Fenêtre entr’ouverte
courant d’air qui glisse comme un voleur
soufflant sur le rideau léger
voilant le jour dévoilant l’obscure pesanteur
Main tendue pour prendre la plume
la bête me saisit le poignet.
Lasse, sans surprise,
ces doigts engourdis essayèrent de tracer les mots ;
volontés vissées en vis-à-vis,
les crocs s’enfoncèrent dans les nerfs et les os.
Ne me coupe pas la main.
Je t’écrirai, tu seras écrite.
Persévérance farouche, entêtement,
jouer avec le feu, compagnon chaleureux.
La bête me regarda, ses yeux troubles et clairs,
secoua la tête, déchirant des lambeaux de chair.
Ne me coupe pas la main.
Je t’écris, chère amie, tu es écrite.
Dans la gueule du loup, sonder les tripes
de la fauve, crever l’abcès, peur au ventre,
inciser aberrations toxiques,
extraire paroles interdites
Le sang coula dans l’encre ; débordant, coule toujours.
Je lui caressai la tête avec mes lèvres et ma joue,
ses yeux bleus me traversèrent,
je posai mon front sur son front ;
elle secoua la tête, puis découvrant les dents,
elle me perça la gorge et m’arracha le cœur.
***
A partir de couloirs différents
rencontre
dans la cage d’escalier
épaule contre épaule
sans mot dire
pas à pas
se posant
pliant chaque marche
au pas
pensées foulant l’air
inspiration
en élision
écho
d’expiration
degré
par degré
enveloppant le silence
sous
nos talons
***
À tout prendre
il vaut mieux tout laisser
l’iris bleu d’orage éclairé
que l’on croyait gris
laisser passer
un silence pénétrant
tendu comme un horizon d’hiver
laisser aller
sur les ailes d’Azuré indécis
et de Proserpine s’étirant
naissant des lèvres d’aristoloche
cet inconnu inconnaissable
laisser tomber
en éclats le reflet tors
où grimacent peurs informes
laisser filer
dans une expiration déferlante
les mots retenus comme des troncs
enchevêtrés sur les berges
du ruisseau débordé
défaire la corolle
surprendre le pollen qui s’envole
en souffle mordoré
pour se poser en filigrane sur l’iris
qui nous cherche détourné
laisser faire
dans cette course perdue éperdue
pour dompter un soi égaré mouvant
soit diable soit daïmôn.
JANE ANGUÉ
Elle se présente :
Après des débuts dans le domaine de l’archéologie Jane Angué étudie le français à King’s College à Londres puis s’installe en France. Agrégée d’anglais, elle écrit en français et en anglais.
Certains textes sont publiés dans The Dawntreader, incertain regard, Le Capital des Mots, Amethyst, Ink, Sweat and Tears, Acumen et Poésie/première. D’autres sont à paraître courant 2019 -2020 dans Arpa et Recours au poème.
Parution : un petit recueil, des Fleurs pour Bach, en août 2019 dans la Collection Encres Blanches, N° 771. Éditions Encres Vives