Les hauteurs de l’automne
C’est peur, c’est tellement resté
La peur collée à l’immobilité
Qu’on avait fini par aimer un peu
Enfilée près, la seconde peau
Comme un chien aime sa gale
Le scénario des fois s’agite encore
Dans un tourbillon fou de pure calamine
Ou bien dans la rêverie sans fin étagée
Rose et saure, d’un Hélène Delmaire
Mais tu es là
Et tu le retournes à chaque fois
Le scénario
Et tu m’emmènes
Ayant quitté la fête
Tu me renverses, tête en bas
Dans les hauteurs de l’automne
Ayant aimé la fête
Jamais ne fus aussi Chagall
La joie est à ce point de volatilité
Qu’on ne peut l’attraper
Et me voilà face aux nuages
Parlant comme un curé
*
En aéroglisseur
Là où être
Il y a toi, tes eaux
Et il y a où se tenir
C’est différent
Car ce n’est pas toi
Où se tenir
L'eau
Ce n’est pas vrai
Là où être
Se trouve à l’endroit précis
Entre ma main et ta surface d'eau
A cet endroit, frôlement
Au-dessus ce serait part de moi
Pourri de mort
Suinter la peur
Hors l'eau
Et c’est facile pour ça
Les églises froides et reconstruites
Le fléau
Les amulettes
Offrandes de blés et de galets
Bandelettes sacrées autour des tarses
Sacrées au fond du trou
Là où être
Ce n’est pas non plus le dessous de toi
L'eau
Partout se dissoudre pour s’absoudre
Sous le profond de l’eau du lac
Alors c’est ici seulement
Dans l’espace entre nos deux corps
Qu’il y a où se tenir
Dans l’épaisseur d’une feuille
En aéroglisseur, sur l'eau
A fond dans l’air
Et à fleur de vie
*
Bora Bora
Oui, c'est ça
Mieux sans doute qu'épinglés
Bora Bora
En langue corse
Couronne de tiaré
Deux frégates avancent
Flanc à flanc
Accostées
Et se soutiennent
Accolées
Vers le très bel inconnu
*
Le pigeon
J'ai l'intime conviction de ne plus en avoir
Oh ! que passe un pigeon au-dessus de ma fenêtre
Et puis c'est tout
Plus je raisonne
Prêchi-prêcha et cervelas
Et moins je résonne
C’est quoi ce poème alors
Sinon salmigondis centripète ?
Rien ne sonne
Tu l’auras fini quand ton boudin ?
J’ai la pupille intime, pupille conviction
De la lumière qui l'effleure
C’est tout
Et que passe un rat
Tout aussi bien
Au-dessus de ma fenêtre
*
Jour naïf
Un carré de lumière pratiqué dans le toit
Tout dans le jour qui vient promet d’être naïf
En dessous, c’est moi, à plat dans un rectangle de fin de nuit
C’est une peur, une peur du matin
Comme si dans le lit, le lit me regardait
Peut-être une vieille habitude
Le sommeil de tes cheveux n’y peut rien
Il n’est rien à craindre, vraiment, du carré de lumière
Que les battements de mon coeur
Tout sera parfait bonheur
Comme dans la grande maison de l’enfance
Avec ses matins, l’été
Ses odeurs de paille et de bêtes
Avec aussi le chant des tourterelles
Sous le carré de lumière
Je pose les deux pieds au sol, quittant ma nuit
Et le jour alors, avec toi, m’inonde de sa naïveté
RAPHAËL ROUXEVILLE
Il se présente :
La poésie de Raphaël Rouxeville a été publiée, depuis 2017, dans les revues Décharge, Le Capital des mots, Lichen, La Cause littéraire, Terre à ciel et Recours au poème.