Regards vitreux goguenards
des ‘on fait ce qu’on veut’
sifflant les menaces
mutisme entendu
sourires repus d’impunité
pas en parallèle
troncs parmi les troncs
fourrés dans les feuillages
fourrés dans les pensées
faire entendre qu’ils sont près
plaquer une couche d’immondices
sur les bois qui m’abritent
étouffer le souffle
des champs que j’habite
assombrir l’éclat des parfums
mutiler les arbres
piétiner les fleurs sur nos tombes
me couper l’herbe sous le pied
murets démontés en escaliers
pour entrer
couper les roses aux piquants inutiles
couper les fils et les fils
que je tisse et retisse en bulle
pour rester en l’air rester entière
forcer les portes
qui renferment l’oxygène
briser les plantes
qui portent saisons sans ombre
qui échappent à l’emprise de plomb
passant repassant chaque nuit
au ras des haies
taillant des trous béants
trouant mon sommeil
taillant les veines
extirper ces violeurs du quotidien sanglant
faire vivre la clarté dans mon corps étranger.
***
Désagrégation
d’une main gantée
saisir la grisaille
grésille égrenée
en gouttelettes peaufinées
à l’étrille du sensé
au gré des vents
résolution émiettée
intentions fluides dénigrées
agréer l’agrément
d’approbation forcée
intégrer les degrés
de glissement
vers faux-fuyants grésés
dégradé
de gré ou de force
aux aguets
témoin impuissant
de revirements aigus
principes qui basculent
vers une voix à l’accent grave
un nom
un non
gravé dans le grès tendre
effritement d’engagement
clés de voûte effondrées
***
Calibrage
Calibrage obligatoire
par-dessus bord menu fretin frétillant
à la benne tordus et fourchus
perfection
insipide
petite pomme bosselée sans nom
museau de lièvre, nez de veau
pouzaraque épatante
ne rentrant pas dans les cases
au rebut les reflets du vivant
tri en catégories
première deuxième déclassée
trier les personnes ne tenir compte
que des grosses légumes
les champions médaillés
des concours du toujours plus
calibrer la réflexion
succomber comme Blanche Neige
à l’attrait des idées reçues lustrées
caricatures rouges et vertes
diktats des bien-pensants
ne garder que les photos posées
maquillées de grands moments
étouffés dans le silence d’apparence
ou collectionner et savourer
chaque petite défaillance
faiblesse chaque maladresse
écueil explosion de fou rire
chaque erreur cataclysmique
qui a ouvert une brèche
d’une hauteur hors norme
par où s’évader d’une vie plane
et atone
se délecter des défauts
d’une cacophonie de formes.
JANE ANGUÉ
Elle se présente :
Après des débuts dans le domaine de l’archéologie Jane Angué étudie le français à King’s College à Londres puis s’installe en France. Agrégée d’anglais, elle écrit en français et en anglais.
Certains textes sont publiés dans The Dawntreader, incertain regard, Le Capital des Mots, Amethyst, Ink, Sweat and Tears, Acumen et Poésie/première. D’autres sont à paraître courant 2020 dans Arpa, Recours au poème, Mille-Feuille, l’anthologie de Flammes Vives et Traversées.
Parution : des Fleurs pour Bach, en août 2019 dans la Collection Encres Blanches, N° 771.
Éditions Encres Vives