Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - NICOLAS JAEN

Publié par Le Capital des Mots sur 13 Juin 2019, 08:52am

Catégories : #poésie

Pour toi, Paula, mon amie partie en quête,

j'ai déposé un petit bateau sur l'eau,

un petit bateau fait de larmes chaudes,

déposé dans l'onde, l'ondée, l'ondine,

pour qu'il la réchauffe,

et qu'elle le boive d'un trait,

et que l'ondée l'étreigne,

et l'espère, et éparpille cette espérance,

et que ton cœur soit rendu aux loups,

pour toi, je le gueule à la lune, ce poème.

ma douce, ma tendre, ma chère Paula.

 

Un oiseau blanc longe le ciel noir.

C'est avant la création du ciel que nous nous sommes connus.

Avant l'avant.

Ma princesse aux pieds doux.

 

Les souvenirs de Paula, tiennent dans une boîte d'allumettes.

Si elle en gratte une sur son cœur, elle s'enflammerait :

car son cœur est maître du feu.

 

Parce que j'ai mangé mon pain gris sur ton épaule, mon amour,

je sais ta chance impardonnable et ton plus beau soupir,

et je te vois dans Paris

quand Paris est une boule transparente

qu'on agite pour y voir tomber la neige.

Un souvenir, encore.

Tes cheveux pleins de neige.

 

Un simple souvenir, Paula.

 

Tout comme le frottement de deux textes qui crée un outre-sens,

tu as su dépasser mes espérances les plus intimes,

et j'ai sauté par-dessus moi pour te rejoindre.

 

Ce petit cœur de satin noir je l'ai dans un médaillon

frappé de ton prénom, suavité.

Moi qui suis la mère de mon père et le père de ma mère,

Je ne veux être que ton Bien-aimé, ton Bien-aimé.

Fort de ne rien savoir, qu'une embellie éternelle,

qu'un feu du soir sur les eaux calmes,

goutte d'eau,

petit pois.

 

Je ne sais plus, ma tendre amie, si nous sommes le jour ou la nuit.

Mais je sais que le jour va advenir.

Ce sont les oiseaux qui me le disent : nous parlons la même langue eux et moi.

Et, moi, je voudrais t'offrir un cœur comme un sou neuf,

que cet avare de Dieu a lustré pendant des siècles pour le donner à personne.

 

Si le jour se lève, Paula, ce n'est pas ta faute :

le ciel a sifflé ses étoiles,

et elles obéissent, ces traîne-casserole.

 

La Mariée va apparaître, le ciel sera blanc aujourd'hui.

 

La mer se réécrivait chaque jour devant nos yeux, ma Paula.

Le couchant aux banderilles était son apogée.

Elle travaillait pour ça, tout le jour.

Le ciel s'éclaircit, mais le soleil ne se montre pas.

 

Espérons qu'il ne se soit pas caché à jamais.

 

Je vois les maisons là-bas et j'ai mal à toi, ma chérie.

J'ai peur qu'un jour tu ne me voies plus.

Peur de ton ombre sur le mur,

le mur.

Parce qu'une balle tape de toute sa force juste sous mon pull-over,

au lieu-dit des chamades,

des chamades.

 

Parce qu'un autre se serait déjà tué pour toi,

moi j'ai déposé tes larmes à la mer

ce fut une mer de sang.

 

Et si ta joie est lisse,

depuis que tu te souviens de tes souvenirs

depuis que tu sais qu'ils ne t'appartiennent pas

qu'ils sont et ne sont pas les tiens

sache que le ciel ne sera pas blanc aujourd'hui,

mais bleu de neige,

bleu de neige.

 

Aussi ce soleil qui tape fort contre un mur de briques.

Aussi ces oiseaux qui chantent tous à la fois.

 

Il y avait des mésanges dans tes rires Paula.

Des mésanges dans tes rires.

 

Le jour se lève ma douce.

Le ciel enlève sa peau,

c'est bleu dedans.

 

 

 

NICOLAS JAEN 

 

 

Il se présente :

 

Nicolas Jaen est né le 2 février, dans le Sud-est de la France. Derniers textes publiés: Lettres à A., l'Atelier des grames; Bestiaire et La photographie absolue, éd. du frau.

 

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