Belladone
Un rhizome spiral enflé de sève blanche
Fait à mon front terreux diadème changeant,
À ma joue une fronde au toucher astringent,
À ma tempe enfoncé un suçoir d’orobanche.
D’un vérâtre coupé le phloème s’épanche ;
Sa sève alcaloïde infuse vif-argent
Dans mon cœur bradycarde, anémique et flanchant,
Qu’enserre liseron, qu’empoisonne pervenche.
Les racines bientôt se frayent un chemin
Par mon orbite vide, orifice carmin,
Pénètrent mon cortex déplié sur l’argile.
La grande belladone y puise le poison
Qui gorgera son fruit, baie obscure et fragile.
Ma rancœur dans le sol trace un noir horizon.
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Abandonner l’humus
Au sépulcre du bois, l’homme creuse l’humus,
Tissus déshabités, noir réseau de lignine,
Moisissures en fils de guipure hyaline ;
L’effluve cryptogame éclot du tumulus.
Il saisit ton poignet – radius, cubitus –
Tatoué de lichen, exergue sibylline ;
Puis ton corps frissonnant qu’une mousse enlumine
Se dresse et tu deviens du sous-bois la Vénus.
Nue et droite, arrachée au réseau cryptogame,
Du sol de la forêt tu délivres ton âme,
De l’argile et du quartz quittes l’horizon gris.
D’infimes filaments le voile diaphane
En se dilacérant hurle de mille cris :
Résonne alors le pleur du mycète épiphane.
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L’écorce de bouleau
Dans le bois de bouleaux, j’ai quitté le sentier,
Grisé de feuilles d’or, errant dans la bruyère.
Le soleil froid et bas éclaire une tourbière
Par l’eau noire et acide envahie à moitié.
Prudemment je détache un bout d’écorce entier,
Boucle blanche où je vois, à travers, la lumière.
Aplati, le rouleau est page singulière :
Le chaman y lira l’augure forestier !
Sur la tourbe posée – errements alchimiques –
Elle se teint du brun des acides humiques,
Absorbant lentement le précieux pigment.
J’attends, impatient, la réponse vivante :
Se dessine une forme éphémère et mouvante...
J’y lis ma solitude et le souffle du vent.
REMOUX
Il se présente :
Pierre Gondran dit Remoux, né en 1970 à Limoges, Parisien d'adoption, formé en biologie, je me sens poète sur le tard : pourquoi pas ?