Bestiaire
Enfin, je l’ai vu,
Là, au recul du temps,
Ni fille ni garçon.
Sous de vieux jours,
Sous de vieux pleurs,
Dans une niche creusée,
Il était là,
Rond de chagrin,
Ni fille ni garçon.
La paix le couvrait mieux que l’oubli.
Repoussant le tombereau des heures,
Mon regard essuya le chagrin.
Eut-il froid ?
Eut-il peur ?
L’enfant s’éveilla.
Dépliant ses membres,
Il consentit à être,
Ni fille ni garçon.
L’enfant avait :
Tête d’oiseau,
Yeux de loup
Qui, sans paupière,
Brillaient glauques.
À son front bossué perçait l’avenir.
Des larmiers de vin baignaient sa face,
Déposant à ses joues de douces humeurs.
Il secoua la tête.
Ploya le marbre de son col.
Ouvrit son bec sur un silence.
Pendant qu’il riait en carpe,
De sa bouche
Des bêtes tombèrent,
Mates sur son poil,
À sa poitrine et son ventre.
Je regardais l’enfant.
Mes yeux s’usaient à son visage.
Alors, il se leva.
De son corps, pleurèrent carabes et lucanes.
Une salamandre claviculaire chuta.
Un couple de serpents se coula,
L’un à sa gorge l’autre à ses reins,
Donnant à son corps langue et queue.
Son flanc de loutre luisait huilé de blanc.
Une humanité incongrue
Par jeu ornait son buste ;
Deux mains y soupiraient d’aise.
Dans la fourrure qui le vêtait,
Les vermisseaux de ses doigts se tordaient.
Paumes ouvertes,
Il m’invita.
J’entrai dans son rêve,
Lui connaissait tout du mien.
Par mon âme,
Il s’envola.
….
Sous la veilleuse des persiennes,
Rayé de lune,
L’enfant dort.
Plus loin que le jour n’a su le faire,
Le sommeil l’emporte.
Près de lui, tête à tête,
Il a gardé l’album étrange.
Je suis la chambre.
Je suis le lit.
L’enfant dort.
Il est ma nuit.
Enfin,
Sur le seuil,
Ils sont venus,
Fauves buvant à nos berges.
BÉATRICE PAILLER
Elle se présente :
Je suis rémoise et j’ai exercé à Reims pendant vingt ans le métier de libraire. Je me consacre maintenant à l’écriture et uniquement à celle-ci en alternant prose et poésie.
Mon écriture prend sens dans la langue. Je m’en imprègne et la transforme, la travaille, pour façonner mon langage poétique. Mon but est d’approcher de ce que j’appelle « la poétique du monde » qui est pour moi indissociable de la création. C’est pourquoi, je place la lumière au centre de mon écriture. C’est la lumière intrinsèque de la création que je cherche à faire partager. La création, telle une terre d’avant l’homme, mais sans regret d’un hypothétique paradis. Un ailleurs où les éléments sont omniprésents air/terre/feu /eau, où la respiration/le souffle du végétal et de l’animal s’animent. J’instaure des passerelles entre homme et animal : l’animal dans l’homme et vice versa. Je puise dans l’ensemble de la création : de nature ou humaine. Le corps est présent, avec le geste et le mouvement ainsi que le sentiment de perte quel qu’il soit. La lumière est là et l’ombre l’accompagne. Ombre qui n’est pas moins belle, juste différente : une lumière qui ne se dit pas, qui ne se dit plus.
Je tente d’exprimer ce qui m’habite : émotions et sentiments, interrogations, par le biais d’une écriture qui n’est pas sans violence. Une écriture de contraste et de rupture ; sensuelle, elle fait appel à tous les sens et invoque le charnel.
Quatre recueils sont parus à ce jour :
Goûte L’Eau, nov.2018, Aux Éditions de la revue A L’INDEX collection Les Plaquettes
ALBEDO, mars 2018, Aux Éditions Encres Vives
Mouvements, Panta Rhei, Poésie en voyage 4èmetrimestre 2017 Aux Éditions La Porte
Jadis un ailleurs, recueil réunissant : L’heure métisse et Motifs /collection Poètes des Cinq Continents / sep.2016, Aux Éditions L’Harmattan
À paraître en 2019 : SACRE aux Éditions Racine et Icare
Par ailleurs, je participe aux revues Souffles, Traversées, Décharge, Les Amis de L’Ardenne, À L’INDEX, Lichen et le Capital des mots, et ARPA (numéro sur le thème de l’exil)
A consulter
http://www.dechargelarevue.com/Voix-nouvelle-Beatrice-Pailler.html
https://revue-traversees.com/les-auteurs-de-traversees-2/#P