Poèmes à A.
Ne pas penser trop fort : elle dort ;
les oiseaux ont quitté la ville –
le seul passant rampe à minuit.
Le chat se ballade gracieusement
dans la seule maison éclairée (
règne maintenant sur la lune diurne).
Ne pas penser trop fort : elle dort.
*
Là, nul laurier, nul acacia.
Des larmes qui sont des croix
de givre brûlant les joues.
La lèvre où saigne la violette.
Parole droite comme une flèche :
« Ne me quittez pas,
ou je vous avoue tout ».
*
« Je t'aime, c'est ma musique.
Je lécherai tes larmes à même tes joues.
J'irai au fond de ta joie.
Je te dirai des choses impensables,
mais tu les ressentiras toutes.
Tu seras ma sœur, ma virginité,
mon inceste. Heureux n'importe où. »
*
Je marchais, tout à l'heure,
fasciné par mon ombre.
Cheveux au vent des feuilles.
L'instant d'avant, j'avais vu
trois trèfles en guenilles
tenir, debout, dans le caniveau.
Et que ma chance joue.
*
Être balayeurs de rêves
d'un cimetière japonais.
N'oublier jamais le goût
de cette tâche sans fin.
Être un jour enténébrée,
une nuit lumineuse.
Ainsi du petit matin.
*
Pauvre en tout, le plaqueminier.
Peu de fruits cette saison,
peu de mains de bouches à goûter.
Ils tombent comme des parachutistes
vers le sol au sang de ce kaki-ci,
et palabres d'oiseaux tout le jour.
Qu'un ciel violet pour tout amour.
Le chat, de dos, à la fenêtre.
Dans son regard la nuit se serre.
Il a su attraper le désir,
tout le jour. C'est le repos du guerrier.
Il peut regarder la pluie,
le goutte-à-goutte du robinet,
épouser ce qu'il fuit, absolument.
*
Mais ne pas penser trop fort, elle dort –
ouvrir une porte dans son rêve,
venir s'asseoir dans son rêve,
lui dire au-dedans de lui
les mots qui ne se disent pas.
Tous. Puis qu'elle se réveille
en se souvenant de tout.
NICOLAS JAEN
Il se présente :
Nicolas Jaen est né le 2 février, dans le Sud-est de la France. Derniers textes publiés: Lettres à A., l'Atelier des grames; Bestiaire et La photographie absolue, éd. du frau.