Vortex Tant d'images maintenant mâchées dans le vortex, que je ne sais plus. Il te donnait rendez-vous au pays, le chemin, à la première barrière, si le stop marchait bien. Toi, tu portais le deuil. Tant d'images aujourd'hui - l'air en est cosmétique. Collées à la paroi, épaisses. Plus rien à avaler. Avait quitté Saumur le jour d'avant, en fausse permission. Dauphine, Berliet, Frégate, cinq heures d'attente au Mans. Et puis miracle enfin, une 4 chevaux. T'offrirait des bonbons, des baisers, le bal - c'est pas sûr, il a baptême - des sourires. Oncle pour la huitième fois. Tant d'images sur des cloisons de verre. Un nez, une bouche qu'on souhaite, une épaule, un volume. Avait parlé du père dans sa lettre : le coup de pied au marché dans la tête ; un veau - le médecin était venu. Mais c'était ses nerfs surtout. On l'avait mené à Caen. Il te donnait rendez-vous au pays, le chemin. D'hier et d'aujourd'hui, tant d'images. Ton image. Lettres et parois. Des lacs clairs inconnus, des nuits griffées de lumière - dans les courriers déjà ; des routes et des chemins presque oubliés. Images d’hier et d’aujourd’hui. J’ai ouvert l’enveloppe. J’ai cliqué. *** La marche Pulsar Le mouvement prodigue l’air frais Et retend la paupière attelée à la marche Pensée pour l’attirail inerte du monde A jamais, à force de doigts tendus Où rien ne se prend vraiment La source du lavoir, le son, mon sang Le vent où nous dansons Quasar Comme la main verte du noisetier Au bout de son rameau Pulsar Où se dépose traversante La sueur cosmique de l’antimonde Parce que l’on marche et l'on ressent. *** C’est une belle chanson D'une bouche à un nom, à un nom, à un autre nom, c'est une belle chanson, avec des la-la-la que tu fredonnes, de la pointe de la langue. C'est une belle mélodie pour raconter la ville. De l'oreille à la bouche, c'est la chanson que tu murmures. Chanson de loupiotes furtives, de basses, de torréfacteurs. Et de vins et de voix. Chanson de plaies, de blues et de rires, qui s'en va sur les toits. Une mélopée d'oeillades la nuit, assis dehors sur une marche, éclairés par le réellement adorable jour pisseux de la porte, qui nous enclot dans un triangle effilé. De tête à tête, à tête, c'est une belle chanson, de prunelles et d'iris, de bonbonnes et de coeurs qui battent. Une chanson secrète, d'une lèvre à l'autre, avec des la-la-la. Qui font encore le tour de la ville.
RAPHAËL ROUXEVILLE
Il se présente :
Raphaël Rouxeville a étudié et enseigné les Lettres modernes. Ses poèmes ont été publiés en revue par Terre à ciel, Le Capital des Mots, Décharge, Lichen et La Cause littéraire. Deux autres revues (papier et numérique) vont lui faire une place dans les prochains mois.