Le Capital des Mots.

Le Capital des Mots.

Revue littéraire animée par Eric Dubois. Dépôt légal BNF. ISSN 2268-3321. © Le Capital des Mots. 2007-2020. Illustration : Gilles Bizien. Tous droits réservés.


LE CAPITAL DES MOTS n°2- Décembre 2007- Alain Boyer

Publié par LE CAPITAL DES MOTS ( revue de poésie) sur 3 Décembre 2007, 00:00am

Catégories : #poèmes

 

 
 
 
Embrasures
 
 
 
Epuré de l’émoi de sa vue, embrasé, rouge tison, émoulu
d’aiguisoirs, empierré de couches de caillasses. Emoussé à en
défaillir au monde, émondé de ses branches, élagué de ses feuilles,
empesé de raideurs, embourbé d’ensablements, éjecté,
épuisé d’effusions, égorgé de tranchées, érodé de raclures,
éclipsé des lumières, essuyant des terreurs, essoufflé de saccages,
enfiévré de froidures, évanoui de tortures. Epris de
demeures, enfoncées à jamais, enlevé de rêves élevés, écarté de
tout ciel, évidé, élimé, laminé, échancré, éviscéré, écartelé de
ruptures, rompu, roué de rosseries, éclaté d’écorchures, en sac-
cades, étonné d’être encore, de corps à corps, désaccordés,
désencordés, dévissés, dépliés, dénoués, déchirés de leur chair.
 
 
 
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La mort du fleuve
 
 
 
En cascades de survenances cette eau jadis exhibait sa splendeur.
Un déluge d’orages a lancé la défluviation. Le cours est
transbordé, déporté, transvasé, siphonné. Puis la décrue de la
source a tari les affluents. Les torrents de force ont séché. Leur
ancienne confluence s’est perdue en vaisseaux capillaires,
s’échouant dans la noirceur lézardée des marécages confus. La
rivière mue d’épuisement et s’étouffe en ru. Nul delta
n’embrassera plus la mer, les défluents ont trop soif, les ondes
blanchies d’écume, dénudées de leur ample enroulement, se
disloquent en d’informes clapotis. On n’entend plus que le susurrement
des eaux éparpillées. Les vagues larmes du vent
laissent à peine deviner l’ancienne magnificence des flux, dévalant
à en jouir les rampes qui les menaient à leur embouchure
enlacée de sels au tact des houles.
 
 
 
 
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Sous le vent
 
 
 
Délassé, les vents dansant des gigues trémoussantes
Effleuré de suies flottant au gré de courants effarouchés
Enivré d’enroulants soulèvements figés dans leur vol
 
Elimé de frottements de givres acérés
Ecorché d’acescentes fluidités, fuyant de sources dormantes
Délivré de langueurs par des grêles incisives
 
Eclaté d’incessants assourdissements
Epuisé de lames revenantes, innervées de fouettements
Désancré de la vase tranquille en typhons de tourments
 
Ecrasé d’éventrements de houles ahuries
Ebloui de foudres incendiaires ruisselant de meurtrissures
Décroché vers la faille sans fond
 
Dégrisé, par le grain pris d’effusions
Enlevé dans les voiles ensalées d’alizés
Emmené par l’élan folié de flux déliés !
 
 
 
 
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Névrose
 
 
 
De l’un à l’autre, la tension veille, dans un lacis de venelles où
ruminent les méprises. Elle s’étend sans clarté, assombrie dès
l’indicible origine. Une séquence enterrée de jours irrévélés
monte sans s’avertir. La taupe des secrets a creusé ses trouées
pour effondrer les lits de plaisirs. Ecarquiller les mutismes,
délivrer des représailles inconnues, solder des venins enclos.
Les ressentiments rivaux, emmitouflés naguère par les embarquées
du désir, s’ouvrent des sentiers au hasard. L’un et l’autre
sont pris dans ce lacet de pierres embusqué. Nul n’ayant prise
sur l’ayant été, embourbé de visions courbées. On n’entend plus
que des filaments de récits partagés. Faible est la chance du
lien. Le départ est invincible. Et se dit dans le cri.
 
 
Extraits de « Ma nue » © Publibook
 
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La caresse océane embrume de sels de brise la peau des amants sommeillant sur le sable. Qui les sculpte lentement dans ses tendresses émollientes. Les mousses d'algues aux senteurs virulentes les drapent de sueurs douces. Que la main des dieux les parcoure de délices. Qu' éclaboussent à leurs pieds les neiges des vagues. Le délassement de leurs corps les délie dans la nuit. Que les touches du rêve leur livrent des étreintes marines. 
 
inédit
 
 
 
 
 
ALAIN BOYER
 
Alain Boyer.
Né en 1954 à Clermont-Ferrand.
ENS (Ulm) 1974.
Agrégation de Philosophie (1977).
Professeur de Philosophie Morale et Politique à Paris IV-Sorbonne depuis 1998.
Publications (choix de) :
Introduction à la lecture de Karl Popper, PENS, 1994
L’Explication en Histoire, PUL, Lille, 1992
Hors du Temps, Vrin, 2001
Kant et Epicure, PUF, 2004
Ma Nue. Thérapoétique, Publibook, 2007.
 
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