'a pas dit,
Quels sont tes parents de l'ombre,
Qui sont tes géniteurs ?
Depuis belle lurette ils t'accompagnent
Ceux qui t'aiment au quotidien,
Qui pourvoient à tes besoins,
Qui assurent dans la durée
Depuis que toi tout juste née,
La permanence des sentiments.
Ils sont ceux que tu chéris
Plus que tout au monde,
Et ils méritent bien, Ana,
Tout ton trésor d'amour.
Ce sont eux qui au plus près
T'ont vue grandir, t'ont épaulée.
Ne sont pas ceux qui t'ont fait naître,
Ceux que tu voudrais tant connaître.
Leur demander la raison
De l'abandon, -dès ta naissance-,
De leur bébé nouveau-né.
Les voir. Les entendre.
A quoi ils ressemblent.
Tenter de les comprendre.
Afin de pouvoir peut-être,
Un jour leur pardonner.
***
Ils se demandent
Ils se demandent
L'un comme l'autre,
La raison de pareil insuccès.
Étaient partis confiants.
Avaient dans l'entreprise
Mis toute leur énergie, tous leurs espoirs.
Ils en avaient tellement rêvés, et le miracle
Sous leurs yeux s'accomplissait. Se croyaient
Invincibles. Ne craignaient rien ni personne.
L'idée que c'était chose gagnée,
-Que les dieux les accompagnaient-,
Les aura par trop distraits de la réalité.
Le fracas du réel n'a pas manqué d'ébranler
Leur ferme assurance. Les a touchés au cœur.
Les a littéralement anéantis.
Dans leur échec, sont restés soudés :
Aucun des deux n'aura eu la tentation
D'en tenir l'autre pour responsable.
Ils se demandent :
Comment a-t-on pu en arriver là, mais encore :
Comment sortir de là où le diable nous a mis ?
JACQUES BONNEFON
Il se présente :
Tour à tour peintre, poète, photographe, selon l'humeur, le parti pris, les opportunités.