Visite
Le soi suspendu à l’étoffe
de l’air, avatar d’Azuré,
moment de grâce flottant,
pierre ponce à la surface
ignifuge d’existence ajournée,
têtes de lilas ployées
au-dessus de l’allée, en col
de feuilles cordées, roses, mauves
empourprées, diffuses, mi- nuit
mi-lumière, s’ouvrant sur la stèle
de calcaire, proue fendant les flots
herbeux, embrumée de velours
mousseux et franges de lichen,
balayée par les remous
d’un autre parfum.
***
Noli Me Tangere
Visage arborant or et argent.
Envisager ce regard,
se gardant de faire effraction,
d’écorcher, sans égard,
ta réserve, bouclier de verre.
Lisibilité à découvert,
visibilité tangible
à mots couverts,
se dérobant au toucher
de paroles indicibles.
***
Renversement
Les mots vrillent dans les cheveux
qui chatouillent ton oreille,
râpent contre ta joue
grisonnante mal rasée,
explosent car parfois tu ris,
s’effritent, s’enterrent.
Les mots percent avec peine
la surface, plantules qui luttent
pour soulever un caillou mal placé.
Nos mains sont rugueuses,
de la terre sous les ongles ;
nous vivons durement,
étoilés d’écorchures et de bleus,
enserrés par les roches et troncs.
Remontant les murs en calcaire,
les blocs pèsent le poids de boues
anciennes ; nos épaules craquent.
Fond marin éclaté, étalé au soleil,
piquants d’oursins émoussés,
bivalves, petits cœurs flottant
fixement dans le cimetière minéral,
bélemnites logées dans la pierre
comme des balles perdues. En lente
silence nous élevons la mer sur terre.
JANE ANGUÉ
Elle se présente :
Notice biographique
Après des débuts dans le domaine de l’archéologie, Jane Angué étudie le français à King’s College, à Londres, puis s’installe en France, prépare une maîtrise de Lettres Modernes, ensuite l’agrégation et un DEA en anglais. Enseignante, elle écrit des textes en anglais et en français publiés dans The Dawntreader, incertain regard et Le Capital des Mots. D’autres sont à paraître dans Amethyst, Poésie/première et Arpa.