De l'enfant au vieillard
il y a trois petits pas d'élans
au-dessus d'un abîme
identifier la cage dans l'enfant
sonder la servitude de l'adolescent
trouver la figue de barbarie
avant de la laisser patiemment pourrir
entre ses dents
***
Je n'avais plus rien à écrire
un verre s'est brisé
qui décida de la suite
pardonne-moi silence
si je la découpe en fragments
c'est le verre qui me l'a soufflée
***
Tu attends la nuit pour écrire
parce que le soleil s'il lisait
par-dessus ton épaule
se souviendrait de Dieu
***
Un ivrogne qui bat le vent
c'est ce qu'on disait de lui
quand son pas s'éloignait quand
sa solitude le dévorait tout cru
dans son studio avec vue
sur l'amer
***
Soyons sincères je ne pleure plus que seul
face à la mer ma semblable
ou bien dans mes silences au téléphone
sans que personne ne le remarque
de mes larmes je goûte le sel sombre
rien qu'en passant la langue
à la commissure des lèvres
elles me nourrissent mais
je les vomis
chaque jour
par les yeux
comme en poésie
***
Dans l'étreinte elle mordait sa langue
elle lyrait tout bas
comme un lointain hululement
elle attendait
tout bonnement
le ressac
et ravalait des mots crus
qui lui faisaient comme une boule au cœur
celle d'avoir été crue
puis d'avoir été cuite
***
Quand je la prenais au sexe la vérité
ôtait ses gants
et nous nous battions
sans nous être lavé les mains au préalable
c'était une très-longue maladie d'enfance
que dis-je
c'est
***
L'enfant fauve qui tourne
en touchant ses yeux en feu
dans la cage de ma tête
au vingt
avenue des grands brûlés
à deux pas
pourtant
de la lande perdue
les yeux dans le bleu
que j'extirpe de mon cœur
à chaque instant sacré à
chaque coup de pioche métaphysique
***
Dans les yeux de ce chien
j'ai vu luire
une montagne rouge
***
J'irai manger mon pain gris sur ton épaule mon amour
j'irai cueillir la fleur et ses haillons pauvres
la fleur qui n'existe qu'en nous
mon doux
mon tendre
mon plus bel amour
***
Je le plains
il trempe son pain
chaque matin et
chaque soir
dans une soupe d'étoiles
***
Violence de Dieu-le-Réel
violence de la poésie
poésie de la violence
j'ouvre le tiroir de gauche oh
un ange
tel un pou de grâce
***
La reine bleue
le demi-sourire de l'impératrice
la fossette attaquant l'œil
le révélant las
sous son voile et son la l'hallali du laid
lance et lancine
les souriceaux
de la mélancolie
une lie tout au fond
dans le soir de lin l'aboi des chiens-loups
les fumées meurent en anneaux
au plafond des pensées
***
Les petites filles vont au ciel à cloche-pied
à cloche-pied elle tombent en amour
comme on tombe en Dieu
***
Je voudrais me souvenir de tout
mais je n'y parviens pas
toi qui es arrivé à toi
montre-moi l'étoile
montre-la moi
NICOLAS JAEN
Il se présente :
Nicolas Jaen est né le 2 février, dans le Sud-est de la France. Derniers textes publiés: Lettres à A., l'Atelier des grames; Bestiaire et La photographie absolue, éd. du frau.
Nicolas Jaen. Capture vidéo YouTube - DR