Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS - JORGE VARGAS

Publié par Le Capital des Mots sur 7 Juin 2020, 18:56pm

Catégories : #poèmes

POEMEDITACIÓN PARA NO DORMIR PROFUNDAMENTE

 

Respira por la nariz tres veces

Tres

Inhala              Exhala

Inhala exhala.

Cualquier pensamiento que cruce por tu cabeza

No lo retengas

No lo juzgues

Déjalo ir.

Enfoca suavemente tu atención en tu brazo derecho

El mismo que estiras para pedirle piedad a la vida.

Ese con el cual te rascas la cabeza cuando no soportas los piojos

El que abraza tu estomago cuando el hambre crece.

Inhala              exhala

Siente como poco a poco se hace denso

Como se hace pesado

Repite             mi brazo derecho es pesado

                                    mi brazo derecho es pesado

                                               mi brazo derecho es pesado

Enfoca tu atención en tu brazo y

Deja que tu corazón también se haga de piedra

Que pese.

Olvida las muertes

Olvida la violencia

Las desapariciones.

 

Déjate llevar

Tu cuerpo es un río que desemboca en el mar

Siente como te arrastra la corriente

Escucha como ladra el agua

las piedras te muerden

Repite

Mi cuerpo es pesado

Mi cuerpo es pesado como el de Manuel Arias

Al que apodaban el mariachi.

Su cuerpo pesaba después ser asesinado a balazos.

O el de Raúl Hernández Romero

Golpeado y herido de muerte

Con un corte en la cabeza.

Mi cuerpo es pesado

Como el de la pequeña Fátima

Que fue violada, torturada y después

Puesta en una bolsa de plástico.

Porque entre más pequeño el cuerpo

            Mas pesa.

Pesado es mi cuerpo

Mi cuerpo

Su cuerpo

Los cuerpos.

Inhala exhala

Siente como poco a poco

Todos los cuerpos caen sobre ti

Olvida el insomnio

Olvida las noches

que nunca serán como nunca

Siente como la miseria va quedando atrás

El infierno ha quedado atrás.

Escucha el agua                      ya no ladra

Y sabe a sal

                        Hemos llegado.

 

 

POÈMÉDITATION POUR NE PAS DORMIR PROFONDÉMENT

 

Respire par le nez trois fois

Trois

Inspire             expire

Inspire expire.

La moindre pensée te traversant la tête

Ne la retiens pas

Ne l’examine pas

Laisse-la partir.

Dirige délicatement ton attention sur ton bras droit

Celui-là même que tu tends pour mendier à la vie de la pitié.

Oui

Celui avec lequel tu te grattes la tête quand tu ne supportes plus les poux

Celui qui étreint ton estomac lorsque s’enfle la faim.

Inspire             expire

Sens bien comment il se fait dense peu à peu

Il se fait lourd

Répète            mon bras droit est lourd

                                    mon bras droit est lourd

                                                mon bras droit est lourd

Dirige ton attention sur ton bras et

Laisse ton cœur aussi se faire pierre

Qui pèse.

Oublie les morts

Oublie la violence

Les disparitions.

 

Laisse-toi aller

Ton corps est un ruisseau qui se perd dans la mer

Sens comment t’emporte le courant

Écoute comment l’eau aboie

Comment les pierres te mordent

Répète

Mon corps est lourd

Mon corps est lourd tel celui de Manuel Arias

Qu’on surnommait mariachi.

Son corps était si lourd tué par tant de balles.

Ou celui de Raúl Hernández Romero

Frappé blessé à mort

D’une lourde plaie à la tête.

Mon corps est lourd

Comme celui de la petite Fátima

Qui fut violée, torturée, puis

Emballée dans un sac en plastic.

Car plus il est petit plus le corps

            Est lourd.

Lourd est mon corps

Mon corps

Votre corps

Les corps.

Inspire             expire

Sens comment peu à peu

Tous les corps tombent sur toi

Oublie l’insomnie

Oublie les nuits

Qui ne seront jamais comme jamais

Sens comment reste derrière la misère

L’enfer est resté derrière.

Écoute l’eau                elle n’aboie plus

Elle a le goût du sel

                                 Nous sommes arrivés.

 

***

 

 

 

BREVISIMO TESTAMENTO

 

Dejo mi piel

Delgada tela que violenta la ciudad y examina

Las calles con ojos tristes,

Las pequeñas ventanas donde hubo incapaces amores;

el mar sin mar de mi ciudad.

Dejo mis dedos fantasmales

Que transitaron aguas

Teclas

Vientres

Parpados de miel

Y por los cuales brotó la poesía

Como rio de corriente deshilachada.

Dejo mi cabeza

Mis dientes chuecos

Mis piernas de araña.

Dejo mi sombra quemada por la ceniza de los presagios

Desteñida por el fuego del libro nocturno.

Dejo mis sueños a medio cumplir.

Mi maquina

            Que año con año

Como pequeño caballo galopó en busca de la fuente

Del orgullo donde la muerte muere.

Un par de libretas engusanadas

            Por la pereza.

Algún llanto

            Y algunas imágenes violentas del mundo.

 

TESTAMENT BRÉVISSIME

 

Je laisse ma peau

Fine toile qui agresse la ville et scrute

Les rues de ses yeux tristes,

Les petites fenêtres où elle eut des amours avortées ;

la mer sans mer de ma ville.

Je laisse mes doigts fantomatiques

Qui ont parcouru des eaux

Des claviers

Des ventres

Des paupières de miel

Et d’où a jailli la poésie

Comme une rivière au courant effiloché

Je laisse ma tête

Mes dents biscornues

Mes jambes d’araignée.

Je laisse mon ombre brûlée par les cendres des présages

Ternie par le feu du livre de la nuit.

Je laisse mes rêves à mi destin.

Mon ordinateur

            Qui année après année

Comme un petit cheval a galopé à la recherche de la source

De l’orgueil où meurt la mort.

Deux ou trois carnets corrodés

            Par ma paresse.

Quelques pleurs

            Et quelques images violentes du monde.

 

***

ARENA NEGRA

 

Y querrás que la vida se detenga

Como el instante mismo en el que enciendes un cigarro

Y te detienes tú

            Pero todo pasa.

Como no queriendo que te lleven.

Como queriendo estarte.

Pero es el viento hijo de puta que te arrastra a las calles

De la soledad.

Y la vida

Aunque bella

Tiene sus penas y el pan mendigado

En las esquinas donde se agazapan el frio y la oscuridad.

Te quedarás dormido en las escaleras de la tristeza

Justo frente a las puertas del hambre.

Es ahí donde sabrás que es mejor de dos en dos.

Porque de uno en uno somos polvo;

Polvo de nada.

Ahí

Desbordado

Cansado del rumor del rio entre las montañas

Si es que alguien se cansa del rumor del rio entre las montañas.

Ahí

Vencido

Esperando el calor de una voz que te susurra

En las noches de invierno.

Ahí

Tendido junto al mar nostálgico de Attila József

Que querrás cambiar por el mar bravío de arenas negras.

¡Oh! Mar

Milagro intempestuoso

Melancolía donde tu canción se deleita.

Envuelve mi alma      

                        Que anhela la vida.

Mi corazón endurecido y desterrado de sus profundidades;

De todo este universo de sombras y canciones obstruidas.

¡Raro el que se mide a sí mismo en tu poder secreto!

Imponme el entierro.

Y si la oscuridad me hace caer

            Que me consuma lentamente.

 

 

SABLE NOIR

 

Et tu voudras que la vie se suspende

Comme l’instant précis où tu allumes une cigarette

Où tu te suspends toi

            Mais tout s’en va.

Comme si tu ne voulais pas être emporté.

Comme si tu voulais rester toi-même.

Mais c’est le vent ce fils de pute qui t’arrache vers les rues

De la solitude.

Et la vie

Belle toutefois

Connaît ses peines et le pain mendié

Aux croisements où se rejoignent froid et obscurité.

Tu tomberas de sommeil dans l’escalier de la tristesse

Juste en face des portes de la faim.

C’est là que tu sauras que c’est mieux deux par deux.

Car un par un nous sommes poussière :

Poussière de néant.

Submergé

Fatigué par la rumeur de la rivière entre les montagnes

S’il existe quelqu’un de fatigué par la rumeur de la rivière entre les montagnes

Vaincu

Attendant la chaleur d’une voix qui te murmure

Pendant les nuits d’hiver.

Étendu près de la nostalgique mer d’Attila József

Que tu voudras échanger avec la mer sauvage aux sables noirs.

Oh mer

Miracle intempétueux

Mélancolie où ta chanson est un délice.

Envahis mon âme      

                        Qui aspire à la vie.

Mon cœur endurci déporté de ses profondeurs ;

De tout cet univers d’ombres et de chansons interdites.

Qui peut se mesurer à soi dans ton pouvoir secret ?

Impose-moi mon enterrement,

Et si l’obscurité me fait tomber

            Puisse-t-elle lentement me consumer..

 

 

 

 

© Jorge Vargas (traduction : Patrick Quillier)

JORGE VARGAS

 

 

 

Présentation : 

 Photographe et poète, il est né en 1990 à Armería, État de Colima (Mexique). Pueblo quieto (Paisible village), publié aux Éditions Wallâda en 2019 (avec le recueil Sang et cendres de son compatriote César Anguiano), dans l’ouvrage intitulé Cancionero des temps obscurs, est sa première œuvre poétique. Il s’y distingue déjà comme l’une des voix les plus authentiques et les plus puissantes de la nouvelle génération d’écrivains mexicains. Doté d’un regard infaillible, il s’en sert pour représenter, en images comme en poèmes, la vie et la lutte des Mexicains pour une vie meilleure.

Jorge Vargas. - DR

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